Hier, premier jour du ramadan, la ville
de Constantine présentait un visage tout à fait différent de la veille. A 11h,
la majorité des boutiques étaient encore fermées. Les cafés, les restaurants,
les gargottes et autres échoppes avaient, bien sûr,
le rideau baissé. La circulation automobile était rare et fluide et tous les
axes d'entrée ou de sortie étaient dégagés. De sorte que les gens qui habitent
dans les quartiers et les faubourgs arrivent facilement et rapidement à
rejoindre le centre-ville. La circulation automobile et piétonne est
clairsemée. Les gens de la Casbah et de la vieille ville que nous avons
rencontrés à la place de la Brèche se promenaient avec le sourire aux lèvres. «
C'est une véritable bénédiction», clamaient-ils en respirant à pleins poumons
l'air frais qui soufflait du nord en débouchant par l'esplanade de la Brèche.
«Malgré qu'on ait le ventre vide, qu'on est privé de café et de cigarette, nous
sommes heureux de nous promener de bon matin en ce premier jour du jeûne, dans
des rues et des avenues totalement dégagés, presque vides. C'est comme ça que
nous aimons notre ville», nous ont-ils avoué. Un peu plus loin, au carrefour de
la Place des Martyrs, un policier de la circulation qui «chômait», a estimé que
«80 % des véhicules qui pénétraient en ville chaque jour ne sont pas venus ce
matin». Ils venaient d'où ? «De tous les coins de la région, sans compter les
badauds, les chômeurs, les trafiquants de toute sorte qui débouchent chaque
jour des montagnes, des plaines, bref des patelins les plus reculés pour se livrer
au commerce et créer la cohue dans la ville et les embouteillages aux entrées
et sorties», a estimé un habitant.
Bref, avec un soleil clément et une brise
fraîche en cette journée du lundi, premier jour du Ramadan, il faisait bon
vivre et se promener à Constantine sans les habituelles cohues, les difficultés
de déplacement causées par les marées humaines que déversent tous les moyens de
transport venant de toutes les directions, les attroupements sur les places
publiques, la foule, les bousculades dans les cafés, les magasins, les
administrations, le désordre? La capitale de l'Est qui ne cessait, chaque jour
que Dieu fait, de prouver son statut, s'est réveillée hier, Ramadan oblige, à
moitié endormie, moins fébrile et plus calme que d'habitude. Car la moitié de
sa population était encore endormie à l'instar de l'autre moitié qui s'était
abstenue de venir lui rendre la visite quotidienne parce que, soupçonnons-nous,
elle était elle aussi dans les limbes. «Ne vous fiez pas aux apparences, nous
dira un vieux rencontré à la Pyramide. Attendez de voir débouler, aux environs
de 13 ou 14h, des masses humaines poussées par leurs ventres vides qui
viendront tout piller et repartir attendre l'Iftar !
».