En mars
1968, en plein rue de New York, une jeune femme de 28 ans vient de se faire
violer et pendant qu'elle agonise, de nombreux curieux sont à leurs fenêtres.
Aucune personne ne lève le petit doigt pour avertir la police. Ils sont
spectateurs au balcon. L'indifférence face à une agression et le fait de ne pas
porter secours à une personne en danger sont des phénomènes que les
psychologues baptisent : «effet spectateur». Les chercheurs en psychologie
sociale découvriront que plus nous sommes nombreux, moins nous réagissons.
Pourquoi ? Seuls face à une urgence, nous sommes davantage impliqués.
Cependant, quand d'autres personnes sont présentes, la responsabilité est
«diluée» et il se peut que personne ne réagisse. Car nous déléguons
instinctivement la responsabilité à autrui en étant convaincu qu'il sera plus
«apte» à prendre la situation en main (la peur de la responsabilité).
Quand on
essaie de comprendre ce qu'il se mijote dans «la casserole Algérie» nous avons
l'impression qu'il y a les acteurs, les victimes et les victimes collatérales,
les supporteurs de chaque catégorie, cependant, il y a des spectateurs !
L'effet spectateur en politique se résume à l'incapacité des citoyens de
revendiquer l'application de la loi. Plusieurs spécialistes s'accordent à dire
qu'en Algérie la loi est écrite pour «l'image à l'extérieur». Dans les faits,
elle n'existe que pour le simple citoyen. Partant du principe que la loi est
uniquement «une image» et un moyen pédagogique utilisée
à tort et à travers, certains citoyens algériens arrivent à la conclusion
suivante : la revendication pourra-t-elle apporter un changement dans ma vie
quotidienne ? Que pourrai-je apporter pour changer les choses, en même temps
que les plus influents sont dans l'incapacité de porter un changement ? Le citoyen
s'interroge également sur l'utilité de la loi ? L'ensemble de ces
interrogations sont légitimes dans la mesure où elles n'ont pas encore trouvé
des personnes qui y réfléchissent ou des mouvements qui les incarnent, afin
qu'elle émane des propositions proches à leur interrogation. Les choix proposés
à ce jour sont «les éternels recommencements» : des idées, des souhaits et des
rêves ressassés depuis l'indépendance ! À force de répéter le même discours, le
citoyen connaît la chanson et surtout sa fin ! Que faut-il faire ? C'est
trouver une nouvelle manière de comprendre et de penser ce que nous vivons et
surtout des nouvelles méthodes d'action. Cependant, le temps de la prise de
conscience de la réappropriation du langage, de la reconnaissance des expériences
du passé, le temps de regarder l'autre différemment, celui de penser par
soi-même, de lutter contre le dévoiement des concepts et la perversion des mots
ordinaires, ce temps-là est long.