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Début des épreuves aujourd'hui: Un bac sous haute surveillance et des syndicats sceptiques

par Abdelkrim Zerzouri

La balle est dans le camp des 818.518 candidats au baccalauréat qui entament aujourd'hui les épreuves de cet important examen, le plus important aux yeux des familles algériennes. Impossible de se débarrasser de ce «trac au ventre» avant la distribution des sujets, ou du stress face à la feuille blanche, mais au bout de quelques minutes, tout rentre dans l'ordre, les esprits des candidats seront totalement concentrés sur les questions, et l'on commencera à peaufiner la stratégie des réponses, plus de place, alors, pour les hésitations et sur les doutes à propos des sujets proposés. La ministre de l'Education nationale, Mme Nouria Benghebrit, avait rassuré ces derniers jours, lors de ses différentes sorties médiatiques, que «l'élève moyen peut avoir une moyenne de 10/20, les sujets retenus dans cet examen du bac sont conçus dans ce sens, et les questions seront abordables pour tout candidat qui s'est bien préparé pour la circonstance». Côté logistique et préparation matérielle, tout est au point. Tous les moyens humains et matériels nécessaires sont mobilisés pour assurer le bon déroulement de ces épreuves et des instructions fermes ont été données aux autres secteurs impliqués, comme la Santé, Transports, Protection civile et chefs de daïra afin de se mettre au diapason de l'examen du bac. De ce côté-là, l'expérience aidant, rien à craindre et tout devrait aller comme sur des roulettes. Mais cela n'atténue pas pour autant la pression qui pèse sur les responsables du secteur de l'Education dont le souci majeur reste classé sur le chapitre de la fraude. Echaudée par l'«imposture» technologique qui a émaillé l'an passé les épreuves du bac, la tutelle tente cette fois-ci de parer à toute éventualité de triche, mettant en place un laborieux dispositif antifraude, tant sur les plans psychologique et dissuasif que sur les plans «surveillance et contrôle». La tutelle est, à ce titre, sur le qui-vive pour débusquer les tricheurs. Pour redonner la crédibilité à l'examen du bac, le département de l'Education nationale a placé cette session du bac 2016 sous l'intitulé «rigueur et fermeté contre la triche». Mettant en garde les fraudeurs qui risquent une exclusion pour une durée de cinq à dix années. Une commission dans laquelle siègent la Gendarmerie nationale, la DGSN et le ministère de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication a été installée pour lutter contre ce phénomène et, surtout, localiser et identifier les adresses IP des tricheurs qui useraient des réseaux sociaux pour poster les sujets et les réponses. 160.000 surveillants ont été mobilisés pour quadriller les couloirs et les salles d'examen. Consignes strictes données aux agents en charge de la sécurité pour que les candidats et les surveillants laissent leurs téléphones portables à l'entrée des établissements. Fouilles corporelles et déplacements des candidats vers les toilettes sous surveillance renforcée. Le ministère de tutelle s'estime très armé pour faire face aux tentatives de fraude. Mais il serait plus judicieux de dire qu'on n'est jamais assez bien paré face à l'ingéniosité des fraudeurs, surtout lorsque l'origine de cette fraude est à chercher ailleurs que dans les centres et les classes d'examen.

Le porte-parole du Cnapest, Messaoud Boudiba, affirme qu'il est pratiquement impossible que les fraudeurs soient parmi les encadreurs des centres d'examen, surveillants et membres des secrétariats. Notre interlocuteur soutient qu'il s'agit d'une machination machiavélique concoctée de l'extérieur des centres d'examen dans un but évident, et un seul, toucher à la crédibilité de l'école algérienne. «Ce n'est pas du tout chose aisée pour un surveillant de prendre en photo les sujets et les poster sur les réseaux sociaux, avec des réponses élaborées immédiatement, presque instantanément, enfin, le tout dans les 10 à 15 minutes après le début des épreuves ! La méthode laisse clairement voir qu'il s'agit d'une fraude menée de l'extérieur et il faut admettre que ces fraudeurs sont bien préparés et n'ont que cela à faire, surtout pour ce qui relève de la partie solutions», considère M. M. Boudiba. Ajoutant que «c'est pour cette raison, qu'il faut cesser de mettre toute la pression sur les candidats avec cette fouille corporelle notamment», qu'il estime «humiliante» et met le candidat sur un banc d'accusé ou de «suspect en force».

Tous les avis convergent dans ce sens vers l'instauration d'un nouveau système d'évaluation, et de sujets dont les questions sont puisées de la compréhension des cours et qui feraient appel à l'intelligence de l'élève. Pour le porte-parole de l'Unpef, M. Amraoui, c'est la «déception» face à l'absence de moyens technologiques pour mettre en échec la fraude et la mise en vogue de moyens archaïques, voire «primaires», pour faire face à ce phénomène. «Les mosquées ont bien pu brouiller les champs des réseaux de la téléphonie, comment se fait-il qu'on n'arrive pas à mettre en pratique ces brouilleurs dans les centres d'examen ?» s'est-il demandé. L'organisation du bac «coûte l'équivalent du montant nécessaire pour construire 106 écoles primaires de type C, c'est-à-dire de 6 classes», selon une récente déclaration de la ministre de tutelle, qu'est-ce que cela aurait coûté de plus si on avait ajouté l'installation de brouilleurs ? La crédibilité de cet examen, qui offre à ses lauréats un premier grade universitaire, est comme la santé, elle a un coût mais elle n'a pas de prix.