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Dans
la wilaya de Khenchela, Nouredine
Bedoui a dû défier le temps pour pouvoir inspecter
les nombreux chantiers et réalisations inscrits au long ordre du jour de sa
visite.
Vraisemblablement enrhumé puisqu'il avait tout le temps un paquet de mouchoirs en papier à la main et semblait avoir constamment soif, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales n'est pas homme à donner le temps au temps. De la journée du dimanche qu'il a consacrée à ses randonnées à travers les différentes communes de la wilaya pour inspecter les réalisations et chantiers, Bedoui en a même «subtilisé» de longues heures supplémentaires parce qu'il avait à cœur de «tout voir, tout inspecter» chargé qu'il est par le gouvernement de booster le développement local. Dès le premier point, il s'attardera sur «qui n'a pas fait quoi» pour ce qui de la distribution des logements sociaux déjà prêts et d'autres programmés. « Les décisions de réalisation sont prêtes et les financements existent, pourquoi ne commencez-vous pas à remettre les pré-affectations aux bénéficiaires ? » a-t-ilinterrogé. «Comment voulez-vous que les gens habitent cette cité alors que les routes n'ont pas été goudronnées ? » susurre un citoyen qui s'inquiète de l'état de ce nouveau quartier qui, dit-il «dès les premières gouttes de pluies, va s'embourber.» Des élus locaux interpellent le ministre sur le gel de nombreux projets socioéconomiques pourtant inscrits au profit de la wilaya. A ce moment, Bedoui se trouvait à Ain Touila qu'il connaît bien pour avoir été chef de daïra dans les débuts des années 90. Il visitera un quartier de réhabilitation de l'habitat urbain où 937 familles ont bénéficié d'une aide de l'Etat de 70 millions de centimes. « Le rôle principal des collectivités locales est d'améliorer les conditions de vie des citoyens, » a-t-il dit aux responsables locaux qui l'accompagnaient. Il s'engouffre dans la brèche de la sécurité pour lâcher « notre force est dans notre cohésion. » C'est ainsi qu'il avait fait part ?et pour la première fois- de l'existence de tentatives « internes » de déstabilisation de l'Algérie. Il en fera son leitmotiv tout au long de sa visite à travers la wilaya. (Voir le Quotidien d'Oran du lundi 23 mai 2016.) «L'Etat ne se désengagera jamais de ses obligations envers les citoyens (?), mais en même temps, il faut qu'on soit tous vigilants, on doit garder les yeux ouverts sur le pays pour préserver sa stabilité et assurer sa sécurité, » a affirmé le ministre de l'Intérieur. Il lance un appel pressant aux autorités locales pour «encourager et faciliter l'investissement. » Le ministre leur demande même de réfléchir sur la possibilité de mettre en place « dans chaque daïra » un comité chargé de la promotion de l'investissement qui pour l'heure existe à l'échelle de toutes les wilayas du pays. Sur le chemin du retour à Khenchela, il s'est arrêté à une terrasse d'un café à Belkitane. « Nous n'avons pas reçu de visite d'officiels depuis l'indépendance, » lui font savoir les habitants qui l'ont entouré. Ils en ont profité pour lui faire part de leurs doléances socioéconomiques. Il passera plus tard un bon moment auprès d'une unité de la protection civile à laquelle il a tenu à rendre hommage après son intervention dans une fosse commune profonde de 42 m pour en extraire les ossements de 21 martyrs de la guerre de libération nationale. Les Khenchlis en ont d'ailleurs gros sur le cœur à ce sujet parce qu'ils estiment que leurs chouhada n'ont pas eu les honneurs qu'il leur fallait après qu'ils se soient sacrifiés pour l'indépendance du pays. «Nous vous demandons de faire construire un cimetière de chouhada à Khenchela pour faire enterrer ces ossements, nous voulons que soient rapatriés nos martyrs qui sont encore en Tunisie, nous vous demandons que les ossements des martyrs tombés dans les montagnes au temps de la colonisation soient récupérés et enterrés dans le cimetière que nous voulons avoir à Khenchela, » réclament des intervenants au ministre. La société civile «en nocturne» Des revendications, Bedoui en a enregistré de nombreuses lors de sa réunion avec les représentants de la société civile de la wilaya. Encore que le temps ne s'y prêtait presque plus puisque la nuit était tombée depuis longtemps. Il a semblé déployer de gros efforts d'endurance pour avoir le temps suffisant et terminer son programme. Une fois ses visites sur le terrain achevées, il devait ainsi tenir sa réunion à la cinémathèque de la ville de Khenchela à 15h 30, c'est-à-dire juste après le déjeuner. Mais il improvisera de nouveaux points à visiter dans les daïras de Kaïs et Bouhamama, ce qui l'emmènera dans la salle à? 21h40. Durant toutes ces heures, les invités entre élus et société civile dans son ensemble, allaient et venaient dans tous les sens. Nous aurons ainsi l'occasion de savoir que la salle en question n'a de cinémathèque que le nom. Construite il y a près de quatre ans, elle n'est ouverte que rarement parce que nous disent des Khenchlis «elle doit être livrée à la cinémathèque d'Alger mais elle ne l'a pas été en raison de problèmes d'étanchéité et d'électricité dont les factures n'ont pas été payées, alors la Sonelgaz coupe le courant. » Un agent lance à son collègue «j'espère que le groupe électrogène tiendra bon, on l'a mis en marche dès 15h pensant que le ministre va être là mais il n'en est rien? » Beaucoup de femmes ont quitté la salle dès qu'il a commencé à faire nuit pour des raisons évidentes d'ordre familial et aussi de transport. « Les membres de l'exécutif sont restés parce qu'ils ont peur du wali, » nous dit un responsable. Après l'hymne national diffusé en entier, le wali, Hamou Bekouche prendra le premier la parole pour s'excuser du retard. Ce que le ministre fera auprès de l'assistance dés le début de son intervention qu'il a débuté à 22h tapantes. « Le travail est un acte pieux (el aâmel iibada), c'est une visite de travail par excellence, » a-t-il dit pour justifier ces quatre heures de retard. D'ailleurs, il lance d'emblée « je ne vous fais pas de discours, je vous écoute. » Khenchla plaide «énergies renouvelables» Les intervenants demandent qui, une ligne de chemins de fer « qui existait avant l'indépendance mais qui a disparu après », qui des silos pour les céréales, des aides financières aux équipes sportives locales « que certaines APC bloquent. » Des jeunes des associations de protection de l'environnement, ont à la surprise des gens du nord, réclamé au ministre de l'aide pour « la création d'un centre d'extraction des huiles essentielles puisque Khenchla est connu pour avoir une multitude de plantes médicinales » et de programmer la mise en place de plaques photovoltaïques «pour lesquelles la région s'y prête amplement ». Ils veulent aussi un soutien par la création d'un centre pour le développement durable « afin de l'expliquer, de connaître ses objectifs, d'œuvrer pour la préservation des espaces verts et des espèces végétales, pour lutter contre la pauvreté, protéger l'environnement? » L'ambition en matière d'environnement et d'énergies renouvelables est grande et sera saluée par Bedoui qui avouera qu' «on est très en retard dans ce domaine par rapport à nos voisins.» Il reprendra par ailleurs les propos d'un jeune qui lui a demandé « des efforts du gouvernement pour mettre sur pied des entreprises de production et créer ainsi des postes d'emplois. » Il estime alors que « notre plus grand défi est de permettre aux diplômés de trouver un emploi, de créer une dynamique qui rattache le développement à l'emploi. » Il répondra aux agriculteurs qui veulent exporter leurs productions qu' « on peut réfléchir à un mécanisme qui allie investissement et création de richesses, on vous accompagnera et on financera vos projets, on créera aussi des zones d'activités industrielles dans la wilaya. » Les Khenchliettes réclament «l'égalité des chances» Le ministre relève à l'intention des autorités locales à cet effet que «le foncier existe dans la wilaya, ne manque que l'investissement, je vous demande de préparer des fiches techniques... » La wilaya de Khenchela possède, selon le Conservateur des forêts, 146 000 hectares répartis entre le pin d'Alep, le cèdre, le chêne et 42 000 ha de l'alfa. « Nous produisons 30 000 m3 de bois avec lesquels nous assurons 25% de la production globale nationale, » nous dit en aparté le Conservateur. Le directeur de l'environnement nous fait savoir qu'il existe dans la région « 8 décharges contrôlées, un centre technique d'enfouissement de 20 ha, nous assurons ainsi une couverture aux 21 communes de la wilaya à hauteur de 98% en matière de gestion des déchets ménagers avec y compris le tri.» Les cadres locaux assurent : « Khenchla est une région stable et sécurisée, elle l'a été même pendant les années du terrorisme.» Les femmes veulent pour leur part que les autorités locales fassent valoir le principe de «l'égalité des chances» pour, dit l'une d'entre elles au ministre, «qu'on puisse accéder à des postes de responsabilités et à des hautes fonctions tout autant que les hommes. » Des jeunes se plaignent d'employeurs publics et privés qui, affirment-ils, « nous refusent d'exercer notre droit syndical au risque d'être révoqués. » Un représentant de la garde communale demande au ministre à ce que ce corps bénéficie de la protection sociale (carte chifa?). «L'Etat vous reconnaît votre courage et votre combat aux côtés des services de sécurité au temps du terrorisme, » lui répond le ministre. « Soyez rassurés, on ne vous a pas laissés tomber, on œuvre au niveau du ministère pour concrétiser toutes vos aspirations, » le rassure-t-il. Un intervenant dénoncera « la corruption à tous les niveaux de Khenchela, el besnassa partout, les routes sont réfectionnées cette semaine, elles seront refaites encore la semaine d'après, demandez aux autorités locales où ont-elles mis les budgets dégagés par l'Etat pour réaliser des projets dans cette wilaya qui manque de tout, je suis prêt à les confronter. » «Si tu parles, je t'enlève de la liste» Des jeunes nous interpellent timidement à voix basse pour nous parler de leur problème de logement. Exposez-le au ministre, leur a-t-on conseillé. «Ils ne veulent pas qu'on parle, sans ça, ils vont nous embêter, » répondent-ils. « La wilaya a bénéficié d'un programme de 49 000 logements, qui ont tous été distribués puisque nous les jeunes à chaque fois on est recalés, » nous dit l'un d'entre eux. « Si tu parles, je t'enlève de la liste, » lui lance soudain le PAPC de Khenchela drapé qu'il est des trois couleurs de l'emblème national et qui faisait le va et vient entre la salle et l'extérieur. « Nous ne sommes sur aucune liste, à chaque fois, on nous promet mais on ne nous donne rien, ça a trop duré, » nous disent les jeunes. Le maire repassera une autre fois pour encore les regarder et leur faire entendre sur un ton marrant, « attention, ne dites rien, » en joignant le geste de l'index vers l'œil. Sûr de lui, il reprend sa place pour demander la parole et Bedoui la lui donne. «Je suis le maire de Khenchela, c'est moi qui représente la société civile de la commune, mon intervention sera courte et importante, » dira-t-il vite et bien. Sans plus mis à part rappeler « le passé glorieux de la wilaya.» 23h passées, le ministre récapitule et affirme que « pour toutes ces demandes, nous avons pris des décisions que le wali vous fera connaître plus tard.» Décisions qui concernent aussi le tourisme au profit duquel Bedoui appelle à développer les thermes dont regorge la région. «L'Algérie est dans une situation liée à cette perturbation économique et financière mondiale, a-t-elle les moyens de s'en sortir ? », a-t-il interrogé plus loin. Il pense que «oui parce qu'elle a des moyens auxquels on n'avait pas fait attention tant qu'on avait les rentrées du pétrole(?), on doit ouvrir les portes de l'investissement aux Algériens d'ici et d'ailleurs, l'Etat les accompagnera et leur donnera des facilités.» «L'air coûte cher ici» C'est vers un peu plus de 23h30 que le ministre daigne enfin lever la séance. Il aura arpenté monts et villages pour vérifier le niveau du développement local dans une wilaya qui se vante de son passé historique mais se plaint de son présent socioéconomique. C'est à 2h du matin que ceux qui étaient venus d'Alger avec le ministre ont commencé à dîner autour d'une chorba fric et d'une tchakhtchoukha bien du terroir. « On doit se déplacer à 7h du matin, pour rejoindre l'aéroport, le ministre doit être à 9h au palais de la culture pour assister à la rencontre sur les droits d'auteurs que le 1er ministre préside, » nous disent des cadres de l'Intérieur. Le ministre aura ainsi fait perdre une nuit de sommeil à ceux qui l'accompagnaient. Lui-même l'a aussi perdue. Et ce n'est pas la première au regard du rythme de travail qu'il s'impose durant ses sorties sur terrain. «Le ministre de l'Intérieur est censé défendre les lois de la République et garantir leur respect, et dans les lois, il y a forcément la notion du temps qui ramène tout à son niveau y compris en matière de développement local, » avions-nous dit à son chargé de la communication qui a toujours le sourire même s'il a été secoué par de forts frissons jusqu'à recevoir une injection par les soins de la protection civile. Vers 11h du matin du lundi, la délégation arrive à Alger. La circulation dense et les bouchons noirs comme toujours lui feront regretter de n'avoir pas su apprécier les bienfaits d'une escapade à l'intérieur du pays où, avait dit Bedoui la veille à juste titre, « l'air est très pur, il coûte cher ici. » |
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