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Près
de 1,5 million d'Algériens souffrent de troubles mentaux. C'est ce qu'a
précisé, jeudi, le professeur Kacha Farid, en marge de la tenue des 19èmes
journées nationales de Psychiatrie, à l'hôtel Aurassi.
Ce pourcentage est d'autant plus inquiétant, quand on sait qu'un million des
malades souffrant de troubles psychiques sont schizophréniques.
Le professeur Kacha président de la société algérienne de Psychiatrie, a affirmé que sur 900 cas hospitalisés, 600 souffrent de schizophrénie. Et lorsqu'on parle de schizophrénie, on parle d'une espérance de vie réduite de 20 à 30 ans, par rapport à la population générale. Le professeur Amour Bakir abonde dans ce sens, en évoquant une étude d'un échantillon composé de 30 décès de schizophrènes répertoriés à l'EHS de Drid Hocine, sur une période de 30 ans, jusqu'au 31 décembre 2014, où la mortalité prématurée s'est vérifiée. Il a indiqué que l'âge moyen de décès est 38,67 ans et l'espérance de vie est réduite à 30 ans, en Algérie. Il précise que les résultats de l'étude ont permis de dresser le profil général du patient schizophrène décédé en institution psychiatrique à savoir : sujet jeune à prédominance masculine, célibataire, niveau scolaire élémentaire, sans emploi, sédentaire, fumeur, vivant avec sa famille et présentant une schizophrénie. Il a été souligné que ces personnes décèdent, en général, le mois suivant leur hospitalisation. Les professionnels regrettent l'absence de données exactes sur cette maladie et ses conséquences. Ils précisent que dans les situations les plus fréquentes où les causes des décès ne sont pas étayées, comme il a été constaté dans l'étude, l'autopsie doit être rendue obligatoire. Les spécialistes recommandent la réorganisation des dispositifs de soins physiques en santé mentale et la nécessité de collaboration entre somaticiens et psychiatres sont impératives, pour améliorer la santé physique des schizophrènes et diminuer leur mortalité. Du point de vue de la prise en charge des malades souffrant de troubles mentaux, le professeur Kacha a précisé que les médicaments sont donnés à usage ambulatoire et hospitalier gratuitement. X Et de souligner qu'ils sont disponibles, en affirmant que seules les neuroleptiques, en injectable, prescrits pour une période d'un mois, connaissent des ruptures de temps à autres. «On est confronté, actuellement, à une rupture de stock» précise-t-il. Le professeur Bakiri Abdelfattah, de l'hôpital de Blida, a affirmé, pour sa part, que cette situation perdure depuis 30 ans. Il est vrai que le ministère de la Santé offre, gratuitement, tous les traitements, dans le domaine de la psychiatrie, mais le département de la Santé n'arrive, toujours pas, à approvisionner les hôpitaux, régulièrement et en quantité suffisante, notamment pour certains traitements. x Et de souligner quand le médicament est rompu, les malades rechutent. Il a tenu à souligner que le coût de la rechute est mille fois plus élevé que le prix du médicament et les frais d'hospitalisation d'un patient souffrant de troubles mentaux. Les psychiatres, les premiers spécialistes à fuir le pays Il est vrai que notre pays dispose, aujourd'hui, d'autant de psychiatries et de psychologues. L'on compte une centaine de nouveaux psychiatres et plusieurs centaines de psychologues, chaque année. Mais, paradoxalement, précise le professeur Farid Kacha, les hôpitaux psychiatriques, sont plus que jamais, désorganisés et sans psychologues. Et de souligner que les psychiatres sont les premiers spécialistes à fuir le pays selon le rapport du CREAD 2016, dans son volet relatif à la fuite des cerveaux. Le professeur Bakiri, abonde dans le même sens pour affirmer que sur 1.000 psychiatres, 10 % quittent le pays. Il dira que le domaine de la Psychiatrie est confronté à une forte déperdition clinique mêlée à un désintéressement flagrant du personnel paramédical, à cette filière. Il a souligné que le personnel paramédical préfère les disciplines dites prestigieuses, notamment la Cardiologie, la Neurologie, la Pédiatrie, mais surtout pas la Psychiatrie. «Ils ne veulent pas prendre en charge des malades mentaux, car la tâche leur semble difficile». Le professeur Bakiri est allé plus loin en précisant que l'Etat a construit plusieurs hôpitaux psychiatriques mais certains ne fonctionnent pas, en absence de malades et de personnel paramédical. «Il y a juste les médecins affectés dans le cadre du service civil». Le professeur a cité des hôpitaux à M'sila, Tiaret, Nador (Tipaza). Et d'affirmer que d'autres hôpitaux fonctionnent à moitié, y compris à Blida et dans la capitale. «Nous avons un déficit d'infirmiers à l'hôpital psychiatrique ?Frantz-Fanon' de Blida et nous avons un déficit de personnel paramédical, à l'hôpital de Chéraga», a-t-il fait remarquer. L'autre fausse note, c'est la politique caduque adoptée par la tutelle, qui selon le professeur Bakiri, date du 19ème siècle. Il explique que l'Etat continue de construire des hôpitaux loin de la ville pour prendre en charge des malades de troubles mentaux, alors que partout dans le monde «la construction des hôpitaux qui coûte très cher, dans le domaine de la psychiatrie est le témoignage de l'échec», a-t-il souligné . Le professeur plaide pour une prise en charge, en ambulatoire et pour une formation spécialisée. Il recommande la construction de structures différentes, l'une de l'autre, dans les régions urbaines. «Il faut construire des structures dans chaque wilaya et chaque daïra». Il a plaidé, en outre, pour le mélange de la psychiatrie avec la médecine générale, pour créer une complémentarité qui s'impose d'elle-même. «Il ne faut jamais les dissocier et les éloigner, l'une de l'autre». Le professeur conclut : «il ne faut plus construire des hôpitaux avec le modèle blidéen». Le représentant du ministère de la Santé a affirmé que le plan national de la Santé mentale, engagé depuis 2014, sera fin-prêt d'ici la fin de l'année. «C'est un plan prometteur qui va régler pas mal de dysfonctionnements, dans le domaine de la psychiatrie» a-t-il tenu à préciser. |
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