Air
Algérie est-elle allée plus vite que la musique en annonçant son intention de
refuser tout embarquement à des voyageurs en partance vers une destination
première autre que le pays émetteur du visa d'entrée dans l'espace Schengen ?
En tous les cas, l'Union européenne vient de la contredire. Et superbement. Une
véritable confusion doublée d'une polémique sur le rôle de la compagnie
nationale aérienne a suivi les déclarations du P-DG du pavillon algérien,
Mohamed Abdou Bouderbala, qui rappelait la
disposition du règlement européen n°0810/2009, établissant un code communautaire
des visas qui fait obligation pour les passagers détenteurs de visas Schengen,
délivrés par un Etat membre compétent de l'Union européenne, d'effectuer leur
première entrée dans cet Etat même. Un article déjà existant et non pas une
nouvelle mesure maladroitement exposée par la communication d'Air Algérie qui
évoque alors sa stricte application. Face au tollé soulevé par les détenteurs
de visas Schengen, Bruxelles a tenu à réagir par le biais de son service
diplomatique (European External
Action Service) qui a répercuté la précision via les ambassades européennes à
Alger. En clair et contrairement aux certitudes de Bouderbala,
le détenteur d'un visa Schengen n'est pas forcément obligé de débuter son
voyage par le pays qui le lui a délivré. Dans son avis publié ce dimanche, la
délégation de l'UE souligne ainsi que "le code communautaire des visas
n'exige pas qu'un voyageur commence son voyage dans l'espace Schengen en
arrivant sur le territoire de l'État membre qui lui a délivré le visa".
Mardi dernier, le patron d'Air Algérie affirmait que "les voyageurs
désireux se rendre dans l'espace européen doivent désormais effectuer leur
premier voyage dans le pays qui a délivré le visa Schengen". Un décalage
qui soulève bien des interrogations sur la pertinence de telles déclarations
qui vont à l'encontre même de la libre circulation des Algériens. Pire, puisque
dans cette affaire, la compagnie a donné l'impression de jouer au chien de
garde de l'Europe la soumettant "à l'obligation de vérifier les visas
Schengen avant l'embarquement des voyageurs". Cette mesure prise sur
injonction de l'Aviation civile algérienne est justifiée par le risque d'amende
allant jusqu'à 5.000 euros par voyageur qu'Air Algérie devra payer en cas de
manquement aux dispositions du règlement européen n°0810/2009. Les textes
ont-ils été mal interprétés ou Alger a-t-elle fait dans l'excès de zèle au
détriment de ses propres citoyens ? La question mérite d'être posée puisque et
dans les deux cas de figure, c'est l'intérêt du citoyen qui est bafoué. En
effet, cette affaire est suffisamment grave pour qu'aucune explication ne soit
donnée comme c'est de coutume dans les communications officielles et il est
plus que temps que nos responsables donnent des explications plausibles aux
Algériens et assument leurs responsabilités. Comment en est-on arrivé jusqu'à
imposer aux Algériens des conditions que l'Europe elle-même n'a pas exigées
expressément. Peut-être que l'exemple allemand est toujours vivace ? On se
rappelle qu'en 2012, on avait assisté à une vague de refoulement d'Algériens
détenteurs de visas Schengen de l'aéroport de Francfort. Les Allemands avaient
avancé, à l'époque, que les Algériens auxquels l'entrée en territoire allemand
a été refusée détenaient bien des visas Schengen, mais qui n'avaient pas été
délivrés par Berlin. Par contre, la possibilité d'entrer dans
le pays de son choix de l'espace Schengen "ne dispense pas le voyageur
d'être en mesure de présenter, à chaque franchissement de frontière et tout au
long de son séjour dans l'espace Schengen, les justificatifs (objet du séjour,
moyens de subsistance et d'hébergement, assurance, titres de transport entre le
pays d'arrivée et le pays de destination) qui doivent permettre à la fois de
justifier du séjour dans le pays de première arrivée et d'identifier la
destination principale du voyage", précise le document de l'UE.