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Enseignants contractuels: «La loi exige de passer par un concours»

par Yazid Alilat

Les espoirs d'une intervention salutaire du Premier ministre pour débloquer la situation des enseignants contractuels, qui revendiquent une intégration directe au corps enseignant, sans passer par un concours national, ont été douchés, hier, samedi, par Abdelmalek Sellal depuis Constantine. Il a appelé, lors d'une visite de travail dans la ?ville du Rocher', «à faire prévaloir la sagesse» dans ce dossier. Plus tôt, dans la journée, Bachir Saidi, coordinateur du mouvement des enseignants contractuels, dont une centaine campe, depuis une dizaine de jours, au centre-ville de Boudouaou, avait indiqué au ?Quotidien d'Oran' que «nous comptons sur une intervention du Premier ministre» pour trouver une solution à «notre revendication». Mais, M. Sellal a rappelé que «l'Algérie est un Etat de droit», et ?il est impératif de respecter les lois». M. Sellal a ajouté que «la loi exige de passer par un concours de recrutement», qui établit «l'égalité des chances pour tous», avant de souligner «la volonté du gouvernement de donner la priorité à ces enseignants». Au passage, il a estimé qu'il ne faut pas «politiser» ce mouvement, et les enseignants contractuels «ont toutes les compétences et les chances de réussir» à cet examen.

Déçu, le coordinateur du mouvement des enseignants contractuels nous a indiqué que «nous attendions une décision présidentielle pour notre intégration, pas pour aller au concours.» Hier aux environs de 14h, alors que le camp des enseignants contractuels était, pratiquement, encerclé par les forces de l'ordre, à Boudouaou, tout le monde espérait une issue sereine et pacifique au bras de fer qui oppose, depuis février dernier, les enseignants contractuels et vacataires au ministère de l'Education nationale. Depuis le début de la marche de «la dignité», le 27 mars dernier qui a démarré de la ville de Bejaia, la pression n'a pas baissé d'un cran, autant dans les rangs des enseignants contractuels que du ministère de l'Education. Si celui-ci maintient toujours le principe du concours pour le recrutement d'enseignants, prévu le 30 avril prochain, pour plus de 971.000 candidats inscrits, dans l'autre camp, les positions n'ont pas changé d'un iota, alors que la menace d'une intervention des forces de l'ordre est sérieusement, envisagée par les autorités de la wilaya d'Alger pour faire évacuer la «place de l'Intégration.»

Le bras de fer entre le ministère de l'Education nationale et les enseignants contractuels et vacataires porte sur ce point précis: l'admission au corps de l'enseignement national sans passer par le concours national de recrutement, que le ministère organisera le 30 avril prochain, après l'avoir prévu une première fois, à la fin du mois de mars. Le ministre de l'Intérieur Nouredine Bedoui avait indiqué, jeudi, que les enseignants contractuels qui campent à Boudouaou devaient évacuer les lieux, sous peine d'être évacués par la force publique. Jeudi à l'APN, il a déclaré à la presse qu' «il n'est pas possible d'attenter à l'ordre public. Si cette situation persiste des mesures seront prises.»

Hier samedi, la situation était confuse, et les enseignants contractuels qui campent à Boudouaou ont été «douchés» par les déclarations du Premier ministre. «Pour le moment, il n'y a rien de nouveau. On escomptait une intervention salutaire du Premier ministre, à Constantine», a déclaré au ?Quotidien d'Oran' le coordinateur du mouvement difficilement joignable par téléphone.

«En tout cas, les grévistes restent sur leur position initiale, celle de l'intégration au corps des enseignants, sans passer par le concours national. Nous restons sur nos positions et notre principale revendication», a t-il ajouté, confirmant en outre que «le camp est encerclé par la police, la place est bouclée.» L'état des grévistes de la faim se détériore, également, a t-il précisé, indiquant qu' «il y a chaque jour un ou deux grévistes de la faim, qui sont emmenés d'urgence à l'hôpital. Jusqu'à maintenant, plus de 30 grévistes ont été évacués, à l'hôpital de Boudouaou.» Fatalement, le mouvement de revendication des enseignants contractuels a été vite soutenu par des ONG des droits de l'homme et une partie de la société civile. De leur côté, plusieurs syndicats des travailleurs du secteur de l'Education nationale soutiennent les revendications de leurs «collègues». Le CLA, le SNTE, le CNAPESTE et le SNAPAP «soutiennent le mouvement», a précisé, à notre journal, M. Achour, SG du CLA. «En ce moment, nous tenons un conseil national, dans l'urgence, pour discuter des suites à donner à cette situation, et examiner les derniers développements», a t-il précisé. «Mais nous restons solidaires du mouvement avec les autres syndicats», affirme-t-il.

La ministre de l'Education nationale Nouria Benghebrit, a réaffirmé, en fin de semaine, une fin de non-recevoir définitive aux revendications des enseignants contractuels. Elle a été soutenue par les ministres de l'Intérieur et du Travail. Mais, les enseignants contractuels persistent à déclarer que «nous ne sommes concernés par aucun concours», rappelant qu'ils ont déjà subi cette épreuve sans résultats, dénonçant le favoritisme et le clientélisme, lors de ces concours. «Nous n'avons plus confiance en ce qui concerne les concours», soulignent-ils. Quant à la menace d'une intervention musclée des forces de l'ordre pour les disperser, ils disent ne pas craindre cela, même si «les autorités veulent utiliser la force, nous ne sommes pas là pour risquer nos vies», confie un enseignant contractuel. «Nous savons tout de même que l'Algérie ne laissera pas tomber ses enfants en les laissant se faire violenter ou humilier. Nous n'avons pas commis de troubles. D'autres avant nous ont revendiqué la titularisation et l'ont eue, pourquoi pas nous ?». Pour faire avancer les choses et trouver des solutions médianes, les enseignants contractuels ont annoncé avoir désigné le CLA, le CNAPESTE et le SATEF pour les représenter auprès des autorités concernées, selon le chargé de l'information au CNAPESTE Messaoud Boudiba. En tout, les enseignants contractuels sont au nombre de 25.115 personnes, dont 11.505 dans le secteur primaire, alors que le nombre de recrues prévues par le concours de 2016 est de 28.084. A la fermeture des inscriptions, jeudi à minuit, pour ce concours, plus de 971.000 candidats s'y sont inscrits, selon l'Office national des examens et concours (ONEC). Le chef de cabinet du ministère de l'Education nationale Abdelwahab Guellil a indiqué que le site électronique de l'ONEC a été fermé, jeudi à minuit, selon le délai fixé par le ministère. Plus de 11.000 enseignants contractuels, de 21 wilayas, se sont inscrits à ce concours, a-t-il ajouté, précisant que le chiffre est appelé à augmenter après le décompte des candidats des autres wilayas. En outre, le dépôt des attestations de travail des enseignants contractuels, se poursuivra jusqu'au 29 avril, a-t-il dit, avant de souligner que «90% des enseignants contractuels ont déposé leurs dossiers pour postuler au concours de recrutement de l'Education nationale.»

«Les convocations vont être délivrées par mail, à partir du 20 avril, l'épreuve écrite, le 30 avril, les résultats le 12 mai, puis l'oral les 8 et 9 juin, et enfin les résultats du concours, le 30 juin, par voie électronique», avait indiqué le SG du ministère M. Belabed.