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Sauver Khelil, plaire au président, éliminer Ouyahia
et affronter l'opposition : alors que l'Algérie bien-pensante le méprise, Amar Saadani donne le tempo. Sans arrière-pensée.
De manière méthodique, Amar Saadani continue de désigner les têtes qui doivent tomber. Après s'être, frontalement, attaqué à des hommes proches du Président Abdelaziz Bouteflika, comme Abdelaziz Belkhadem, ou à des hommes réputés puissants, tel Toufik Mediène, le patron du FLN a, cette fois-ci, pointé du doigt le chef du RND Ahmed Ouyahia et le gouverneur de la Banque d'Algérie Mohamed Laksaci. Dès lors, pour les analystes, le doute n'est plus permis : le sort des deux hommes est scellé. M. Ouyahia est sommé, au mieux, de revenir à son pré-carré, le RND, s'il n'est pas mis au placard, comme M. Belkhadem, et Mohamed Laksaci doit rentrer chez lui. M. Saadani ne se limite pas à ce rôle de corbeau. Il indique, aussi, le sens du vent, pour définir les prochaines étapes politiques. Même s'il n'a pas fait preuve de la même précision, sur ce terrain, avec notamment, des ratés sur l'article 51 de la Constitution et sur le remaniement du gouvernement, il a, toujours, donné les grandes lignes des initiatives du pouvoir. Pendant que ses adversaires le raillaient, mettant en avant ce qu'ils considèrent comme le côté rustre du « drabki », lui-même avançait, tranquillement, ses pions, jusqu'à devenir le principal porte-voix du pouvoir, à défaut d'en devenir le porte-parole. Ce jeu dure depuis une décennie. L'Algérie bien-pensante considérait M. Saadani, avec mépris, le réduisant à un personnage folklorique, estimant qu'il ne représentait rien, et que son seul mérite était d'être obéissant, sans se rendre compte que le chef du FLN organisait, de manière méthodique, sa participation à la partition qui se jouait. Partitions Aujourd'hui, M. Saadani est au carrefour des décisions. D'autres acteurs l'accompagnent, dans cette aventure. Abdelmalek Sellal, Ali Haddad, Abdessalam Bouchouareb, Ahmed Ouyahia, tous sont partie prenante de la partie qui se joue, en ce moment. Mais visiblement, aucun d'entre eux n'en connaît tous les détails. Chacun se contente donc d'accomplir sa mission, avec zèle, en tirant des dividendes dans l'immédiat, tout en essayant de préserver l'avenir. Et pour M. Ouyahia, précisément, cet avenir immédiat se présente sous de mauvais auspices. Tout laisse entrevoir qu'il va, rapidement, être éjecté de la présidence de la République, où son poste de ministre, directeur de cabinet, le place au coeur de la décision. Pourquoi M. Saadani insiste tant pour l'en déloger ? Le fait-il pour satisfaire une demande venant d'ailleurs ? Estime-t-il qu'en restant à la présidence, M. Ouyahia bénéficie d'un avantage indu dans la perspective des prochaines élections, ou même de la succession ? Ou bien, comme l'avancent ceux qui murmurent à l'oreille des journalistes, s'agirait-il d'une préparation du terrain pour installer M. Chakib Khelil au poste de directeur de cabinet, ce qui donnerait, à la présidence de M. Bouteflika, un cachet, encore, plus marqué ? En tous les cas, une éventuelle installation de M. Khelil, à la présidence, ne serait qu'un détail supplémentaire, après qu'il ait été blanchi et réhabilité par Amar Saadani, qui ne peut agir de son propre chef, sur un sujet, aussi, sensible. Enjeux économiques Quant à M. Laksaci, les critiques qu'il subit sont plus simples à décoder. Le gouverneur de la Banque d'Algérie se trouve au cœur du dispositif qui doit faire face à la crise. Partisan, de par son poste, de l'orthodoxie budgétaire, il a tendance à agir de manière très classique, pousser le gouvernement à rogner sur les dépenses, et à améliorer les recettes, pour faire face à l'écroulement des revenus de l'Etat. Depuis une année, le discours de M. Laksaci va, clairement, en ce sens. Il a d'ailleurs, beau jeu de tirer la sonnette d'alarme, après avoir accompagné, sans trop de problèmes, la frénésie dépensière de la dernière décennie. Côté gouvernement, où les mesures envisagées ne peuvent couvrir le déficit budgétaire abyssal qui s'annonce, la tendance est de recourir à la création monétaire, annoncée à partir de la mi-avril. L'affrontement entre les deux visions était donc inévitable. Agendas convergents Les acteurs de cet affrontement, dont M. Saadani n'est qu'un porte-étendard, sont derrière le rideau. Ils veulent coller à l'agenda du Président Bouteflika. Pour le chef de l'Etat, maintenir une forte disponibilité de liquidités, tant que les réserves du pays en devises le permettent, est vital pour préserver la paix sociale. C'est aussi ce que veulent les milieux d'affaires qui gravitent, autour du pouvoir, et qui sont pressés de tirer profit de la situation, tant que les vents sont favorables. A l'inverse, d'autres veulent amorcer, au plus vite, un virage pour tenter de heurter l'iceberg de front. M. Laksaci en fait partie, ce qui heurte Amar Saadani, qui demande son limogeage. Au profit de Chakib Khelil? Là aussi, les pistes se recoupent, pour nous rappeler le côté insondable du quatrième mandat. Cette logique meurtrière s'est installée dans le pays. Mais elle peut aller plus loin, et écraser M. Saadani, alors que c'est lui qui, aujourd'hui, donne le tempo. Il suffit de quelques rappels: Abdelaziz Bouteflika a mis vingt ans pour revenir ; Chakib Khelil, Athmane Tartag et Saadani, lui-même, ont mis moins de cinq ans pour se remettre en selle. Combien mettra Toufik Mediène pour revenir ? |
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