L'Algérie a épuré ses dettes «médicales» avec la France, c'est en substance
le message transmis et rendu public depuis un peu plus de deux semaines des
deux rives de la Méditerranée. Ce jeudi, c'était au tour du ministre du
Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, Mohamed El-Ghazi, de le
confirmer de nouveau, à partir de Paris. Le 8 mars dernier, Marisol
Touraine annonçait que le contentieux financier sur le non-remboursement des
dettes médicales algériennes est «aujourd'hui résolu», mettant fin ainsi à un
dossier polémique qui a pollué les relations bilatérales et surtout été un
prétexte pour des attaques politiques dans les deux pays. «Les dettes qui
existaient entre la Sécurité sociale algérienne et Assistance publique-Hôpitaux
de Paris (AP-HP) ont été payées et le contentieux apuré», a déclaré Mohamed
El-Ghazi à l'issue de ses entretiens avec Marisol
Touraine. Pourtant, la remarque du ministre algérien sur l'existence de
«beaucoup d'interrogations» concernant cette question soulève bien des
questions. Ces dettes ne concernent pas uniquement l'Algérie puisqu'à la fin de
2014 plusieurs pays dont le Maroc et les Etats-Unis avaient accumulé une
ardoise avoisinant les 120 millions d'euros à l'égard de l'AP-HP. Selon un
bilan du 7 juillet 2015 de la direction en commission médicale d'établissement
(CME), les sommes non recouvrées par les hôpitaux de l'AP-HP auprès de
patients, français ou non, résidant à l'étranger, ou de leurs assureurs, s'élevaient
à 118,6 millions d'euros au 15 novembre 2014. Un bilan récusé par la Caisse
nationale des assurances sociales (CNAS) où la CME française classait l'Algérie
comme pays le plus endetté auprès de l'AP-HP avec 31,6 millions d'euros
d'impayés. La CNAS affirmait alors avoir honoré tous ses engagements auprès des
structures hospitalières françaises dans le cadre des transferts de malades
algériens pour soins à l'étranger. D'où ce malentendu lourd en devises qui a
été certainement réglé pour que les deux parties réfléchissent à d'autres
mesures pour un avenir «meilleur» dans la coopération en matière de sécurité
sociale. Pourtant, et dans l'argumentaire de la CNAS, une explication qui
pourrait éclairer ces divergences de position puisque la Caisse affirme n'assumer
financièrement «en aucune manière» les frais pour soins à l'étranger «des
personnes non munies d'engagements de prise en charge délivrés préalablement à
leur départ». Une mise au point qui éclaire, et ce n'est un secret pour
personne, les déplacements «médicaux» de nombre d'officiels, cadres et commis
de l'Etat en France. Et c'est justement de ce chapitre que fait allusion la
ministre française qui évoquait les mécanismes à adopter à l'avenir «pour
éviter que ne se reconstitue à l'avenir une dette de certains patients
algériens à l'égard des hôpitaux français». En 2012, l'hebdomadaire français le
Journal du dimanche (JDD) publiait un article sur le dossier qui révélait que
l'Algérie, comme premier débiteur des hôpitaux hexagonaux, accusait une dette d'environ
20 millions d'euros, suivi du Maroc (plus de 10 millions d'euros) et les pays
du Golfe (10 millions d'euros), la Tunisie (environ un million d'euros). «C'est
une vieille histoire, l'AP-HP est un outil diplomatique pour la France. Des
dirigeants étrangers viennent se faire opérer chez nous. On va les chercher à
l'aéroport en ambulance toutes sirènes hurlantes, on leur dispense des soins de
qualité et on ferme les yeux sur les factures qu'ils n'acquittent jamais»,
rapportait un urgentiste syndicaliste, cité par le journal. Quant aux nouvelles
dispositions prises entre Paris et Alger, on annonce la signature d'un contrat,
«directement avec la Sécurité sociale française et non plus avec les hôpitaux
français», a indiqué Mohamed El-Ghazi qui précisera que dorénavant «c'est la
Sécurité sociale française qui devra prendre les rendez-vous des patients
algériens avec les hôpitaux français». Pour sa part, Marisol
Touraine a indiqué que cette nouvelle convention sera signée dans le cadre de
la tenue, le 10 avril prochain à Alger, du Comité intergouvernemental de haut
niveau (CIHN), en présence des deux Premiers ministres Sellal
et Valls.