Le mal est, enfin, reconnu, diagnostiqué, avec cette
signature d'une convention-cadre pour la lutte contre la violence en milieu
scolaire entre les ministères de l'Education nationale, de l'Intérieur et des
Collectivités locales et de la Défense nationale représentée par le
commandement général de la Gendarmerie nationale. Car, il n'y a pas si
longtemps, quand on parlait de la violence dans le milieu scolaire, il fallait
s'attendre inévitablement à une levée de boucliers générale au sein des responsables
du secteur de l'Education nationale. On tentait, ainsi, de minimiser les dégâts
immédiats et les conséquences à moyen et long terme des dérives dangereuses qui
mènent l'école sur les sentiers de la violence. On ne voulait entendre parler
que de violence dans l'environnement, pas à l'intérieur des établissements
scolaires, et la lutte contre cette violence restait, naturellement, une
mission qui incombe aux services de sécurité. Aujourd'hui, avec cette
reconnaissance implicite de la violence qui sévit dans le milieu scolaire, un
grand pas est franchi dans la prise en charge du phénomène qui prend des
proportions alarmantes. Mais, ce n'est pas autant dire que la convention en
question est une solution efficace, ou la mieux appropriée. L'école, ce n'est
pas la rue, normalement. Indubitablement, certains aspects de la violence,
partout où ils se manifestent, relèvent du pénal et sont du domaine de
compétence plénier des services de sécurité, cela n'a, d'ailleurs, nullement
besoin d'une quelconque convention, mais d'autres remèdes contre la violence en
milieu scolaire, globalement, ne peuvent être prescrits hors du champ de la
compétence pédagogique. Dans tous les cas d'espèces, la convention en question
sonne le glas pour l'école, de quelques côtés qu'on s'y penche. Certains y
verront, non pas à tort, que cette convention achève un acte pédagogique, déjà,
asphyxié par les interventions, ou les violations, des décisions
administratives, à travers l'ingérence dans les décisions des conseils de
classes, pour l'exemple. Et, si d'un autre côté, on admet que la lutte contre
cette violence doit fatalement inclure les services de sécurité, c'est quelque
part un aveu implicite de l'échec latent de l'acte pédagogique pour venir à
bout de ce phénomène de la violence dans le milieu scolaire. D'un côté c'est
chaud, et de l'autre c'est brûlant. Une pédagogie qui n'arrive pas à juguler le
« chahut des gamins », c'est grave. Et c'est doublement grave lorsque des
policiers et des gendarmes sont appelés à la rescousse pour s'ingérer dans la
spécialité des enseignants ! Le ministre de l'Intérieur hausse le ton, assurant
que l'école « est la ligne rouge à ne pas franchir », et affiche une
détermination du gouvernement à lutter contre toutes les formes de violence à
travers l'adoption de nouvelles mesures à même de « réduire la dangerosité de
ce phénomène ». Et, pas toujours dans le même ton, la ministre de l'Education
nationale affirme, de son côté, que la lutte contre la violence en milieu
scolaire passe par la « prévention et la sensibilisation en privilégiant le
dialogue et la médiation, en redoublant de vigilance, et en bannissant
l'impunité par l'application de la loi ». Mains de fer sans gants de velours et
mains enveloppées d'un gant pédagogique peuvent-ils aller de pairs pour
extraire cette violence qui écrase l'école ? Tous les moyens sont bons, doit-on
en convenir, pour recréer cet espace de quiétude au sein de l'école. Et,
maintenant, il n'y a pas que les élèves à protéger contre les dangers des
agressions physiques et psychologiques car on éprouve toutes les craintes pour
les enseignants, aussi, souvent victimes de la violence des élèves. Renversant.