« Loin des yeux, loin du cœur» est le proverbe qui sied le
plus aux musulmans de Birmanie, massacrés en toute impunité dans le pays de la
pourtant nobélisée et silencieuse Aung San Suu Kyi. Le génocide des Rohingyas, une
minorité ethnique de confession musulmane vivant au Myanmar, fait rarement
l'actualité si ce n'est quelques secondes d'un « jiti
» pour meubler l'information. La majorité des gens ignorent jusqu'à l'existence
de ces dizaines de milliers de damnés de la terre, victimes d'un effroyable
nettoyage ethnique par des extrémistes bouddhistes. Villages rayés de la carte,
exécutions sommaires, pendaisons publiques d'enfants et de femmes coupables de
prier un autre Dieu, camps de concentration et esclavage pour certains, la
Birmanie est devenue l'enfer des Rohingyas depuis
quelques années. Cette extermination n'intéresse malheureusement pas grand
monde, la Birmanie étant la nouvelle cible économique des Européens, Américains
et Asiatiques, débarrassés de l'obligation morale de ne pas commercer avec la
junte militaire alors en place. Devenue entre-temps une démocratie avec comme
faire-valoir la championne toutes catégories de la Paix, Aung San Suu Kyi, la Birmanie est
aujourd'hui célébrée comme un exemple de réussite qui passe d'une dictature
militaire à un pouvoir de militaires en civil. Les Rohingyas,
au milieu de tout cela, continuent d'être persécutés, chassés de leurs terres
et expropriés de leur identité. Devenus des apatrides dans leur propre pays,
ils ont fini par prendre la mer comme on prend un cocktail médicamenteux dans
l'espoir de ne plus se réveiller le matin et de constater que rien n'a changé
ou que tout a empiré. Et pour les Rohingyas, tout a
empiré. Les images de petits enfants musulmans pendus, des expéditions
punitives menées par ces bouddhistes à la robe orange, obscurs figurants du
Lady de Luc Besson glorifiant et mythifiant Aung San Suu
Kyi, ont fait le tour du monde sans émouvoir grand
monde. Des musulmans se font exterminer et les hurluberlus de l'Arabie
saoudite, qui servent des fatwas en veux-tu en voilà sur tout ce qui bouge,
n'ont pipé mot. Des coreligionnaires se font massacrer sans qu'El Azhar ne
frissonne. Les musulmans d'aujourd'hui sont plus prompts à mordre le jarret de
leur frère qu'à relever la tête devant l'injustice. Capables d'envoyer des
tapis de bombes sur les populations isolées du Yémen que de rompre leurs
relations diplomatiques avec Naypyidaw, la capitale fantôme des bouddhistes. Avec les musulmans taïwan d'aujourd'hui, les Rohingyas
sont condamnés à disparaître ou à changer de religion parce que, paraît-il, le
pape est plus magnanime sur ces sujets que les musulmans envers leurs frères de
Dieu.