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Ports secs: Le diktat des compagnies maritimes étrangères

par Yazid Alilat

Le transport maritime va mal. La création de ports secs serait un autre avatar de ce mal qui ronge ce secteur, à en croire M. Mohamed Benboushaki, président du groupement portuaire et directeur de la marine marchande et des ports au ministère des Transports. Il a annoncé hier le gel de la création de nouveaux ports secs, sur décision du CPE le 15 février dernier pour réaménager la gestion des surfaces de stockage extra-portuaires.

Il a expliqué hier dimanche à la radio nationale que la création des ports secs qui coûtent au Trésor public deux milliards de dollars par an a été décidée par les pouvoirs publics à travers un Conseil interministériel en 2009 pour désengorger le port d'Alger qui étouffait. Mais, il précise qu'à l'époque, « c'était permettre aux entreprises portuaires d'ouvrir ces ports secs à Alger seulement ». Par la suite, ils se sont multipliés dans les autres régions du pays. Aujourd'hui, il existe 15 ports secs pour le port d'Alger seulement. « Nous avons tiré la sonnette d'alarme, car les tarifs étaient prohibitifs et sont passés du simple au double », a-t-il dit. « Les gestionnaires des ports secs imposent des tarifs quatre, voire cinq fois plus élevés » que ceux appliqués par les entreprises portuaires algériennes.

Dans la même foulée, « les conteneurs traités dans les entreprises portuaires ont été multipliés par cinq par les ports secs, donc les ports perdent énormément d'argent », ajoute M. Benboushaki qui a déclaré que « ce qui a été décidé le 15 février dernier, c'est geler l'octroi de demandes d'ouverture de ports secs ». « On ne donne plus et on n'ouvre plus » de ports secs, a-t-il affirmé.

Pourtant, la décision de mettre un frein à la création de ports secs, créés en 2011 par une directive du directeur général des douanes, a été déjà annoncée en avril dernier par l'ex-ministre des Finances Mohamed Djellab. Il avait, le 2 avril 2015 annoncé devant les parlementaires que l'administration des douanes a suspendu la délivrance des autorisations de ports secs aux opérateurs du commerce extérieur dans le cadre d'un plan de réorganisation de ces espaces destinés au stockage des conteneurs.

Il a précisé que cette décision, en vigueur depuis fin février 2015, se poursuivra jusqu'à l'achèvement de l'opération d'évaluation de ces espaces afin de déterminer leur capacité d'adaptation aux besoins actuels. Pour lui, « les douanes œuvrent à travers cette opération à la révision de la répartition géographique afin de réaliser un plus grand équilibre et pourvoir la ressource humaine nécessaire à un meilleur encadrement ».

Par ailleurs, le directeur de la marine marchande au ministère des Transports a rappelé d'abord qu'il faut « encadrer l'activité dans ces ports secs ». Un dispositif intersectoriel sera mis en place pour « voir ce qui se passe dans ces ports secs et revoir l'opportunité de ces ports secs qui doivent être liés aux ports humides ». Il a par ailleurs indiqué que le gel, comme mesure conservatoire, de « nouvelles autorisations d'ouverture de ports secs », et les ports humides doivent à leur tour « émettre un avis avant le transfert des marchandises vers les ports secs », et « le transfert sera l'exception ». En fait, l'activité des ports secs est encadrée par une directive de l'ex-directeur général des douanes, Mohamed Abdou Bouderbala, actuellement « patron » d'Air Algérie. Parue au JO du 12 juin 2011, elle stipule en son article 2 que « le port sec constitue un dépôt temporaire extra-portuaire, considéré comme un prolongement naturel des ports maritimes. Il ne peut être rattaché qu'à un seul port.

Le port sec peut être créé, après accord préalable du directeur général des douanes, par l'autorité portuaire ou les consignataires de cargaisons, dénommés ci-après les exploitants. « L'article 3 stipule en outre que « le port sec n'est ouvert qu'aux marchandises conteneurisées importées, destinées à être exportées ou réexportées, dans les conditions que l'exploitant négocie dans un cadre conventionnel ». (Cf. JO n° 33 du 12 juin 2011). Le problème du surnombre de ports secs et les coûts prohibitifs pratiqués par les compagnies gérantes, dont des armateurs maritimes, doit être réglé en urgence, estime M. Benboushaki pour qui il faut mettre en place des « mesures intersectorielles pour réguler ce problème ». « L'Algérie transporte seulement 2% de ses besoins, et nous sommes sous le diktat des compagnies maritimes qui ont ouvert des ports secs », a-t-il reconnu. Il précisera que les secteurs du commerce, les douanes et les transports « sont concernés, car les tarifs sont prohibitifs. Il faut agir et très vite », préconise-t-il et propose d'aligner les « tarifs des ports publics sur ces ports secs et harmoniser les tarifs et éviter les dérapages ». De plus, « l'investissement dans les ports secs sera réservé aux ports humides.

On ne peut transférer les conteneurs sans l'avis des ports concernés », a-t-il ajouté en précisant qu'un texte dans ce sens « est en préparation, car il y a urgence à agir ». « On va essayer de renforcer le contrôle et aligner les tarifs sur les ports publics », a-t-il affirmé. Il annoncera que le port de Bejaia va ouvrir une grande plateforme logistique à un coût de 450 millions de DA.

Sur la question des surestaries dues au retard de débarquement des navires et leur long séjour en rade, il a estimé qu'il « faut traiter le problème globalement. Nous sommes en train de voir comment régler ce problème et le guichet unique va nous permettre de régler au moins 30% de ce problème ». Sur le volet de la restructuration de la marine marchande, il a souligné que « le salut va venir de la formation. On a un plan de formation » pour former les états-majors et « on va ouvrir une filière de shipping », a-t-il expliqué en ajoutant que le renforcement du pavillon national se fera par l'acquisition de 18 bateaux qui seront prochainement réceptionnés. Cela devrait renforcer la flotte nationale qui va ainsi gérer « 30% de nos besoins d'ici à 2020 », selon M. Benboushaki. Actuellement, 98% du transport maritime de marchandises vers l'Algérie est assuré par des compagnies étrangères avec une ardoise moyenne de 4 milliards de dollars par an. La perte de l'ancienne flotte de la marine marchande algérienne est « un désinvestissement qui a concerné toute l'Algérie », a-t-il observé. Pour autant, il reste optimiste en rappelant que «18 bateaux vont arriver prochainement. Il y a un plan d'urgence validé», a-t-il ajouté avant de rappeler, sur le choix du site du nouveau grand port du centre du pays, que cela a été « un choix scientifique, qui obéit à des impératifs. Il va apporter beaucoup de dynamique, avec 6 millions de boites». En outre, «ce port va apporter énormément au niveau de la région par rapport aux autres ports de la Méditerranée». De plus, «le financement est là, et le comité de pilotage a été installé, il va élaborer les documents qu'on va présenter au CPE pour le valider d'ici le mois prochain ». M. Benboushaki a enfin souligné sur ce projet que «l'effort est mis sur ce projet et le coup d'envoi des travaux, qui vont durer quatre ans, sera donné en 2016».