Les hydrocarbures sont une chance historique qui a
permis à l'Algérie d'entrer dans une industrie de haute technologie... Cette
industrie restera stratégique tout au long de ce siècle vraisemblablement. Le
pétrole du futur sera de plus en plus technologique, de plus en plus difficile
à découvrir et à produire. La technologie va donc structurer les rapports de
force à l'avenir et modeler la géographie des réserves. Nous devons jouer un
rôle actif dans ces mutations à l'œuvre, cela par de nouvelles articulations
entre universités, Sonatrach, ingénierie, sociétés de
service, PME dédiées aux services et à la production pétrolière et gazière», a
estimé, samedi dernier, l'expert pétrolier international Dr Mourad Preure, qui a présenté une communication pour le forum des
chefs d'entreprises de Tlemcen au siège de l'APW, ayant pour thème «Les
convulsions de la scène énergétique internationale, les challenges pour
l'Algérie : quelle stratégie industrielle ?», soulignant dans ce contexte qu'il
faudrait construire des avantages concurrentiels nationaux pour demain? «La
stratégie industrielle nationale doit mettre les entreprises nationales en
ordre de bataille pour mener la guerre économique et exprimer par excellence le
patriotisme économique. Ces entreprises tirent leur force de leur pouvoir innovant,
de la qualité de leurs articulations avec l'université et la recherche, de leur
management, des synergies dont elles bénéficient dans leur économie nationale.
Il s'agit pour elles de conquérir les centres nerveux de la croissance
mondiale, soit ceux qui participent à l'innovation à un niveau global, les
centres où se conçoivent les processus productifs de demain, où se modèlent les
besoins de demain. Cette dynamique a aussi un effet structurant sur les Nations
elles-mêmes dont elle fonde en dernière instance la puissance et détermine le
devenir». Il faut dire que de nombreuses questions ont été débattues lors de
cette rencontre enrichissante placée sous le haut patronage du wali de Tlemcen,
Saci Ahmed Abdelhafid. Selon son analyse de la
situation sur les enjeux et challenges pour l'Algérie : «Le marché pétrolier a
une évolution cyclique et son histoire est riche en rebondissements. Il serait
hasardeux de ne voir que les facteurs de court terme. Et pour un pays d'en
dépendre pour ses équilibres macroéconomiques. La puissance des pays pétroliers
repose de plus en plus sur celle de leur compagnie nationale davantage que sur
le niveau de leurs réserves et de leurs productions. L'industrie gazière est en
mutation profonde avec l'arrivée de nouveaux acteurs qui peuvent se montrer
agressifs sur notre marché naturel, l'Europe, entraînant notre marginalisation,
voire notre exclusion. Les contrats de long terme avec clause de take or pay seront violemment
concurrencés par les transactions spot, avec à terme un alignement des prix. La
technologie est la clé de la puissance pétrolière et gazière de demain. La
baisse des prix pétroliers n'est pas durable. Structurellement, les prix ont
une orientation haussière à long terme. Cette crise est passagère. Il convient
de la traiter avec sang-froid et se préparer déjà à l'après crise en maintenant
le développement de l'industrie nationale des hydrocarbures et en renforçant Sonatrach sur les plans managérial et technologique». Cet
expert, président du cabinet «Emergy» a, en outre,
estimé que la 3ème révolution industrielle, aujourd'hui, est la convergence
d'internet et de l'énergie verte dans des réseaux intelligents de production et
de distribution d'électricité. «Il faut être à l'avant-garde de cette 3ème
révolution industrielle. Une énergie verte distribuée (chaque immeuble ou
maison produirait une part importante de son électricité) et régulée car toute
cette multitude de producteurs d'électricité seraient interconnectés au réseau
électrique et aussi à internet. Une production distribuée et intelligente
d'électricité verte contribuera significativement à absorber la croissance très
forte de notre demande électrique mais aussi engendrer une multitude de microentreprises et PME. Elle peut créer surtout une
mobilisation citoyenne qui soutiendrait la transition énergétique. Ceci serait
complémentaire avec le développement d'un génie national dans l'électricité
solaire photovoltaïque et thermodynamique avec la réalisation de grandes
centrales hybrides solaire/gaz qui peuvent être couplées à des usines de
traitement d'eaux usées ou de dessalement d'eau de mer, voire à des usines de
production d'hydrogène. S'agissant de l'économie numérique, le membre de la
commission «Energie» du FCE, a indiqué qu'il faut cultiver la fertilisation croisée
entreprises-universités, donner naissance à un concept nouveau
«d'entreprises-universités numériques». Ces entreprises du futur, conçues comme
des réseaux de compétences, produiraient de la richesse à travers des produits
immatériels (logiciels ou modèles mathématiques, systèmes exploitant les
ressources de l'intelligence artificielle). «Il faut également produire et
diffuser de la connaissance à travers les réseaux d'experts algériens opérant
en Algérie mais aussi à l'étranger. Ce modèle d'entreprise neuronale
permettrait de mettre en réseau une partie de l'intelligence et du potentiel
scientifique algérien disséminé à travers le monde avec des scientifiques et
experts opérant en Algérie. Il permet la mise en œuvre de programmes de
formation en direction des étudiants algériens résidant en Algérie ou membres
de nos communautés à l'étranger. Il faut créer un réseau de sous-traitants
nationaux (pépinière de microentreprises et PME à
travers le territoire national) et de services par satellite. Il faut semer des
îlots numériques où les entreprises et les universités de la même ville ou de
la même région sont connectées autour de logiques d'innovation visant à prendre
en charge des problèmes opérationnels ou de développement. Exemple, le
traitement de l'eau dans les régions du Sud, énergie solaire, problèmes de
corrosion, agro-industrie, pêche et aquaculture, électronique grand public,
etc.». Dans son allocution d'ouverture, Mme Bouayed,
présidente du bureau du Forum des chefs d'entreprises de Tlemcen depuis le 1er
octobre 2015, a indiqué que le FCE a pour vocation de contribuer à
l'instauration de l'esprit d'entreprise au sein de l'économie nationale et de
promouvoir les intérêts de l'entreprise algérienne. Afin de faire valoir leur
point de vue et à faire entendre leur voix sur la scène économique nationale, à
travers le dialogue permanent avec les autorités économiques bien sûr, mais
également avec tous les autres acteurs économiques et sociaux (médias,
syndicats, chercheurs, etc.).