Contre toute attente, Berlin et Ankara ont décidé, de
concert, de demander l'aide de l'Otan pour faire face à
la crise migratoire
qui les touche de plein fouet. Si la chancelière allemande
est attaquée en interne sur ce dossier, la Turquie doit faire
face à la pression de l'Europe pour la sauver du péril
migratoire. Si Bruxelles s'affole devant le flux migratoire sans précédent des
réfugiés, principalement syriens, les chiffres ont, par contre, la peau dure et tordent le
cou aux idées reçues d'une Europe accueillante et envahie. En effet, au 7
février 2016, l'UNHCR (Agence nationale des Nations unies pour les réfugiés)
comptabilisait plus de 4,6 millions de réfugiés syriens dans les pays
limitrophes. Une écrasante majorité cherche à fuir en Turquie et trouve refuge
dans des camps de réfugiés souvent gérés par les Nations unies alors que seulement
10% sont accueillis en Europe. Mis sous pression par les mouvements d'extrême
droite pour exclure ces réfugiés ou du moins imposer des quotas, l'Europe met
en avant la Turquie pour
lui servir de déversoir mais surtout pour accueillir les dizaines de milliers
de Syriens bloqués aux barrières du poste frontière turc d'Oncupinar. Acculés,
Ankara et Berlin, pour les raisons qu'on connaît, ont frappé à la porte d'une organisation
qui, le moins qu'on puisse dire, ne fait pas dans l'humanitaire. Ce à quoi l'Otan
a répondu par un sentencieux à étudier «très sérieusement». A cet appel au secours,
qui sonne comme celui de la
dernière chance, le secrétaire général de l'Alliance militaire,
Jens Stoltenberg, a indiqué que l'Otan allait étudier la manière d'y répondre
favorablement. Si ce dernier ignore encore pour l'instant la nature de cette aide,
Merkel, elle, a son idée sur le sujet en suggérant que l'Otan puisse intervenir
en matière de surveillance en mer pour soutenir le travail de l'Agence européenne
aux frontières et des gardes-côtes turcs. Si l'Otan n'a pas pour vocation de surveiller des frontières ou de combattre l'activité des
réseaux criminels de passeurs, cet appel du pied de la Turquie et de l'Allemagne
peut lui forcer la main,
quitte à créer des remous régionaux avec la Grèce par exemple.
Son Premier ministre a été catégorique et il s'en est
expliqué avec Merkel, rappelant fermement que toute implication de l'Alliance
doit garantir les droits souverains de la Grèce. Pourtant,
au lieu de se tourner vers une organisation militaire, les deux pays auraient
pu demander l'élargissement de l'opération de «EU Navfor Med», traduit
sommairement par «navires de l'UE pour la Méditerranée»,
rebaptisée plus tard Sophia, à la Méditerranée orientale.
En effet, on est en face du même phénomène induit par des réseaux de passeurs
sans pitié qui envoient des embarcations entières de migrants à la mort.