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Les Algériens binationaux ne pourront donc plus occuper de postes clés
puisque c'est ce que stipule désormais la Constitution dont la
réforme vient d'être votée par nos illustres représentants du peuple?
Certes, de nombreux pays dans le monde ont une législation restrictive quand il s'agit de certaines responsabilités précises (c'est le cas des Etats-Unis où il faut être né sur le sol américain pour prétendre à la présidence). Mais dans le cas algérien, l'intention est plus large et la mesure est un message de défiance sur lequel il convient de s'attarder. De fait, qu'est-ce qui unit un Algérien résidant à Paris à une Algérienne vivant à Los Angeles, Montréal, ou Brunswick (ME) ? Qu'est-ce qui unit une Algérienne installée à Marseille à une Algérienne de Tunis, Taipeh ou Tokyo ? Qu'est-ce qui unit un Algérien vivant à Tokyo à un Algérien installé à New York, Dubaï ou Istanbul ? Dans la majorité des cas, et à de rares exceptions, il y a un sentiment diffus d'inaccompli, la sensation d'un échec plus ou moins assumé, celui de n'avoir pu se réaliser dans son propre pays. Il y a la volonté, récurrente, de « faire quelque chose ?là-bas' », « d'aider el-bled », de rembourser une dette que chacun apprécie et assume à sa façon. Il y a donc une virtualité. Une potentialité. Quand on évoque la triste situation de l'Algérie, les facteurs d'optimisme sont rares. Dans un contexte de fuite en avant où la pire des possibilités est toujours celle qui se réalise au grand dam de celles et ceux qui espéraient, espèrent toujours, que ce pays prenne enfin son envol, c'est la jeunesse, sa créativité, sa capacité à réaliser des choses, malgré un environnement hostile, qui empêche l'accablement de triompher. D'un point de vue socio-économique, n'importe quel observateur relèvera aussi que l'un des atouts principaux de l'Algérie est aussi sa diaspora. Bien sûr, il est aisé de s'engager dans des polémiques inutiles en divisant les Algériens. On est en droit, à Alger, Oran ou Constantine, de reprocher leur départ à ceux qui sont partis ou de leur signifier que leur avis ne compte pas dans la mesure où ils ne partagent pas le quotidien éprouvant, du moins pour certains, de ceux qui sont restés. Mais tout cela est secondaire. En tous les cas, cela devrait le rester. Car, la réalité, c'est que la majorité des pays qui ont réalisé un développement économique spectaculaire durant la deuxième moitié du vingtième siècle l'ont fait avec l'aide de leur diaspora. C'est le cas, par exemple, de la Chine. On connaît la fameuse phrase de Deng Xiaoping pour justifier le grand écart entre orthodoxie communiste et réformes libérales : « qu'importe la couleur du chat pourvu qu'il attrape la souris ». Ce que l'on connaît moins c'est que le pragmatisme du PC chinois l'a aussi obligé à être accommodant à l'égard des compétences issues de la diaspora et cela reste encore le cas aujourd'hui. Sinon, comment expliquer que des sino-américains ou même des sino-vietnamiens ou encore des sino-singapouriens se retrouvent parmi les dirigeants économiques les plus en vue en Chine. Prenons un autre exemple, moins connu que celui de la Chine. A la fin des années 1950, la Corée du Sud était un pays qui désespérait ses soutiens occidentaux. Economie en panne, corruption, fuite de capitaux, chômage, autrement dit une situation qui n'a rien à voir avec ce qui existe aujourd'hui. Or, l'un des facteurs de redressement de ce pays a été qu'il a réussi à convaincre sa diaspora de rentrer au pays. Comment ? En lui garantissant un minimum de conditions décentes de vie avec, entre autres, la réforme du système éducatif, une politique ambitieuse de logement et la modernisation du système de santé. Dans ce « deal », le pouvoir sud-coréen reconnaissait deux choses majeures : d'abord, la gravité de la situation du pays et l'exigence d'un changement. Ensuite, le fait que le pays avait besoin de « sa » diaspora. Si l'on en revient à l'Algérie, le pouvoir ne reconnaît ni la gravité de la situation, et donc l'exigence de réformes urgentes, ni le fait que la diaspora est un élément de la solution. Je ne vais pas m'attarder sur la première partie de ce qui précède. On sait ce qu'est le pouvoir algérien, inutile d'insister là-dessus. Par contre, concernant la diaspora, il est important de dire certaines choses. Tout comme il refuse de faire confiance aux Algériens qui vivent en Algérie, le pouvoir n'a que peu de considérations pour la diaspora. Certes, elle a droit de temps en temps à quelques discours laudateurs mais ils sonnent aussi creux que les promesses d'une plus grande démocratisation ou de la mise en place d'une politique pour sortir du tout pétrole. Jadis, entre les années vingt et la fin de la guerre d'Indépendance, c'est au sein de l'émigration algérienne que le mouvement nationaliste s'est renforcé. Peut-être est-ce cela qui alimente la méfiance à l'égard des exilés d'aujourd'hui. Il est vrai qu'un Algérien qui travaille à la Nasa ou dans la Silicon Valley ou qui est encore l'un des pontes de la recherche médicale en France n'apportera pas que son expertise mais aussi sa manière de voir les choses et ses exigences pour que le minimum de vie décente ? et il ne s'agit pas que de considérations matérielles ? lui soit garanti. Finalement, les seuls binationaux qui intéressent le pouvoir algérien sont les footballeurs. Appelés en masse d'Europe pour les besoins d'un wanetoutrisme mortifère, ces joueurs sont célébrés en tant qu'exemples de dévouement pour le pays, alors qu'en réalité ils ne servent qu'à donner des jeux et flatter le nationalisme du peuple. Quant aux autres « binat », quel que soit leur niveau de compétence, leur capacité d'entreprendre et d'investir, il vient de leur être signifié qu'ils ne sont que des Algériens de seconde catégorie. |
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