Qu'il
est loin ce cri de victoire de «Ben Ali h'rab» lancé
à tue-tête par un jeune Tunisien, précipitant la chute du régime policier de la
famille présidentielle. Personne ne pouvait prédire que l'immolation de Bouazizi allait sonner le glas du monde arabe tel qu'on le
connaissait depuis que la télé en couleur existe. En mettant le feu à son
existence, Bouazizi a allumé les mèches d'un
Printemps arabe qui a définitivement changé la face du monde, en plus hideux.
Cinq ans après, Kadhafi a été assassiné et avec lui son peuple et Sarkozy
continue toujours de nous provoquer. La Syrie est à feu et à sang et les Syriens sont
devenus le peuple le plus voyageur au monde. Moubarak est parti, un autre
Moubarak l'a remplacé. Le Yémen est à l'Arabie Saoudite ce qu'était le Vietnam
aux USA. Cinq ans plus tard, un nouveau Bouazizi est
mort et les Tunisiens sont ressortis dans la rue. Que comprendre ? La Tunisie, l'un des pays les
moins corrompus par ce printemps empaqueté et livré par les spin doctor comme un modèle de révolution, est en train de
s'embraser, basculant dans la violence urbaine et une contestation sociale sur
fond de chômage et de mal-être. Les Tunisiens ont ressorti leurs slogans de
décembre 2010 demandant à leurs dirigeants de dégager car ils n'ont rien
compris à leur douleur, leur souffrance. Les Tunisiens de Kasserine, de Sidi Bouzid, de Sousse et de Tunis sont fatigués d'un changement
de régime dans la continuité et on les comprend, nous, qui vivons la même
situation. Après le flic Ben Ali, ils ont eu un islamiste remplacé par un
président qui se souvient encore de ses parties de billes dans la cour de
récréation avec Boumediene, Nasser et le Prince Fayçal. Les Tunisiens ont
affronté la police de Ben Ali pour aspirer à un changement et non à se
retrouver avec les fantômes de leur passé. Mais ce que la Tunisie, et avec elle,
tous les régimes arabes ne veulent pas comprendre, c'est qu'il est impossible
de faire du neuf avec du vieux.
Qu'il
est impératif de tourner la page du passé, la déchirer s'il le faut sinon la
froisser un petit peu pour faire la place à une nouvelle ère de gouvernance. C'est
à croire qu'aucune relève n'existe et que les vieux sont éternels. Le problème
du monde arabe est dans ses hommes, les premiers à le pousser vers le brasier,
à en faire du petit bois pour qu'il continue à brûler, à le changer en charbon
pour que jamais la flamme qui le consume ne s'éteigne. Tant que ces hommes
s'agrippent au pouvoir, les Arabes seront condamnés à vivre en carburant du
monde.