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Commerce : Le «consommer algérien» face aux contradictions des décideurs

par Yazid Alilat

Les licences d'importation sont dorénavant la seule méthode pour l'achat de biens sur le marché international ou le marché européen des produits contingentés. La fin du système FIFO (premier arrivé premier servi) pour les produits contingentés de l'UE a été suivie par la mise en place de licences d'importation. Le ministère du Commerce, en collaboration avec ceux de l'Industrie et des Finances, a défini trois produits prioritaires devant être importés à travers les licences d'importation. Hier mardi à la radio nationale, le président de la fédération agroalimentaire de la Confédération des industriels producteurs d'Algérie, Abdelouahab Ziani, a applaudi la réintroduction des licences d'importation. Pour lui, ce système permet de réguler le commerce extérieur et relancer la production nationale, puis les exportations. « L'exportation reste le meilleur outil de réguler, remonter les filières et les organiser pour améliorer le système commercial algérien, orienté vers la production nationale », a-t-il expliqué. « Au début, nous étions (à la fédération) contre ce système de licences pour les importations, mais maintenant nous sommes d'accord et on demande ce système pour réguler l'économie nationale. Même le patronat est favorable à cette formule. » Maintenant, « avec le rond à béton, les voitures et le ciment, il faut élargir immédiatement la gamme à d'autres produits », a-t-il fait remarquer. La semaine dernière, Saïd Djellab, directeur du suivi des accords commerciaux régionaux au ministère du Commerce avait indiqué que « le choix sur les trois produits (véhicules, ciment et rond à béton) s'est fait sur la base de leur poids sur la balance des paiements ». La facture des importations de véhicules de tourisme s'est établie à 3,9 milliards de dollars en 2015 contre 4,8 md de dollars en 2014. Pour les matériaux de construction et notamment le rond à béton, la facture a été de 1,2 md de dollars en 2015 contre 1,8 md de dollars en 2014. Dès lors, le déficit de la balance des paiements s'est établi en 2014 à 5,4 milliards de dollars et de 1,2 md de dollars en 2015. Les exportations ont été réduites de moins 40% en 2015 et les importations de moins de 12%. Par cette situation de déficit, le gouvernement doit prendre des mesures restrictives, et parmi les mesures à prendre, il y a les licences d'importation », relevait M. Djellab selon lequel il y a eu une réduction de la balance des paiements globale de 6 milliards de dollars à fin novembre 2015. Pour autant, le passage vers le système des licences bloque sur le manque d'informations des produits importés. Abdelouahab Ziani estime que « le problème actuel est que les ministères concernés n'ont pas beaucoup d'informations sur les filières, les produits importés et leur incidence sur l'économie nationale et, partant, la maîtrise des importations. » Dès lors, « nous demandons à tous les opérateurs de faire remonter l'information au ministère pour savoir de quoi nous avons besoin pour déclencher les licences et gérer les produits contingentés. » Pour le président de la fédération de l'agroalimentaire, il y a déjà une satisfaction, celle du secteur des boissons qui est autosuffisant. « Il produit 600% des besoins du marché national, on peut l'orienter vers l'exportation. Il y a aussi la tomate industrielle. On avait obtenu la médaille d'or pour le triple concentré de tomate, et d'un coup on a déstructuré la filière en ouvrant le secteur à l'importation », a-t-il fait remarquer. Il a également pointé du doigt les bureaux d'études étrangers sollicités en Algérie qui « pompent des milliards de dollars, alors que les bureaux d'études algériens sont capables de faire le même travail ». « Nous sommes contre les bureaux d'études étrangers, il faut transférer nos services et savoir-faire vers les bureaux d'études algériens. Pourquoi aller vers des bureaux d'études étrangers ? », s'est-il interrogé avant de relever qu' « il y a quelque chose comme 16 milliards de dollars qui sont siphonnés par ces bureaux d'études et autres services comme les transports. Ces 16 milliards de dollars doivent être réorientés vers les bureaux d'études algériens». Il précise qu'il s'agit de chiffres éconfirmés par le ministère du Commerce et la Banque d'Algérie ». En outre, il rappelle qu'il y a également « le transport maritime dont la facture est incluse dans ces 16 md de dollars. C'est dommage que le pavillon national soit faible, pour transporter nos marchandises par d'autres pavillons », indique-t-il. Selon le président de la fédération agroalimentaire, la facture « est de pas moins de 6 md de dollars rien que pour le transport maritime », avant de préconiser qu'« il faut exporter et importer nos matières premières par notre pavillon, car les transporteurs étrangers facturent comme ils veulent. Même les ports secs doivent également revenir aux Algériens, car ils sont détenus par des groupes étrangers. » Par ailleurs, il a indiqué que « l'ANEXAL est dotée aujourd'hui d'une nouvelle mission, celle d'expliquer aux opérateurs comment exporter. Aujourd'hui, on a un marché, notre marché dans notre continent, c'est l'Afrique ».

DE L'IMPORTANCE DES LICENCES D'EXPORTATION

«La dernière foire de Dakar a été bien organisée par nos exportateurs, le thème est de faciliter l'acte d'exportation et soutenir les opérateurs. Nous avions même proposé de mettre en place un port sec pour l'exportation, il faut distinguer les marchandises à l'exportation et ne pas les confondre avec les importations », a soutenu M. Ziani qui estime que les exportations algériennes doivent être réorientées en urgence sur le marché africain, qui a un potentiel de 1500 milliards de dollars. C'est dans cette perspective qu'il faut, selon lui, introduire les licences d'exportation. « Les licences d'exportation sont très importantes pour nous, dans notre organisation, la Confédération des industriels et des producteurs algériens (CIPA). On a dit au ministère du Commerce d'interdire l'importation des batteries pour véhicules car elles sont fabriquées en Algérie avec une production de 5 millions d'unités par an, et on en importe deux millions de Chine et d'autres pays, alors que nos producteurs exportent vers l'Europe et l'Afrique. » En fait, « l'Afrique doit être la destination prioritaire des exportations algériennes hors hydrocarbures », préconise-t-il. Le bilan des exportations algériennes vers le continent africain reste cependant dérisoire. « Nous n'avons même pas atteint les 300 millions de dollars d'exportations vers l'Afrique », souligne-t-il avant de s'élever contre l'importation de certains produits qui mettent à mal la production nationale. «Nous disons stop à des produits importés qui sont produits localement. On produit 60.000 t de batteries et on en importe 2000 t, nous sommes pour l'exportation de ce produit. Il faut réintroduire les licences d'exportations pour contrôler et réguler cette filière et empêcher la fuite de certaines matières premières comme les peaux et cuirs », soutient-il, affirmant que « les tanneries ont été tuées car il y avait une fuite des peaux et cuirs par les frontières. Il y a trop de gaspillage ». Il cite dans ce cas le plomb importé par une entreprise publique pour la fabrication de batteries, alors qu'il existe sur le marché national.

 Dès lors, les exportations hors hydrocarbures restent faibles, entre 2 et 2,5 milliards de dollars en 2014, et elles sont constituées de produits dérivés des hydrocarbures. « On doit exporter vers l'Afrique tous les produits hors hydrocarbures et reprendre l'idée du comptoir algérien en Afrique », préconise le président de la fédération agroalimentaire selon lequel la dépréciation du dinar « est une contrainte. Achetons localement et on produira plus. » Enfin, sur la constitutionnalisation de l'acte d'investir, il a estimé que « c'est la première fois qu'on nous donne le droit d'exister, et on nous dit que vous êtes des producteurs algériens. »