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Le marché parallèle des devises est entré dans une période de turbulences
caractérisée par une forte volatilité des taux de change et des niveaux record
de la monnaie européenne. La dépréciation ou la dévaluation du dinar par la Banque d'Algérie et la
politique d'austérité du gouvernement qui prône la baisse des dépenses
publiques et la hausse de la fiscalité pour réduire le déficit budgétaire ont
eu un impact direct et concret sur le marché parallèle des devises. La valeur de
toute monnaie repose en effet sur deux principes: confiance en le devenir et
l'avenir de l'économie et la productivité. Malheureusement ces deux valeurs
manquent à l'appel dans une économie rentière et fragilisée ces derniers mois
par le plongeon du prix du baril de pétrole, au plus bas depuis 12 ans sur les
marchés internationaux. Jamais le marché parallèle n'a connu une période aussi
agitée, même durant la décennie noire. Les fluctuations des taux de change des
devises sur le marché parallèle sont désormais imprévisibles: ça monte, ça
baisse, ça remonte ! Les cambistes et les habitués du marché parallèle des
devises n'arrivent plus à expliquer ces fluctuations des taux de change qui
ouvrent la porte à toutes les dérives spéculatives. Dans les plaques tournantes
du marché parallèle, que ce soit au square Port Saïd, à Hydra, au marché
Clauzel (Réda Houhou) dans la capitale ou dans la rue
de la Bastille
ou à M'dina J'dida à Oran,
les cambistes sont constamment à l'affût du moindre bruit pour monter le prix de
vente du précieux euro. Les taux de change pratiqués ne traduisent aucunement
la valeur réelle du dinar. Il s'agit surtout de suppositions et d'anticipations
faites par de gros bonnets du marché parallèle. Un «grossiste» du marché
parallèle avoue que les cambistes naviguent à vue dans une conjoncture
incertaine qui est favorable à toutes les dérives spéculatives. Les
boursicoteurs sont aux aguets ! Ils profitent de la moindre rumeur pour faire
monter en flèche les taux de change. «Le taux de change réel de l'euro ne doit
pas dépasser les 170 dinars. La période de fortes turbulences favorise la
spéculation. Il suffit que quelqu'un débarque pour passer une grosse commande
de change d'un million d'euros pour créer une panique générale sur le marché.
Les taux de change montent, baissent et remontent selon les aléas de la
demande. Il y a souvent des sursauts de panique sur le marché parallèle à cause
d'un simple départ programmé pour un bateau vers l'Espagne. La confusion et la
volatilité règnent sur le marché. Et, contrairement aux années précédentes, on
ne travaille plus avec un taux stable durant plusieurs jours, mais les taux
changent constamment et parfois durant une seule journée. Les cambistes optent
actuellement pour deux taux de change quotidiens: le premier est le taux de
change proposé à l'ouverture du marché du jour qui est indexé sur le taux de
référence pratiqué au square Port Saïd à Alger alors que le deuxième taux de
change est fixé selon la demande occasionnelle. «Les écarts entre les taux de change
durant une même journée peuvent être considérables», explique notre «grossiste»
tout en précisant que le taux de change actuel ne dépasse guère les 180 dinars
pour un seul euro. «L'euro est acheté à 17,80 dinars pour être vendu à 17,95
(soit une marge bénéficiaire de 150 dinars par 100 euros). Ce taux de change
concerne uniquement les transactions quotidiennes», précise la même source.
DES PRO POUR UN TRANSFERT PRESQUE «SECURISE» Il y a en réalité plusieurs taux de change des devises sur le marché parallèle qui sont connus seulement par les initiés (grossistes, importateurs, hommes d'affaires) qui recourent souvent à ces taux de change «spéciaux» qui varient entre 18,40 et 18,50 voire plus selon le volume de la demande et le risque de transaction. Pour les hommes d'affaires, qui veulent contourner les restrictions bancaires sur le transfert des devises, il n'y a aujourd'hui qu'une seule solution: le circuit parallèle. Les hommes d'affaires et les particuliers ont en fait deux options, soit transférer l'argent en personne dissimulant les devises dans des valises en courant le risque de voir le fruit de leur labeur saisi à l'aéroport, soit ils font appel aux services des «hommes de métier». Avec la multiplication des saisies d'argent en monnaies étrangères dans les grands aéroports du pays, les hommes d'affaires font appel à des professionnels qui assurent un transfert presque «sécurisé» de grandes sommes de devises. Un connaisseur du marché parallèle révèle que la marge bénéficiaire pour ce taux de change «spécial» est en moyenne de 500 dinars par 100 euros. Il existe plusieurs circuits pour le transfert illicite des devises. Pour le circuit de Dubaï, l'argent est généralement transféré via la Tunisie. Le client verse la totalité du montant de la transaction en dinars et c'est le grossiste qui s'occupe du reste. Des «hommes-mulets» ont pour mission de transporter l'argent vers la Tunisie. L'argent est ensuite viré via des comptes bancaires professionnels de la Tunisie à Dubaï. «Les virements de l'argent se font exclusivement de comptes pro à comptes pro pour éviter les problèmes. Les acheteurs détiennent généralement des sociétés basées dans des pays du Golfe. L'argent est utilisé pour le payement des importations urgentes ou informelles (habillement, téléphones et accessoires, pièces de rechange). Les marchandises sont expédiées par la suite en Algérie via des circuits informels (cabas). C'est ce qui explique en grande partie la flambée de certains produits sur le marché local vu que les importateurs sont obligés de faire des acrobaties pour transférer à l'étranger de grandes sommes d'argent. Certains habits traditionnels (abaya, djellaba, qamis?) importés des pays du Golfe ont vu leurs prix passer du simple au double en l'espace d'un temps réduit. Un qamis qui coûtait, par exemple, 1.200 à 1.600 dinars se négocie aujourd'hui à 3.200 dinars», confie notre source. Moralité de l'histoire, entre une politique d'austérité contre-productive du gouvernement, des dérives spéculatives du marché parallèle de change et le business de la débrouille, c'est le consommateur final qui finira toujours par payer l'addition. |
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