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Le général à la
retraite Khaled Nezzar, ministre de la Défense dans les années
1990, au plus fort de la crise politique née de l'arrêt du processus électoral,
revient sur les événements de cette époque, en particulier sur le départ,
précipité ou pas, de feu le président Chadli Bendjedid.
Dans un long entretien au quotidien Echourouk, Khaled Nezzar revient sur les péripéties de ces moments chauds, alors que le FIS-dissous avait remporté le premier tour des élections législatives, après un raz de marée aux communales. Nous sommes à la fin de l'année 1991. Sur la démission d'abord de Chadli Bendjedid, et «s'il a été poussé vers la porte de sortie», le général affirme: «je réponds que les choses étaient claires: le président défunt Chadli Bendjedid avait dit qu'il avait quitté son poste de sa propre volonté, et il l'a écrit dans ses mémoires et sa décision a été publiée par la presse. Tout le monde est au courant. Je vous dis cela parce qu'à l'époque, j'étais le seul à rencontrer Chadli Bendjedid, et personne d'autre». Il poursuit: «dès lors, je me pose la question de savoir d'où viennent les informations contradictoires», c'est-à-dire que l'ex-chef d'Etat avait été démissionné. Y a-t-il eu pressions sur Chadli pour démissionner, aviez-vous des dossiers sur lui ou sa famille pour faire pression sur lui? Nezzar est catégorique: «quels dossiers? Le peuple connaît Chadli et son parcours, quant à moi, je l'ai connu durant la guerre de libération, on dormait dans la même grotte (...) J'étais le seul à pouvoir le contacter, et je l'ai rencontré à quatre reprises en 15 jours entre les deux tours des élections législatives de 1991''. Il précise: «je l'ai rencontré en tant que ministre de la Défense pour savoir où allait l'Algérie à la lumière des résultats du 1er tour de ces élections, qui avaient donné la victoire au FIS-dissous. On suivait la situation en tant que militaires avant ce résultat. Ce qui se déroulait dans le pays à ce moment-là nous intéressait en tant que responsables politiques et militaires.», explique-t-il encore. Pour autant, il a esquivé la question de savoir s'il a rencontré l'ex-président défunt de son propre chef, ou s'il avait été mandaté par un groupe de personnalités politiques et militaires. «Certes, nous savions qu'il allait présenter sa démission trois ou quatre jours avant.» «Nous étions au courant qu'il allait démissionner. J'ai donc constitué un groupe de travail pour réfléchir sur ce que nous devions faire. Il n'y avait pas de décisions individuelles. Le groupe de travail était constitué d'officiers». Selon Nezzar, Chadli a rencontré ce groupe de travail, qui lui a présenté la situation et lui a fait part de ses remarques sur la situation explosive dans le pays. «Chadli était l'enfant de l'Institution, et lorsque les problèmes s'accumulaient, il revenait chez nous pour se reposer. Il était notre grand frère», affirme Nezzar, qui a précisé que «nous étions prêts à toutes les éventualités.» Sur la loi électorale qui avait été votée alors par le Parlement et qui ouvrait la route du pouvoir au FIS, il a souligné que «nous avons averti tout le monde, dont le président, sur la dangerosité de cette loi, avant son adoption.» Nezzar explique par ailleurs, après l'enterrement de la mère de Chadli, que Abdelhamid Mehri, alors SG du FLN, avait donné de fausses prévisions au président en lui disant que le Front allait remporter les élections à 90%. «Nous savions que le contraire allait se produire. A l'époque, on avait envoyé le général à la retraite Mohamed Betchine, alors en charge du DRS, contacter les gens du FIS et leur dire qu'ils doivent se suffire de 30% aux élections et «partir dans le calme pour préserver la stabilité du pays.» Il ajoute: «nous avions donné notre avis pour le pays, et pas pour d'autres objectifs». Dans ces moments intenses, «je suis allé voir Chadli, qui m'a alors donné une autre proposition, celle d'avancer les élections présidentielles avant les législatives. La proposition avait été soumise à Abassi Madani par Abdelkader Hadjar», actuel ambassadeur à Tunis. «Vous voyez que Chadli voulait vraiment partir.» Il poursuit: «lors de ma troisième rencontre avec lui, il m'a dit en français, après un long moment de réflexion: la prochaine fois, c'est à l'armée de trouver des solutions. Là j'ai compris qu'il allait partir.» Puis, on est allé le voir à Zeralda, j'étais avec Djenouhat, et on lui a soumis la lettre de démission qu'il devait lire à la télévision». Au début, il avait refusé de le faire, peut-être devant le Conseil constitutionnel. Chadli voulait en fait partir le mercredi ou le jeudi 9 janvier 1992. Là, Khaled Nezzar précise: «on lui avait également dit de ne pas démissionner le jeudi mais le samedi d'après, car on n'était pas prêts.» Il ajoute qu'à ces moments-là, «je n'avais pas pensé à un coup d'Etat, parce que le président n'était pas prêt à affronter la nouvelle situation.» «Il était incapable de résoudre la crise, c'est mon opinion.» «L'armée est descendue dans la rue en 1988 et 1991, car les politiques nous ont conduits à cette situation», lâche-t-il, avant de souligner que le groupe de travail qui a rédigé la lettre de démission que devait lire à la TV Chadli Bendjedid était composé du général Mohamed Touati, Ali Haroun, Abou Bakr Belkaid (ministre de l'Information), le général Abdelmadjid Taghit. Effectivement, Chadli lira alors à la télévision, dans son JT de 20 heures, la lettre de sa démission. Avec le FIS-dissous, «on les a rencontrés au Palais du gouvernement, en présence de Sid Ahmed Ghozali, alors chef du gouvernement, et on les a informés de la situation. Beaucoup de l'encadrement de ce parti ont compris et sont retournés chez eux. Le problème était Ali Benhadj, avec son extrémisme.» BENHABYLES REFUSE D'ASSURER L'INTERIM DE LA PRESIDENCE Au moment de la démission de Chadli, Abdelmalek Benhabyles était alors président du Conseil constitutionnel, et il devait assurer l'intérim pendant 45 jours. Khaled Nezzar, qui est allé le voir, est catégorique: «Il a refusé d'assumer la fonction de président de la République pendant 45 jours.» «Je l'ai reçu vers 4 heures du matin. Il m'a dit que cela dépend de vous (ANP, NDLR). Il a refusé, probablement par rapport à l'ampleur de la crise.» Donc, il y avait un vide politique, le président avait démissionné, Benhabyles a refusé d'assumer ses responsabilités, et le parlement avait été dissous. Il fallait une décision politique.» Mais, sur la fin du mandat du parlement (1987-1992), il a présenté à son interviewer d'Echourouk un exemplaire d'El Moudjahid qui annonce la fin du mandat du Parlement le 31 décembre 1991. Plus tard, Belkhadem, alors président de l'APN, dira lui-même, selon un entretien à venir à Echourouk, qu'il avait appris la dissolution de l'APN le soir au JT. Le général Nezzar poursuit, par ailleurs: «le lendemain de la démission de Chadli Bendjedid, j'ai rencontré les chefs du FLN Abdelhamid Mehri, du FFS Hocine Aït Ahmed, et du Front du changement Ahmed Ben Bella (tous décédés, NDLR). «Aït Ahmed, je me rappelle, il n'avait pas accepté les choses, et m'avait dit qu'il s'agit d'un coup d'Etat... un coup d'Etat contre la légalité. Le responsable du FLN m'a dit oui, mais... alors que Ben Bella a dit qu'il faut revenir au plus vite au processus électoral.» Enfin, Khaled Nezzar a démenti avoir proposé à Aït Ahmed la présidence. «Jamais, je n'ai proposé à Aït Ahmed la présidence à ce moment-là.» |
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