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Livres
Une vie, un parcours. Mémoires d'un journaliste. Ouvrage de Mouloud Chekaoui. Rafar Editions, Alger 2014, 169 pages, 500 dinars A l'école d'Agouni-Bouafir, il a été, tout le temps, premier de la classe. Une seule fois, il a été détrôné... .et il a éclaté en sanglots. Il a rapidement appris à lire et à écrire... et il était devenu le «lettré », l' «écrivain public» de son village, celui par qui passait tout le courrier. Lui, c'est Mouloud Chekaoui, devenu, au fil du temps, un des premiers journalistes de l'Algérie indépendante : radio puis télévision, parfois les deux car, à l'époque, radio et télévision étaient gérées par une même entreprise nationale, la Rta. Micro en mains, parfois portant un magnétophone (le fameux «nagra») de plusieurs kilos, mobilisé de manière permanente, tout particulièrment par les responsables de l'époque pour qui la politique passait avant tout, même aux dépens de la santé des gens, souvent bousculé par les appareils du Protocole et de la Sécurité des grands du moment, il a été le témoin des grands événements. Il a assisté, le 28 octobre 1962 à 10 heures, à la cérémonie de l'emblème national hissé, par un des travailleurs, sur la terrasse du bâtiment à la place du drapeau français. L'Ortf venait de disparaître et laisser la place à la RTA. Il a rencontré et/ou interviewé les plus grands (Ben Bella, Boumediène, Chérif Belkacem, Fidel Castro, Mobutu, Cabral, Roger Hanin, Giap, Mouloudji,M. Makeba, Nina Simone, Taos Amirouche, Akli Yahiaten, Kamel Hamadi, Djamila, la chanteuse, F. Reynaud, Mitterand, Giscard, Neil Amstrong, Nguyen ThiBinh, Cousteau, Kissinger, Arafat ... .et , aussi, Ceaucescu). Il a visité les lieux les plus rêvés et des maquis (Urss, Chine, Afrique sub-saharienne... ). Il a cotôyé d'autres grands journalistes (certains aujourd'hui disparus, d'autres oubliés : L. Cheriet, A. Messaoudi, A.Laghouati, M-L Boureghda, A.Boukaâbèche, H. Souami, L. Boukli, S-A Hattabi, C. Ben Ali, Chérif Harbi, F.Blous, M. Maidat, Madani Haouès, Daoud Antar, H.Bellazoug,... ) dont les noms faisaient rêver tous ceux, étudiants, qui rêvaient de journalisme et de grands reportages. Il a, aussi, accueilli des éléments de la première fournée de l'Ecole de journalisme (créée en 1964) 1979 : il quitte la Rta pour aller à l'Education nationale (avec son ami M-C Kherroubi) puis à la Justice (toujours avec Kherroubi) et au Tourisme... tout en activant au sein des organisations professionnelles. Un long parcours pour l'enfant de Taliouine. Un parcours riche de rencontres et de connaissances. Bonne retraite, Mouloud ! L'Auteur : Né en mai 1939 à Tiliouine, en Kabylie (Mekla). Après des études primaires jusqu'au Certificat d'études, et un court exil en France, retour en Algérie. Employé à la Caisse de sécurité sociale... puis à la Radio chaîne kabyle (Chaîne II plus tard, après l'Indépendance du pays) et à la télévision (Rta). Une longue carrière suivra, complétée par un passage à plusieurs postes de communicant dans des ministères. Par la suite, c'est d'autres aventures dans le privé. Avis : Conseillé surtout aux étudiants en journalisme... ainsi qu'à leurs enseignants... pour conn aître les détails de l'histoire contemporaine de notre presse. Citations : «Ce qui était une honte hier s'est, on ne sait comment, métamorphosée, auprès de l'opinion publique algérienne, en victoire qui s'exhibe fièrement. Les vieilles de Tiliouine auraient dit «Tfouk Dounith» (c'est un signe de fin du monde). Un dérèglement des valeurs» (p 28) L'impossible éradication. L'enseignement du français en Algérie. Essai de Ahmed Tessa (préface de Amine Zaoui). Editions Barzakh, Alger 2015, 213 pages, 730 dinars C'est bien vrai ce qu'avance le préfacier : le livre nous plonge dans un roman historique cauchemardesque ! A travers son essai, Ahmed Tessa remonte le temps présent, celui d'après l'Indépendance, pour nous retracer le processus (forcé et accéléré) d'arabisation et de dé-francisation du système éducatif national ; la politique, l'idéologie, le chauvinisme, le national-baâthisme et l'esprit de «vengeance» (inexpliqué mais explicable ) étant assez présents. Résultat des courses après plus de cinquante ans : notre système éducatif (de l'école primaire à l'université) baigne dans une ignorance certaine, flirtant sans cesse avec les bas des tableaux des divers classements internationaux... les premiers résultats de la catastrophe éducationnelle apparaissant clairement au milieu des années 80. Ne pas s'étonner donc des dérives cultuelles et sociétales qui ont suivi ! En fait, ce n'est pas la langue arabe en elle-même qui est la coupable. Le seul et unisque coupable, selon l'essayiste, pédagogue averti et observateur chevronné du paysage éducationnel national (et international), ce sont les orientations politico-idéologiques qui ont décrété la généralisation aveugle et «au forceps» de l'arabisation du système scolaire, nonobstant le fait que les filières scientifiques de l'enseignement universitaire continuaient d'être assurées en français... D'où les dysfonctionnements qui mineront l'école et l'université sur plusieurs décennies. Entre autres, et l'auteur en parle, par ailleurs, une conséquence grave : la (mé-)connaissance de notre patrimoine culturel historique et socio-politque (accumulé durant les premières décennies et même avant), par les nouvelles générations (post 80 surtout) arabisées sans connaissance de la langue française. Autres conséquence grave ; la mise en place d'une école à deux vitesses (à «deux collèges» pour reprendre le vocable colonial), l'une destinée aux «enfants du peuple», l'autre n'étant à la portée que des nantis (soit par l'envoi à l'étranger, soit dans les écoles privées de plus en plus nombreuses, et pour les enfants de la nomenklatura (dont beaucoup d'apôtres de l'arabisation forcenée), l'établissement français (Lycée Bouâmama, ex-Descartes auparavant, ou Lycée international maintenant). L'auteur présente bien l'étude de l'existant, l'analyse des causes et un diagnostic ainsi qu'il fournit des propositions pour s'en sortir. Sur la base du concept de l'«Education transculturelle». Les efforts de l'actuelle ministre de l'Education nationale vont dans ce sens. Mais, sachant combien de «projets de réformes», combien de «commissions» et combien de ministres ont déjà « échoué», l'optimisme n'a pas le vent en poupe. On continuera donc, et on ne le souhaite pas pour le bien du pays et de ses enfants, à «sabiriser» le français, à baragouiner l'arabe, à miser sur le tamazigh, à fuir vers l'anglais quand ce n'est pas le chinois et à construire une nouvelle langue algérienne, porteuse d' «identité meurtrière», comprise seulement par ses élèves. Sauf si on laisse Mme Benghabrit, la ministre en poste, aller jusqu'au bout de sa stratégie ! Ce qui n'est pas sûr. L'Auteur : Il est (ancien) normalien et il a exercé dans tous les cycles du système scolaire. La retraite venue, il a fondé la première revue d'éducation (bilingue) consarée à «L'Ecole et la vie» (titre), de 1992 à 1998. Collaborateur aux rubriques Education de plusieurs revues et journaux algériens comme El Watan , il participe également à des émissions éducatives radiopohoniques (dans les trois langues : français, arabe et tamazigh). Il a même été, un certain temps, conseiller chargé de la Communication, au ministère de l'Education nationale. Avis : A ne rater sous aucun prétexte... mais attention à l'apoplexie ; le conseil, cette fois-ci, étant adressé aux francophones dont les enfants ont été victimes de la «mise à l'écart». Un livre à traduire en arabe et en tamazight, absolument, si l'on veut qu'il y ait, enfin, une prise de conscience générale et nationale... Bien qu'il soit, à mon avis, trop tard ! Citations : «En Algérie, on réfléchit et on gouverne en français. Le français est la langue du pouvoir et pour le pouvoir. Langue de la décision ! En Algérie, on prie et on prêche en arabe. L'arabe est la langue de la religion musulmane et du religieux. En Algérie, on milite et on chante en tamazight. Le tamazight est une langue de résistance et de la chanson engagée. Chant juste et de justice» (p 13), A bien des égards, l'Algérie «révolutionnaire» a réussi l'impensable : mettre une école à deux vitesses ou, pour reprendre le vocable colonial, une école à deux collèges» (p 27, Amine Zaoui, préface), « Le pouvoir politique a arabisé l'école au même rythme qu'il a nationalisé les terres et les entreprises privées : d'un simple trait de plume sur un décret ou une loi» (p 53), « Le processus d'arabisation tel qu'il a été mené reflète la stratégie du conflit» (p 55) , «Pire que le choc des civilisations, c'est le choc des ignorances qui guette les pays monolingues» (p 145), « Le patriotisme ne se lit ni dans la couleur de la peau, ni dans l'idiome parlé et ni dans la religion pratiquée. Il se vit par l'intensité qui rattache l'être humain au sol natal» (188). La traversée du somnambule. Chroniques du mentir/vrai. Ouvrage de Arezki Metref (Préface de Boualem Sansal). Koukou Editions, Alger 2015, 193 pages, 500 dinars On est bien loin des chroniques au sens classique du terme. C'est plutôt le roman d'une longue ballade en «littérature»... à la rencontre de pays, de villes, d'hommes et de femmes, rencontrés parfois par hasard, ou dans le cadre d'une mission ; d'idées parfois révolutionnaires, en tout cas toutes voulant «changer le monde». On a donc un mélange heureux d'écriture et le préfacier, Boualem Sansal, ne s'y est pas trompé en évoquant, au-delà de l'expérience, une «magie» et la «touche innocente du maître» dans les «vingt-sept leçons d'écriture» : du reportage (l'observation minutieuse), du portrait, du commentaire, de l'analyse qui, grâce aux genres assemblés en un texte court (car, au départ, destiné au grand public de la presse), restitue les événements tels que rencontrés (et mis en balance avec les rêves d'enfance ou de jeunesse, rêves récoltés à travers les livres lus, la bande dessinée parcourue, le film vu, les discussions bues autour d'un vers) Des lieux : Alger (qui a ses côtés méconnus ?ou carémment inconnus- du commun des habitants), Paris, Marseille, Berlin, Berlin Est, la Pologne, Cuba, Le Caire, Vienne (pour visiter un des domiciles de Mozart), Turin ... Des œuvres : dont les «Mille et une nuits», bien sûr, «Nedjma», «Mendiants et orgueilleux» ; «Journal d'un substitut de campagne» ; «Les Boucs» ; «L'automne du patriarche» ; «Cent ans de solitude» ; la «40è symphonie» ... Des noms : rencontrés souvent, côtoyés longtemps ou rapidement, ou apercus ou tout simplement lus... : Castro, Derrida, N. Sâadi, R.Boudjedra, Borges, A.Djebbar, Dib, T.Djaout bien sûr, Salman Ruschdie, Nabile Farès, Naguib Mahfouz, Albert Cossery, Kateb Y, D. Chraibi, M. Guillen, G.G.Marquez, R.Mimouni , D.Martinez, B.Vian, Tessa, la jeune femme anonyme fille d'un Kabyle émigré et d'une Bretonne, hôtesse de l'air rencontrée par hasard grâce à un livre de Borges, Jules Roy, Moravia, Nabokov, Naïpaul (le seul trouvé antipathique au départ, puis devenu attachant lorsqu'il découvre sa lutte existentielle contre l'aliénation culturelle ), Tahar Oussedik, Malek Alloula, G. Conchon, A. Chouraqui, Habermas, Anna Karina... L'Auteur : Né à Sour el Ghozlane en 1952, famille originaire d'Ait Yenni, Sciences Po' Alger, Journaliste (l'Unité, Révolution africaine, El Moudjahid, Algérie Actualités, ... et, avec T. Djaout, Ruptures, dont il est le rédacteur en chef), écrivain (nouvelles, pièces de théâtre, essais, romans, anthologies... ), poète... et, aussi, peintre. Parti en France en 1993. Collabore régulièrement avec la presse nationale, dont l'Hebdo libéré et, maintenant régulièrement, depuis 2004, Le Soir d'Algérie (Chroniques). Avis : un grand reportage, du portrait, de l'ambiance, de l'âme : une formidable «traversée du monde de la culture universelle». En somnanbule éveillé, il prouve que pour faire pendant aux «orientalistes», nous pouvons avoir aussi nos «occidentalistes». Peut-être un peu trop compréhensif ? Preuve que nous sommes plus généreux. «Un recueil de textes sans doute le plus littérature de sa production», selon Ahmed Halli... qui dit toujours vrai. Comme son ami. Il faut les croire ! Citations : « On ne fait pas la révolution lorsque le peuple n'aspire plus à la liberté mais se voue corps et âme à la religion et à la consommation de masse «(Boualem Sansal, préface, p 11), «Une addition de chroniques ne fait pas nécessairement un propos cohérent» (p 13), « La réalité est un mauvais roman, il appartient à l'écrivain de l'embellir, pour ne pas dire l'élever» ( Gabriel Garcia Marquez, cité par l'auteur, p 78), «Le patriotisme, c'est l'amour des siens. Le nationalisme, c'est la haine des autres» ( Romain Gary, cité par l'auteur, p 87), « La jouissance intellectuelle et narrative se loge dans le fait de s'appesantir sur l'accessoire pour faire venir d'un coup l'essentiel» (p 112), «Toute personne est un roman quand on se donne la peine de s'arrêter pour l'écouter» (p 114) , « Boumediène était-il un dictateur ? Ce que je peux dire avec certitude, c'est que le projet national qu'il exaltait tournait comme une toupie sur une terre tapissée d'ennui» (p 155) PS : Un concours international de lecture intitulé «Défi de la lecture arabe», en direction des élèves de l'Education nationale, tous paliers confondus, sera organisé prochainement. Il est doté d'un prix de 150 000 dollars Us... Chaque candidat devra lire 50 livres ou ouvrages, tous titres confondus, et les résumer dans un carnet officiel («passeport»). La course est lancée et plusieurs inspecteurs vont sillonner tout le pays. A oui ! Le concours est organisé par l'Etat des Emirats arabes unis. Problème ? Trouver les (bons) ouvrages. Pour un enfant ou un jeune homme inhabitué à la lecture, face à des bibliothèques rachitiques et à des librairies introuvables, pas facile ! Un parcours du combattant qui va, de plus, gêner le (bon) déroulement de la scolarité. A cette allure, on va se retrouver avec un «Iqraa oua chabab» dans les écoles, collèges et lycées. Au moins, on apprendra aux gosses l'appât du gain. |
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