Les prisonniers algériens de Guantanamo et les moines de Tibéhirine ont été au centre de la conférence de presse
conjointe, entre la ministre française de la Justice, Christiane Taubira,
en visite en Algérie, et son homologue Tayeb Louh. Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux a affirmé, hier, que
huit Algériens sont encore détenus, sans procès, dans la base américaine de
Guantanamo, à Cuba. Un dossier chaud entre Alger et Washington, depuis des
années, à cause des 26 Algériens emprisonnés, au départ, à Guantanamo dont la
plupart ont été arrêtés en «Afghanistan pour accointance avec le terrorisme», a
précisé Louh. 18 prisonniers ont été transférés, en
Algérie, et déférés devant la justice qui en avait acquitté certains et
condamné d'autres. «Les procédures judiciaires du transfèrement de ces huit
détenus sont en cours», a annoncé le ministre algérien. Ils étaient, encore, 17
à croupir dans les geôles du tristement célèbre camp de détention de
Guantanamo, en 2008, alors sur le point de fermer ses portes. Implantée, depuis
2002, en plein cœur de la base américaine de Guantanamo Bay,
à Cuba, pour y incarcérer les prisonniers accusés de terrorisme, ce camp avait
reçu jusqu'à 770 «pensionnaires». «Nous ne voulons pas être les geôliers du
monde», avait alors déclaré Jeffrey Gordon, le
porte-parole du Pentagone. Depuis les premières fuites sur ce qui se passait
réellement à Guantanamo, des voix n'ont pas cessé de s'élever, dans le monde,
pour demander la fermeture de cet espace de non-droit.
«La principale critique qu'on peut faire de Guantanamo, c'est qu'il s'agit d'un
trou noir juridique», avait affirmé Matthew Waxman, ancien responsable, au sein des départements d'Etat
et de la Défense
et partisan de la fermeture de Guantanamo. Mais les charges les plus pesantes,
sur le camp, sont la torture physique et morale. Une torture dénoncée par la
majorité des prisonniers qui ont témoigné des exactions commises par des
soldats américains. Parmi ces confessions, celles des Algériens de Guantanamo,
dont les plus représentatifs restent les six de Bosnie. Mohamed Nechla, Bensayah Belkacem, Lahmar Saber, Mustafa Aït Idir, Hadj Boudellaa et Lakhdar Boumediene qui ont été arrêtés, le 18 janvier 2002,
par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine, sur la base de soupçons de complot
contre l'ambassade américaine, à Sarajevo, puis remis ensuite aux autorités
américaines, en violation des conventions internationales concernant les droits
de l'Homme. En 2013, Belkacem Bensayah
et Djamel Ameziane refusent d'être rapatriés, en
Algérie, de peur de «subir des abus», selon la défense des deux hommes. Pour
répondre aux craintes exprimées par les deux détenus algériens, Todd Breasseale, un porte-parole du Pentagone, a déclaré que
Washington «prenait toutes les précautions pour mener chaque transfèrement en
accord avec ses critères et sa politique de droits de l'Homme». Bensayah et Ameziane
s'opposaient, de longue date, à leur renvoi en Algérie, le seul pays autorisé
par la loi américaine à recevoir ses citoyens détenus à Guantanamo. Farouk Ksentini, le président de la Commission nationale de
protection des droits de l'Homme, avait estimé que les détenus algériens de
Guantanamo n'avaient commis aucun crime. L'autre point fort de ce point de
presse est l'intervention de Christiane Taubira, à
propos du très controversé dossier sur la mort des sept moines de Tibéhirine. La ministre française a estimé qu'il est temps
d'en finir avec ce dossier, mettant en avant l'aspect humanitaire en évoquant
les familles des disparus, à défaut de s'aventurer sur le terrain juridique.
Elle a, également, parlé de «quelques actes d'expertises» à accomplir, sans
pour autant, préciser leur nature. S'adressant à ces familles, elle a déclaré
qu'«il revient aujourd'hui de poser des paroles sur ces blessures». En octobre
2014, deux magistrats français, Marc Trévidic et
Nathalie Poux, s'étaient rendus en Algérie où ils avaient assisté à
l'exhumation des crânes des religieux, enterrés sur le site du monastère de Tibéhirine, à Médéa. Alger a, cependant, refusé que le juge
Trévidic, alors en charge de l'affaire, rentre en
France avec les prélèvements réalisés sur les dépouilles.