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L'énigme Brahimi

par Kharroubi Habib

Depuis qu'il a subi un AVC, le président Bouteflika n'a à la connaissance de l'opinion publique reçu aucune personnalité nationale n'occupant pas de fonction officielle, hormis le diplomate et ex-ministre des Affaires étrangères Lakhdar Brahimi auquel il accorde audience pratiquement à chacun de ses retours au pays.

En ces temps où le chef de l'Etat est présenté comme étant dans l'incapacité d'exercer sa charge et pour certains séquestré même et empêché d'avoir des contacts en dehors de ceux qu'organise pour lui son proche entourage, les allées et venues de Lakhdar Brahimi à la présidence ont fini par intriguer et par donner lieu à la spéculation. Il en est une que l'on ne peut rejeter comme telle tant ce qu'elle donne à entendre cadre avec le climat de fin de règne auquel le pays est confronté. Ceux qui l'ont échafaudée soutiennent que si Lakhdar Brahimi est si souvent reçu en audience par le chef de l'Etat et que leurs rencontres font l'objet d'une médiatisation n'ayant rien à voir avec le caractère strictement personnel dont la communication officielle les entoure, c'est que le diplomate et ex-ministre des Affaires étrangères serait appelé à jouer un rôle crucial dans la succession telle qu'envisagée par les décideurs.

Selon cette thèse, c'est lui que ces derniers ont choisi pour occuper le poste de vice-président, poste dont Bouteflika aurait fini par en accepter la création au constat que son état de santé pourrait le contraindre à renoncer d'accomplir jusqu'au bout son actuel mandat. Dans le cas d'une vacance impossible à éviter, un vice-président consensuel accédant à la fonction suprême et assurant la continuité constitutionnelle jusqu'à la fin du mandat présidentiel serait apparu à ces décideurs une option moins risquée qu'une élection présidentielle anticipée et leur offrant en tout cas le temps de « voir venir ».

Dans ce scénario, le choix de Lakhdar Brahimi serait absolument judicieux. Le diplomate présente en effet l'avantage d'être une personnalité nationale qui a de l'étoffe et d'être respecté internationalement. De même celui de ne pas avoir été mêlé aux luttes de clans du système et de pas avoir renié celui-ci auquel il a rendu de signalés services. L'option Brahimi peut apparaître inenvisageable à d'aucuns. Mais le système a démontré que pour perdurer il est capable de faire de l'inimaginable pour le citoyen normal, une réalité qu'il impose comme la solution dictée par l'intérêt national.

Quelle que soit en finalité la raison qu'a Bouteflika de recevoir Lakhdar Brahimi, leur dernière rencontre semble avoir été la façon à lui de répondre aux 19 personnalités qui ont agité la scène politico-médiatique en lui adressant une demande d'audience collective dont la justification implicite a été qu'elles voulaient vérifier s'il disposait encore de sa lucidité et que c'est bien lui qui ordonne et décide pour la nation. Il leur a peut-être adressé le message qu'elles peuvent avoir réponse à leur doute et questionnement en la matière en s'adressant à Lakhdar Brahimi qui est aussi respectable et respecté qu'elles, et n'est d'aucun clan du pouvoir.