Les
sénateurs auxquels a été présentée la loi de finances 2016 par le ministre Benkhalfa ont eu raison de s'interroger sur les raisons du
gouvernement de ne pas exclure explicitement les entreprises stratégiques du
champ d'action de l'article 66. Un bémol qui ne les a pas cependant empêchés de
voter la LF. Même
si le ministre des Finances avait pris le soin de préciser, dans son
intervention devant les sénateurs, que «les entreprises stratégiques comme Sonatrach, Sonelgaz, Algérie
Télécom et autres», sont exclues de la liste des entreprises privatisables,
expliquant qu'elles «sont régies par des lois spécifiques empêchant toute
ouverture de leur capital», le président du Forum des chefs d'entreprises (FCE),
Ali Haddad, a une tout autre vision du texte. Evoquant l'article 66 tant
contesté par l'opposition, il affirmera être «favorable à l'ouverture du
capital de Sonatrach et Sonelgaz
et les autres grandes sociétés». Une déclaration lourde de sens et surtout de
sous-entendus, dans une conjoncture politique et sociale tendue.
Pour
beaucoup, Haddad a lancé un ballon d'essai pour voir d'où va venir le vent. La
première réaction est celle d'un géant longtemps endormi, qui a perdu de sa
crédibilité au gré de ses compromissions partisanes. L'UGTA a vivement critiqué
les déclarations du patron du FCE. La réponse virulente de la centrale
syndicale renseigne de l'importance du dossier et ses conséquences sur tout le
pays. L'UGTA, par l'entremise de son secrétaire national chargé des relations
générales avec les partis politiques et les associations, ne laisse aucun doute
sur sa position, elle qui a longtemps cultivé l'attentisme et le silence devant
les responsabilités qui lui incombent. Ce «il ne faut pas délirer ou simplement
rêver de la privatisation de Sonatrach ou Sonelgaz, ou même les autres entreprises publiques» de
Ahmed Guetiche, résume superbement, et à lui seul, le
sentiment du premier syndicat du pays. Derrière la voix du secrétaire national,
on aura deviné la bénédiction de Sidi Saïd sans qui rien ne se fait dans la Maison du 1er Mai. Le ton
ferme et consciente de sa prétendue force ouvrière, l'UGTA
menace : «Attention, si vous avez dans votre subconscient de vendre l'Algérie,
attendez-vous à des chocs qui vont vous faire mal», une mise au point adressée
à Haddad. Si les députés de l'opposition, Hanoune en
tête, avaient dénoncé cet article sans pour autant lui faire barrage, l'UGTA, lui, sort les griffes et menace. Il est vrai qu'avec
la mouture littéraire du texte, qui laisse libre cours aux interprétations sur
mesure malgré les explications, rappelons-le encore de Bouchouareb
et Benkhelfa, les Algériens ne sont pas à l'abri
d'une offensive sauvage de «l'oligarchie» pour forcer la main au gouvernement et
extrapoler comme elle l'entend sur l'article 66.