Dans
les pays où la soumission au rouleau compresseur du Far West est une évidence,
les gens n'excellent que dans le commérage de concierges, s'entre-déchirent les
haillons qu'ils portent, se donnent les coups sous le nombril, fiers comme des
coqs qui coquelinent tôt le matin pour faire croire aux crédules que c'est eux
qui télécommandent le soleil. En réalité, leur seul souci est de se placer au
plus haut de la pyramide alimentaire pour s'accaparer tous les étages. Champignons
sauvages des saisons humides ou génération spontanée qui dément Pasteur ? En
tous cas, ils sont là, ils s'arrogent tous les artifices pour étendre leurs
tentacules d'oligarques. Ils miment les vrais capitaines d'industrie, les
patrons du CAC 40, le Nasdaq est du chinois pour eux. Un mauvais souvenir les
dissuade d'avoir, pour le moment, des banques en leurs noms. Ils ont tout pris.
Ils ne donnent rien. Ils sont dans l'ostentation. Le capital ne se cache plus,
il est partout visible et arrogant. Il est aujourd'hui, plus que jamais,
menaçant pour les équilibres symbiotiques sur lesquels reposent les fondements
de la paix sociale et l'avenir des peuples. Pour leurs gourous, ceux qui ont la
mainmise sur les richesses des nations, l'Homme n'a jamais été leur centre
d'intérêt. Le dollar est leur seul Dieu. La prédation est leur vraie nature
expansive. La diversité sociale restreint leur espace vital. Le repli ethnique
est un suicide collectif. L'échappatoire identitaire est une naïveté létale. Le
multiculturalisme s'étiole et régresse et disparaîtra le jour venu. La
globalisation efface les spécificités sociétales au profit de l'empire
marchand, élimine tous les « parasites » et tous les « hôtes commensaux » de
leur monde bionique. La solution finale ! Noé n'est pas une légende biblique
racontée aux croyants, mais leur profonde inspiration. Ils préparent l'arche.
Au moment du déluge, les sans-défense
devront quitter le bateau sans gilets de sauvetage. Les autoproclamés maîtres
de leurs semblables envisagent de peupler, seuls et sans partage, la planète
pour l'éternité cosmique. S'il le faut, ils iront sur Mars et de là, plus loin
encore, enjambant Pégase vers Proxima du Centaure. Le vieillissement n'est pas
une fatalité pour eux, la mort sera poussée aux prolongations. La révolution
NBIC (nanotechnologies, biologie, informatique et sciences cognitives) n'est
plus une fiction dans les sous-sols secrets du Google
X Lab. Le monde virtuel est déjà invité dans le monde réel. L'ubérisation, une des étapes nécessaire pour assener le coup
fatal au prolétariat, jadis cher à l'égalitarisme utopique, a fait son entrée
dans le monde préparé à la précarité et à la servitude. Uber
(entreprise technologique qui développe et exploite des applications mobiles de
mise en contact des clients et des prestataires de service) supplante les
intermédiaires dans l'économie de service et bouleverse tous les modèles
économiques traditionnels. Appeler un taxi, trouver un médecin, emprunter de
l'argent, vendre son appartement, etc., désormais, tout se fera de particulier
à particulier à travers la plateforme Uber. Pour
survivre, même les grandes chaînes d'hôtels de luxe, les prestigieuses
compagnies aériennes, des banques y sont déjà. Tout passera par les smartphones. Travis Kalanick, son PDG californien, est devenu le plus grand
patron du monde des services. C'est la fin des petits artisans affranchis, des
fonctionnaires jusqu'à l'âge de la retraite et des employés en CDI. Le travail
à la tâche devient la norme. Les petits boulots accroissent la servitude. La
récréation est terminée, le monde retourne à la féodalité. L'espace se clive en
deux couches sociales : seulement une poignée de seigneurs très puissants et
des kyrielles de serfs paupérisés et délaissés sur le quai du dépérissement. Les
liens de la faction des argentés sont plus forts que ceux du sang. Pour eux, la
patrie est une chimère, elle n'est qu'une marchandise monnayable au mercato des faiseurs de printemps qui ne fleuriront nulle
part. Quel paysage post-apocalyptique préparent-ils aux survivants de la énième
tragédie ? Le manichéisme ne fait pas dans la demi-mesure chez ces barons.
Marche ou crève, c'est la certitude darwinienne. La jungle appartient aux plus
forts et aux plus rusés, le reste n'est qu'une proie facile pour le tube
digestif recycleur écologique. Comme disait Franklin Roosevelt : «En politique,
rien n'arrive par hasard, chaque fois qu'un évènement survient, on peut être
certain qu'il avait été prévu pour se dérouler ainsi».