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La lutte anti-terroriste vue par Riyad

par Moncef Wafi

L'Arabie saoudite veut coûte que coûte cristal-liser à son niveau la lutte contre le terrorisme, un terrorisme vu à travers sa logique politique et son appétit de leadership régional. Déjà aux commandes d'une coalition militaire arabe controversée qui frappe sans distinctions les houtis chiites au Yémen, Riyad a annoncé une coalition élargie à 34 pays musulmans, majoritairement sunnites, membres de l'Organisation de la Coopération islamique (OCI), basée à Djedda, dans l'ouest du royaume wahhabite. L'objectif de ce nouveau front est de «combattre le terrorisme militairement et idéologiquement» et «soutenir les opérations militaires dans la lutte contre le terrorisme», selon la version officielle.

Première remarque à faire, c'est l'absence de pays «ennemis» dans la perception saoudienne, comme l'Iran, ce qui n'est pas une surprise en soi, la Syrie de Bachar Al-Assad et l'Irak. L'Algérie ne fait également pas partie de cette liste puisque ayant déjà refusé de participer aux frappes sur le Yémen au nom de sa politique de non-ingérence.

Cette volonté de tout contrôler s'affirme dans l'emplacement géographique du centre de commandement basé à Riyad et à son programme guerrier. En effet, interrogé sur la priorité des cibles de cette coalition, le ministre saoudien de la Défense a répondu combattre toute organisation terroriste qui fait son apparition «dans le monde musulman» sans prioriser davantage Daech. Parmi les pays ou les régions confrontés au terrorisme, et susceptibles de faire partie du plan de bataille de cette force islamique, la Syrie et l'Irak, pays où l'aviation saoudienne est déjà présente, le Sinaï (Egypte), le Yémen, la Libye, le Mali, le Nigeria, le Pakistan et l'Afghanistan. C'est dire l'étendue du champ d'action de la coalition sous commandement saoudien.

Pourtant, difficile de signer un blanc-seing pour un pays qui a toujours entretenu le flou autour de ces relations prétendues ou avérées avec certains groupes terroristes. Le cas de Daech est illustratif de ce jeu trouble des Saoudiens qui ont toléré, voire encouragé, l'organisation de Abou Bakr Al-Baghdadi lorsque ses hommes mettaient à feu et à sang les pays arabes. Il aura fallu que les attentats terroristes touchent la France ou encore les Etats-Unis d'Amérique pour voir les Saoudiens changer d'attitude et offrir leur partenariat dans la lutte mondiale contre le terrorisme. C'est à s'interroger sérieusement sur les desseins des wahhabites, discrets à mort lorsque des milliers de musulmans se faisaient massacrer par les Tuniques noires de Daech en Syrie, en Irak ou en Libye. Cette force intervient alors que Washington fait le forcing pour l'envoi des troupes au sol, notamment arabes, pour combattre efficacement les djihadistes de Daech. De là à dire que les Saoudiens préparent de la chair à canon pour les Occidentaux?!