Ils
ont augmenté l'essence, la vignette et vont nous étrangler avec les péages,
alors, soit qu'il en soit ainsi, mais nous, de notre côté, on ne prendra plus
la voiture. On remisera les clés au fond d'un tiroir, on jettera un dernier
coup d'œil tendre et mélancolique à notre bagnole et on marchera. A défaut
d'être un peuple en marche, nous deviendrons un peuple qui marche pour ne pas
cautionner leurs hausses sur notre dos déjà cassé par le poids de ces hommes au
pouvoir qui ont répudié la
République. Nous marcherons jusqu'à en crever la gueule
ouverte comme cette sardine qu'on ne pourra plus manger parce qu'elle sera trop
chère pour nos poches trouées. Déjà qu'en temps normal, elle faisait jusqu'à
700 dinars le kilo, alors avec l'augmentation du prix du gas-oil, on devra
acheter le kilo par facilité. Tout sera cher et inabordable, vous dis-je. Nous
marcherons jusqu'à El Mouradia pour demander à Bouteflika d'avoir pitié de nos enfants, de le conjurer de
dissoudre l'APN et le Sénat puisque ces gens-là ne
représentent que leur reflet repu, leurs familles et leurs tuteurs. Puisqu'ils
ne payent pas l'essence, ni l'électricité, ni les médicaments, ni le téléphone.
Ils sont grassement rémunérés pour ne rien faire sauf faire semblant et qu'ils
causent le plus grand malentendu de l'histoire. A cause d'eux, on nous prend
pour un pays démocratique, alors, nous marcherons de Tamanrasset, de Maghnia, nous traverserons les vallées et escaladerons les
montagnes pour exiger leur départ. «Partez messieurs-dames
puisque vous ne servez à rien !», chanterons-nous. Et avec leur argent, leurs
affaires, leurs fortunes ramassées en cinq ans, nous pourrons nous acheter des
pompes toutes neuves et des chaussettes, deux paires pour chacun, pour
continuer à marcher jusqu'aux oreilles de Bouteflika.
Il sera obligé de nous entendre. On ne sera pas 19, mais 39 millions de paires
de jambes qui frappent le sol en même temps. Les autres auront peur de cette
foule de pieds en mouvement, de ces godasses qui raclent le béton, de cette
marche pour la liberté de dire non. Non à Saadani.
Non à Ouyahia. Non à Hanoune.
Non à Haddad. Non à Benflis. Non à Mokri. Non à Benyounès. Non à
tous ceux qui parlent au nom de nos sandales et qui croient personnifier
l'Algérie. On marchera jusqu'à ce que nos orteils soient mangés par le béton et
que nos chevilles soient sciées par la fatigue puisqu'il ne nous restera que
nos pieds comme moyen de transport. Profitons alors de nos pieds en attendant
qu'ils taxent la marche en 2017.