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L'UE PIEGEE, DESSOUS D'UN ACCORD ILLEGAL

par Mahdi Boukhalfa

L'Union européenne a été piégée. L'annulation de l'accord agricole conclu en 2012 au forceps avec le Maroc, qui y a inclus le territoire non autonome du Sahara Occidental, est symptomatique de la fuite en avant de certains de ses pays membres, la France au premier rang, qui vend depuis quelques années pour un peu plus de 500 millions d'euros d'armes au Maroc. L'annulation par la Cour de justice européenne de cet accord montre combien le chemin est long pour les Sahraouis pour arriver un jour à aller voter pour leur indépendance. Car ce qui est désolant dans la conclusion de cet accord illégal et illégitime, tout à fait contraire à la morale et aux principes qui font avancer l'humanité, est que les Européens y tiennent, même s'ils savent que le Maroc occupe militairement ce territoire qui n'est pas le sien. Que Rabat est une puissance colonisatrice au Sahara Occidental, et partant que le respect des droits de l'homme, leur violation et le musellement des libertés dans ce territoire ne sont absolument pas ignorés. Ce qui se passe au Sahara Occidental est loin des campagnes médiatiques financées par Bruxelles et ses pays membres pour imposer leur notion des droits de l'homme et des libertés.

D'autant que l'arrêt de la Cour de justice européenne met Bruxelles devant ses responsabilités, et ses pays membres ne peuvent dire qu'ils ne savent pas ce qui se passe au Sahara Occidental. D'autant que le Maroc est encore une fois épinglé officiellement par une institution européenne pour sa politique de bradage des potentialités économiques du territoire qu'il occupe et qu'il fait traîner les négociations pour la tenue d'un référendum pour ce territoire. Mais, plus grave est la position officielle de l'UE, qui compte faire appel de l'arrêt décision de la Cour de justice européenne. C'est Federica Mogherini, la chef de la diplomatie européenne elle-même, qui en a fait l'annonce. La lutte contre le terrorisme, Daech et les vieux démons de l'Europe passe-t-elle donc par un déni de justice envers un peuple opprimé, spolié de ses richesses, martyrisé ?

Pour l'UE, il est clair que la priorité n'est pas tant celle de faire respecter les droits de l'homme et l'application des résolutions de l'ONU dans ce territoire, mais de soutenir une puissance occupante pour services rendus. Les dessous de l'accord agricole conclu en 2012 après sept ans de négociations avec le Maroc montrent toute l'hypocrisie de l'UE qui est allée négocier à Rabat, sans considération aux Sahraouis, une sorte de paix des braves avec les agriculteurs européens y compris les tumultueux éleveurs, sans considération aucune, ni politique et encore moins morale sur l'objet réel du deal avec le Makhzen. En fait, cet accord a procuré aux agriculteurs et exportateurs marocains des rentrées annuelles, depuis 2012, d'un milliard de dirhams (environ 900 millions d'euros), ce qui correspond au différentiel entre le gain réel qui est de 1,7 milliard et les retombées des concessions accordées à l'UE de 700 millions de dirhams.

Dès la première année, ce même accord a permis au Maroc de dégager un gain fiscal d'environ 285 millions de Dh. Pourquoi ? Parce que les opérateurs marocains économisent 362 millions de Dh en droits de douane à la faveur des conditions préférentielles et que les exportateurs européens auront à débourser 77,3 millions de Dh de moins. Par ailleurs, le processus de libéralisation sur 10 ans permettra aux exportateurs marocains d'économiser jusqu'à 1,7 milliard de Dh en droits de douane par an et 865 millions de Dh pour les opérateurs de l'UE. Un accord donc très rentable pour l'UE, qui permet également de donner des débouchés aux éleveurs et producteurs de lait européen, ainsi que l'assurance de produits frais à moindre coût social et à moins de 60 minutes de vol de l'Europe, issus des exploitations agricoles installées au Sahara Occidental occupé. L'appel de la décision de la CJUE, annoncé par Mogherini, devient dès lors pathétique.