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La situation
effleurait le surréalisme, mercredi 9 décembre, au cabinet du maire d'Oran.
Qu'on en juge : la question «élémentaire» de savoir à combien se chiffrent les
créances de la commune, posée par le président de l'APC
à l'ouverture d'audience, est restée entière jusqu'à l'épuisement de l'ordre du
jour.
Tous les responsables communaux qui étaient autour de la table, élus et administratifs, savaient pertinemment que le cumul non perçu était «très important», mais personne n'en avait un chiffre. Ce «mystère», le seul, peut-être, qui en possédait la clé, le trésorier communal en l'occurrence, a brillé par son absence. Retenu par un autre rendez-vous professionnel, ce responsable, à qui incombent les missions du recouvrement des revenus de la commune et tous les montants qui lui sont dus et de l'acquittement des dépenses ordonnancées, a bien pris le soin de déléguer quelqu'un en réponse à l'invitation du maire. Sauf que... le chef de service mandaté n'était pas en mesure d'éclairer le conseil communal sur les points essentiels. Pas plus que les régisseurs municipaux d'ailleurs, qui se sont fait discrets tout au long de la réunion. Bref, Noureddine Boukhatem et son équipe avaient en face d'eux un tableau de bord flou, voire sombre. Le premier responsable de la ville l'a reconnu. «On navigue à vue. On ne sait plus qui fait quoi. On ne peut plus continuer comme ça. «, a-t-il lâché. C'est là où gît le lièvre. L'ardoise est tellement embrouillée, l'état comptable et le sommier de consistance si obsolètes, qu'on ne sait plus, du moins avec exactitude, qui doit combien à la commune. L'actualisation des bases de données patrimoniales et comptables est donc le premier acte pour l'assainissement du passif et la mise en place d'un système de recouvrement efficace. La révision du tarif de location (loyer du bail d'habitation et du bail commercial), qui date des années 80, s'impose aussi, tout autant que la révision des contrats de concession qui devront contenir une clause d'indexation automatique du montant du loyer. Mais «il y a loin de la coupe aux lèvres» tant le chemin est long entre ce projet et son aboutissement. Le maire y croit, en tout cas. Certains membres de son staff un peu moins, apparemment. Qu'importe, la machine a été mise en branle et chacun, qu'il y croit ou pas, aura à rendre des comptes devant l'assemblée. C'est la mise en garde, adressée par M. Boukhatem à toute l'équipe, dans un contexte où le budget communal (500 milliards), au taux de fonctionnement exorbitant (81%), ne répond plus aux besoins d'une ville en plein processus de métropolisation. LE PARADIS FISCAL, OU PRESQUE C'est que la collectivité, en panne d'imagination et par manque de volonté, ne fait pas fructifier toutes ses ressources financières. La commune la plus nantie du pays, au lieu de s'autofinancer et de donner même un coup de main aux autres municipalités dans l'esprit de la mutualisation des moyens et de la solidarité intercommunale, en est toujours à dépendre, partiellement en tout cas, des subventions de la wilaya et du FCCL. Abondance de biens ne nuit pas. «Qu'on m'explique ça ! On loue des gares, des parkings, des stades, des salles... à des gens qui gagnent des milliards mais qui ne nous payent pas. Sur nos espaces, et parfois avec nos moyens, on fait des activités, du commerce, du bazar, de l'animation, de la pub... mais on ne paye pas un sou? ». C'est la boutade du maire, qui en dit long sur le laxisme municipal en matière de perception de droits et taxes, en général. Tout sera passé au peigne fin, a-t-il affirmé. Un état des lieux, dossier par dossier, chapitre par chapitre, suivi par des décisions prises séance tenante ou après un temps d'étude, sera dressé tous les quinze jours au cabinet du maire, en présence du trésorier communal et sous la présidence de l'ordonnateur, le maire. Positiviste -en dépit d'un tableau qui ne suscite guère satisfaction- le secrétaire général de la commune, Benaoumer Fekha, quant à lui, a tenu à souligner que «cette réunion n'est pas un fait fortuit de l'agenda, mais trouve sa raison d'être dans l'amélioration réalisée en termes de recettes, qui sont passées d'un total de 13,9 milliards au titre de l'exercice 2015 à un total prévisionnel de 30 milliards en 2016". Pour lui, «pourquoi aller vers la justice pour récupérer les dus de la commune, avec tous les hypothétiques et les lourdeurs de cette piste, alors que le trésorier communal a toutes les prérogatives légales à même de contraindre les débiteurs à payer rubis sur l'ongle ?». D'où une raison de plus pour un plan d'action conjoint APC-Administration-Trésorerie afin d'atteindre l'objectif d'encaissement. Pour la fiscalité (les taxes de la TAP, la TFVA, la TVA, l'IRG foncier, l'IFU), les recettes au titre de l'exercice 2016, doté d'un BP de 501 milliards (soit un déficit budgétaire de 87 milliards par rapport à 2015), s'élèvent à 400 milliards, soit une régression de 17 milliards par rapport à 2015. Le recouvrement direct de la commune, pour sa part, accuse un déficit de 70,8 milliards. LA COMMUNE BOUFFE 90% DE SON BP POUR FONCTIONNER Mais cela a une explication. Alors que les revenus en termes de taxe d'abattage demeurent invariables (900 millions, plutôt dérisoire par rapport à ce que ce créneau peut et doit produire), et que ceux liés à la taxe de séjour passent de 3 à 9,8 milliards (mais toujours loin de l'objectif compte tenu du parc hôtelier actuel et du taux de remplissage), et que la recette générée par le patrimoine communal saute de 13,9 à 30 milliards, on enregistre en revanche une reculade de 16,8 milliards due aux 40% de la subvention pour faire face à l'augmentation des salaires et un autre manque plus énorme de 77 milliards lié aux 50% de la moins-value 2015 (inscription par anticipation). Les recettes du patrimoine communal au titre du BP 2016, même s'ils ont plus que doublé par rapport à 2015, restent cependant à mille lieues du potentiel de la ville d'Oran. A la lecture du tableau, pas besoin de sortir de Saint Cyr pour détecter un sous-recouvrement conjugué, il est vrai, à une sous-tarification des loyers. Voici quelques chiffres pour s'en rendre compte : pour le chapitre 712 qui englobe la voie publique, les terrasses, les kiosques, les toilettes publiques, les deux gares routières, les locaux DAE et les taxes sur le permis de construire, la commune n'a ramassé, au tout et pour le tout, que 8,6 milliards. Soit à peu près ce que lui doit le concessionnaire des deux agences de Castor et d'El-Hamri. Les droits de voiries DVC et SU : 900 millions (seulement). La billetterie générée par la location et l'abonnement des stades et autres salles de sports, elle aussi, est un pactole quasi délaissé : 400 millions. Les autres sources, au gré des chapitres, ne sont pas en reste : conservatoire municipal (8 millions), centres culturels (1 milliard), la fourrière communale auto et DHA (800 millions), logements loués par le DRG (800 millions)... |
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