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Droits de l'homme : Les libertés civiles menacées en Algérie

par M. Aziza

Les libertés civiles sont de plus en plus menacées en Algérie. Il y a eu cette année encore, une intensification de la répression de la liberté d'expression, notamment pour ceux «qui critiquent le gouvernement», que ce soit à travers la presse, sur Facebook, ou à travers des rassemblements et des manifestations pacifiques.

Tel est le rapport présenté hier, par les militants d'Amnesty Algérie, hier, à Alger, en cette Journée internationale des droits de l'homme, en appelant les autorités du pays d'arrêter de prendre pour cible ceux qui critiquent le gouvernement.

La directrice d'Amnesty Algérie, Hassina Oussedik, a affirmé que malgré les obligations que le pays est tenu de respecter en matière de droits humains, cette année encore, les autorités algériennes recourent aux tribunaux pour réduire les dissidents au silence, invoquant diverses lois répressives. Ils utilisent des dispositions du code pénal érigeant en infraction l'«outrage», l'«injure» ou la diffamation visant les représentants de l'Etat et d'autres institutions, afin de restreindre la liberté d'expression.

Rien que pour cette année, un bon nombre de personnes ont été poursuivies par la justice, pour des publications sur facebook, des dessins humoristiques ou pour leur participation dans des rassemblements et manifestations pacifiques, a affirmé Mme Oussedik.

Elle a cité quelques cas à l'exemple du dessinateur Tahar Djehiche d'El Oued qui a été condamné à six mois de prison et une amende de 500 000 dinars, pour atteinte au président de la République, à travers un dessin. Le cas également du militant pour la jeunesse, Okacha Mehda, poursuivi après avoir publié sur facebook des policiers chargeant dans leur voiture des choux-fleurs. Ainsi que des militants du comité des chômeurs ayant pris part aux manifestations contre l'exploitation du gaz de schiste au sud du pays. Elle précise que douze manifestants pacifiques d'El Oued et de Tamanrasset ont été condamnés à des peines de prison, et un militant en faveur des droits humains encourt la peine de mort. Amnesty considère que ces prisonniers sont des «prisonniers d'opinion».

Interrogé sur les déclarations assez «virulentes» enregistrées sur la scène politique, pour savoir s'il s'agit d'un signe de liberté d'expression ou signe de dérive, Oussedik répond qu'il faut d'abord faire la distinction entre défendre des idées et des principes, exprimer une opinion, un avis, commenter, faire des lectures et analyser et susciter un débat contradictoire et interactif, et l'insulte et l'injure.

Pour elle, il ne faut pas se focaliser sur des cas d'exception. Et d'expliquer que «cette virulence» dans les déclarations faites publiquement est due tout simplement au manque d'espaces du dialogue, de communication et d?expression en Algérie. Elle concède qu'en fait les Algériens ne sont pas habitués à la liberté d'expression, «bien que nous ayons enregistré des avancées, mais le chemin reste encore très long». Elle précise que le fait que les autorités refusent aux associations et à certains partis politiques des autorisations pour des réunions, ou des rassemblements, cela crée une espèce de frustration et un sentiment de mépris chez le demandeur. Ce sentiment de mépris pousse certains à être virulent dans leurs discours et refusent d'écouter les autres.

«CONTRE LE PARDON»

En ce qui concerne le projet de loi criminalisant les violences à l'encontre des femmes, qui devrait être débattu au Sénat, après un blocage de plusieurs mois, Amnesty considère que malgré certaines avancées, cette loi est en fait «une simple modification». Une modification de certains points, qui ne reflète pas une approche globale du phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur dans notre pays et partout ailleurs, dans le monde. Hassina Oussedik réclame «une loi cadre qui englobe l'ensemble des actes de violence contre les femmes, y compris la violence morale».

Elle a également exprimé son rejet de la clause du pardon, qui prévoit l'extinction de toute poursuite contre un homme qui a battu sa femme, si cette dernière décide de lui pardonner. Elle explique que le rapport de dominance, notamment si la femme est fragile économiquement, obligera la femme à pardonner. «Ce pardon ne sera jamais volontaire».