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Augmentations des prix : Les choix risqués du gouvernement

par Abed Charef

Le gouvernement ne veut pas changer de matrice économique. Il cherche de nouvelles recettes fiscales, mais s'accroche au même modèle.

Rattrapé par le déficit budgétaire, le gouvernement prépare l'opinion algérienne à une salve d'augmentations, dès le début de l'année prochaine Les subventions sont, clairement visées, mais en ordre dispersé. Carburant, électricité, produits alimentaires sont en cause. Les entreprises et les administrations, de différents secteurs, ont été invitées à faire des propositions pour une révision générale des prix à introduire dans la loi de finances 2016.

Dans sa démarche, le gouvernement trouve le terrain, largement, préparé. Les subventions, qui atteignent 28 à 30% du PIB, sont, sérieusement, critiquées. En cause : leur manque d'équité, leur inefficacité et le gaspillage auquel elles donnent lieu. Un discours bien rôdé, véhiculé, aussi bien, par des acteurs, plus ou moins, indépendants que par des cercles proches du pouvoir et des milieux d'affaires, relève tous les dysfonctionnements, réels qui résultent de ces subventions. L'Algérie est, ainsi, le seul pays, au monde, où s'est développé un véritable marché du pain rassis, avec collecteurs, grossistes et consommateurs. Importées au prix fort, les céréales finissent en aliment pour le bétail.

Dans le même ordre d'idées, le carburant, subventionné à près de 75% de son prix réel, alimente toutes les zones frontalières, dans les pays voisins, grâce à un trafic très prospère. Le gasoil, dont les importations se sont élevées à trois milliards de dollars, est particulièrement visé. Ces déperditions étaient connues, et certaines d'entre elles évaluées de manière correcte. Experts, think-tanks, économistes, partis politiques, tout le monde s'était prononcé sur le sujet.

PRENDRE LE VIRAGE DANS L'URGENCE

Le gouvernement savait, lui aussi, mais il a refusé d'agir, pendant de longues années, lorsqu'il avait les moyens financiers d'amortir le choc. Choix politique, incapacité de mettre en place des instruments de régulation plus efficaces, incompétence crasse, peu importent les raisons. Les résultats sont là. Le pays a appris à fonctionner avec un modèle si débridé qu'il était devenu dangereux pour les équilibres financiers du pays. Au final, c'est la baisse des revenus de l'Etat qui a forcé le gouvernement à revoir sa copie. Initialement, il n'avait ni la volonté de le faire, ni la vision nécessaire pour envisager un modèle alternatif. Même quand le prix du pétrole a commencé à glisser, dangereusement, entre l'été et l'automne 2014, le gouvernement continuait à répéter qu'il n'y avait pas de problème, et que l'Etat maintiendrait tous les dispositifs en place. Aujourd'hui, il est contraint de prendre le virage en toute urgence, et de remettre en cause ses propres projets, pourtant annoncés en grande pompe. Mais, le plus inquiétant, dans cette démarche, c'est le fait que le gouvernement n'a pas changé de matrice. Il est, toujours, dans son ancienne vision de bricolage économique. Ses directives aux administrations et aux entreprises publiques le montrent clairement. Il leur recommande de ne plus s'engager dans de nouveaux investissements, et de lui présenter des formules pour rogner dans les subventions, tout en restant dans des marges supportables pour les consommateurs. La ligne rouge, c'est la menace contre la paix sociale. Les conséquences économiques sont secondaires.

INCOHERENCE

L'exemple de l'énergie est édifiant. Il était attendu du gouvernement qu'il définisse une politique énergétique, et qu'il utilise, éventuellement, les prix, qu'il les manipule, pour orienter la consommation, dans la direction souhaitée. Le gouvernement pouvait partir de quelques constats : la consommation augmente trop vite, elle coûte trop cher, et s'oriente vers un gasoil polluant et encore plus coûteux, car importé. Le bon sens voudrait que le pays, riche en gaz, oriente la consommation vers le GPL, et ensuite vers les carburants produits, localement, et non polluants. Cette logique définit, à elle seule, les aménagements qu'il faudrait introduire dans les prix : une augmentation générale et progressive des prix pour contenir l'augmentation de la consommation ; le maintien d'un GPL à bon marché ; des carburants traditionnels propres, un peu plus chers, et un diesel surtaxé.

Le gouvernement n'est pas allé dans cette démarche. Il s'est contenté d'augmenter les taxes, de manière à ce que les implications ne constituent pas une menace pour la stabilité sociale. Son objectif est de trouver des ressources fiscales supplémentaires, pas d'introduire la rationalité dans la politique énergétique du pays. Les mesures qu'il envisage vont, donc, avoir des effets contradictoires, mais elles n'auront pas d'impact significatif sur le niveau de consommation, ni sur la nature du parc automobile.

Ce choix est risqué. Très risqué. Il peut soit déboucher sur une augmentation de la tension sociale. A l'inverse, si les hausses de prix se passent dans le calme, le gouvernement sera rapidement tenté de décider de nouvelles augmentations des prix. Indéfiniment. Jusqu'à l'explosion. Ce qui revient à dire que le gouvernement va payer, mais pour rien.