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La révision de l'actuelle politique des subventions des produits de
base et l'encouragement de la productivité ont été vivement recommandés à
l'issue de la table ronde organisée par le Conseil national économique et
social (CNES) autour de l'émergence de l'économie nationale. Des académiciens
et experts, réunis dimanche, ont ainsi considéré insoutenable que l'Algérie
continue à subventionner, de façon indirecte (hors budget de l'Etat), le gasoil
et l'électricité, ou de façon directe, la baguette de pain et le sachet de lait
par exemple, aussi bien au profit des pauvres que des riches, des producteurs
que des importateurs. « Le régime de subventions devrait être scrupuleusement
adapté à la stratégie économique globale. On ne peut pas continuer à soutenir
toutes les activités de la même manière », a recommandé Youcef Benabdallah,
chercheur au Cread (Centre de recherche en économie appliquée pour le
développement).
Alors que les chiffres sur les subventions implicites (non budgétisées) ne sont pas officiellement communiqués en Algérie, une étude du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a montré que l'Algérie figurait, en 2010, parmi les pays arabes qui subventionnent le plus les produits énergétiques. Avec des subventions directes représentant presque un quart du budget de l'Etat et 13% du PIB national, le taux global des subventions atteindrait 30% du PIB, selon les données communiquées par les experts. « Les subventions explicites et implicites représentent 30% du PIB algérien, soit 60 milliards de dollars, pourquoi on ne récupère pas 10% de ce montant pour le réinjecter dans le budget », s'est interrogé M. Benabdellah qui estime que « les riches doivent accepter de payer (les prix réels) », proposant aussi d'imposer un système de subventions « discriminant » qui favorise les producteurs de richesse, sur la base de trois critères que sont la valeur ajoutée, le taux d'exportation et le taux d'utilisation de la technologie. Le même expert regrette le fait que « toutes les branches économiques affichent un déficit ces 10 dernières années, ce qui veut dire que la demande intérieure est de moins en moins couverte par l'offre locale ». Il propose, pour sortir de l'économie rentière, de revenir en force à l'industrie et à l'industrialisation, mais également de détacher complètement le budget de fonctionnement des recettes pétrolières et de transformer le FRR (Fonds de régulation des recettes) en fonds d'épargne qui n'aura pas la vocation de couvrir le déficit budgétaire. M. Benabdellah et d'autres chercheurs ont appelé le gouvernement à accorder plus d'attention à la microéconomie, donc à la productivité, et ne pas continuer à «vanter» les chiffres d'une macroéconomie temporairement euphorisante. « L'analyse économique est tronquée en Algérie car elle est «pétrolisée», la macroéconomie est tellement bonne qu'elle est là pour couvrir tous les déficits et la microéconomie se retrouve inhibée, bien cachée, voire exonérée de la productivité», a-t-il regretté. ELABORER UN SYSTEME D'INFORMATION FIABLE De son côté, le chercheur au Cread et professeur à l'Université d'Oran, Rafik Bouklia Hassene, a mis l'accent sur la nécessaire diversification économique en rappelant que la part de l'Industrie dans le PIB algérien ne dépassait pas les 5%. « Parmi tous les pays producteurs de pétrole, seuls le Mexique et l'Indonésie ont réussi leur diversification économique », a-t-il fait remarquer en ajoutant : « Ce sont donc des transformations structurelles très dures qu'il faut opérer en Algérie pour arriver à cette diversification ». Il a ensuite préconisé au gouvernement des études approfondies sur l'impact des mesures économiques engagées sur la production. « On nous dit que les licences d'importations ou un taux de change en baisse, par exemple, profiteront à la production, mais on ne sait pas vraiment s'il s'agira de freins ou de moteurs pour l'industrie », craint-il. Pour Ali Boukrami, économiste et ancien ministre, même la croissance hors hydrocarbures dont parle le gouvernement n'est à présent «qu'une illusion». « L'ensemble des exportations algériennes proviennent des hydrocarbures, car les exportations dites hors hydrocarbures sont en réalité des dérivés des hydrocarbures alors que la fiscalité dite ordinaire est tirée des impôts sur le revenu et sur les importations, c'est surtout l'Etat qui est en train de payer l'impôt », a-t-il ajouté. Les experts étaient par ailleurs nombreux à déplorer la difficulté, parfois l'impossibilité, d'accéder à l'information économique et ont sollicité le gouvernement pour l'élaboration d'un système d'information fiable qui puisse servir de « système de clignotants » pour aider à une prise de décision rationnelle. «Si l'on prend l'indice des prix à la consommation par exemple, il est indexé sur un coefficient de pondération datant de 2001, comment voulez-vous que les chiffres sur l'inflation soient fiables avec un tel retard ?», s'est exclamé M. Hammouda, un autre chercheur au Cread. |
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