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Les vraies priorités

par Boutaraa Farid *

Si les humains vivent des moments de peur et de panique, c'est parce qu'ils ont délaissé l'essentiel et le durable au profit du secondaire et de l'éphémère. En effet, le quotidien de tant de personnes ressemble étrangement à un poème sans rime. Les bourreaux et les victimes vivent tous dans un enfer. Ils ont appris à ne plus faire confiance en ce temps qui change souvent de couleur. La méfiance s'affiche dans tous les lieux et l'acte traître vient de nos jours des proches amis et non pas uniquement des ennemis et des envieux. L'humanité semble reculer devant tant de défis. Les cœurs prient rien que les jours de tornades et des enterrements. L'humain a perdu sa foi et c'est le plus rusé et le plus fort qui dicte sa loi. Nous vivons un hiver de sentiments. Les rapports sont glacés et malgré l'immensité de la terre, on constate que les gens aiment vivre entassés. Ils aiment les bagarres et le langage des marchés et les atmosphères des bars et les échos de l'anarchie. L'humain est nu. Car ce ne sont plus les vêtements qui cachent les gestes obscènes et irréfléchis. L'humain de nos jours ne croit plus à ce qui est divin et souvent il donne de nobles vertus au vin. L'homme de ce siècle ne sait plus ce qu'il veut. Il est tout le temps insatisfait. Il ne sait plus quoi faire. Tout lui semble fade et sans goût. Il critique les autres et refuse l'écoute.

Tout semble opaque et flou. Tant d'humains sont tristes et désespérés. Le stress et l'angoisse sont partout. Les esprits sont saturés et les cœurs ne sont plus attirés par quoi que ce soit. Beaucoup d'humains ne sont rien que des drones sans pilotes. Ils sont là sur terre, mais ils ne savent pas les vraies raisons de leurs existences. Et oui, l'humanité souffre et son mal vient de cette fuite en avant de ses savants vers les sciences de la vie et des technologies. Le domaine de la théologie est délaissé. Beaucoup d'humains ont l'impression qu'ils n'ont qu'une vie à vivre, alors ils foncent tête baissée et les consciences dans les poches. Ils n'ont aucun regret et ils détestent surtout les reproches. Tous ces dépassements et ces conduites insensées nous laissent dire que l'humain de nos jours ne connaît plus les vraies priorités. En effet, l'humain de notre époque prétend tout connaître et sans le vouloir, il laisse l'essentiel au profit de l'indispensable et l'utile. Les riches ont peur de redescendre des nuages et les pauvres rêvent de conquêtes et d'accès à de beaux et riches rivages. Et oui, un grand nombre d'humains vivent un manque de spiritualité. Ils ont perdu le lien sacré avec le Créateur et ils n'obéissent malheureusement à aucune règle. Ils sont les nouveaux égarés. Ils sont les nouveaux aveugles qui peuplent les cités et qui réclament que la laïcité soit dans les lycées et les universités. En face d'eux, nous avons les fous de Dieu. Une poignée d'hommes et de femmes qui ont l'idée prétentieuse qu'ils sont les enfants élus pour faire respecter les lois divines. Et entre les deux clans se trouve une majorité qui ne sait plus quoi faire. Une majorité qui sait prier, mais qui ne peut rien contre ces fous qui ont choisi le langage des armes pour se faire entendre. Une majorité qui demeure choquée devant les exigences de cette frange laïque qui ne veut plus voir les signes de foi, ni entendre les discours moralisateurs.

Toutes ces manœuvres ont créé un fossé entre les communautés. Les frontières sont fermées et les Etats ne pratiquent plus la solidarité. En effet, les attaques du 11 septembre 2001 contre les USA ont sonné le glas. Le premier responsable de ces attentats sanguinaires était l'Islam et non pas une poignée d'hommes qui avait servi les intérêts américains en Afghanistan. Et oui, tout le monde sait que Bin Laden était un produit américain qui faisait la guerre sainte contre les Russes en Afghanistan et que ce dernier avait par la suite changé de cible. Un changement rapide qui avait ouvert la porte aux Américains et leurs alliés à venir mettre à genoux tous les Etats musulmans qui osaient défier l'oncle Sam et sa protégée Israël. La suite vous la connaissez. Les stratèges occidentaux voulaient avoir le contrôle de tous les pays voisins d'Israël. Alors, ils ont inventé le printemps arabe. Zine El Abidine et Moubarak étaient deux icônes ternes qu'il fallait changer pour donner plus de véracité aux soulèvements populaires ! La preuve, les deux hommes vivent toujours et donnent des ordres : l'un de l'exil et l'autre de son palais qu'on présente au peuple égyptien comme prison. Tandis que Saddam et El Kadhafi étaient sur la liste des personnes jugées nuisibles et dangereux. En plus, d'autres États devraient subir des changements. Le Soudan était divisé suite à son dévouement aux Chinois. Le Yémen est en guerre, car il devrait avoir un président qui obéissait indirectement aux injonctions du roi voisin. La Syrie est en guerre, car elle devrait rompre avec la Russie et l'Iran. Et enfin le Liban devrait lui aussi tourner le dos aux Iraniens et aux Syriens qui sont accusés d'avoir tué Rafic El Hariri en 2005. Tout est calculé.

Pendant que les pays occidentaux s'unissent, nous constatons la discorde et la désunion chez les États arabes et musulmans. On laisse le plus important et on s'intéresse au futile. Pourquoi les États arabes refusent les échanges commerciaux et l'ouverture des frontières ? Pourquoi les riches hommes d'affaires saoudiens, koweïtiens et émiratis n'investissent pas en Algérie, au Maroc ou en Tunisie? Tout ce qui les rassemble est le plan culturel.

C'est le domaine de la chanson et de la poésie. Mais peut-on faire vivre une nation avec des vers ? Non évidemment. Alors, pourquoi on délaisse le plus important au profit de ce qui secondaire ? Pourquoi le gouvernement égyptien a acheté tout un arsenal de guerre évalué à 5,2 milliards d'euros, alors que son peuple a besoin de tant de choses utiles ? Pourquoi on laisse des enfants et des femmes mourir sous les tirs et les bombes et on s'affole suite à la mort d'un enfant qui n'avait pas d'autre choix que de quitter sa Syrie et de traverser la mer ? Pourquoi les États puissants dépensent des sommes colossales pour la conquête de l'espace et ils oublient ceux qui sont sur terre mais qui ont besoin de blé, d'eau et de médicaments? Pourquoi, ils déploient tout un arsenal de guerre pour surveiller le transit des migrants et ils oublient la traque des trafiquants de drogue et les terroristes qui font la loi comme le groupe de Daech et Boko Haram ? Pourquoi ils font semblant de jouer la carte de la charité chrétienne en invitant quelques migrants à venir, alors que la logique impose aux États riches une aide financière aux États africains qui souffrent de famine et de maladies et de rétablissement de la paix dans les États asiatiques qui sont en guerre civile. Et oui, la vraie priorité est d'aider les responsables des États africains à nourrir et soigner les populations qui vivent dans le besoin et non pas à les inciter à quitter tous leurs pays. La priorité devrait être accordée à la recherche des solutions durables aux conflits armés et non pas à l'hébergement des fuyards.

La priorité devrait être accordée au durable et au nécessaire. On apprend au jeune comment gagner sa vie et non pas en lui versant de l'argent dans son compte ou en lui donnant des engins qui coûtent des milliards qu'il va vendre sous prétexte que son projet n'est pas rentable. On ne donne pas l'autorisation pour la construction des logements sur des terres agricoles sous prétexte que la construction dans les terres accidentées demande un budget supplémentaire pour les travaux de terrassement. Et oui, nous sommes dans une planète où chaque membre veut faire passer les idées qui naissent dans sa tête. L'égoïsme prime et la jalousie ne vient plus des ennemis, mais de chez les proches et les amis intimes. Tout est faux. Rien que des promesses qui ne ramènent ni joie, ni liesse. L'humanité tourne en rond. Elle ne sait plus quoi faire. Le remède demeure introuvable chez ces faux héros qui n'ont pas encore compris le but de leurs existences. Ils n'ont pas compris le mal de ce siècle qui vient de l'éloignement de l'essentiel. En effet, tant d'humains ont fui les principes de la religion et chacun veut faire admettre aux autres sa propre logique. Pour finir, nous vous citons quelques erreurs qui circulent chez les musulmans. Prenons le jeune homme qui compte instruire ses parents sur le non-fondement de certaines croyances, mais cet enfant va élever le ton et peut-être va insulter ses parents en les taxant d'infidèles ou d'illettrés. Sans le vouloir, ce jeune homme a oublié l'un des principes de toutes les religions monothéistes qui est le respect total envers les parents. Cet enfant a délaissé le respect de ses parents et il a accordé une importance à ce qui secondaire.

Le deuxième exemple est celui du pèlerinage à La Mecque. Nous savons que beaucoup de riches ont pris cette habitude d'aller visiter La Mecque chaque année (El Hadj) et non pas le petit pèlerinage (El Omra) qu'ils font deux à trois fois par an. Nos amis les riches et notables n'ont-ils pas des proches et des voisins qui sont démunis et pauvres ? Nos amis les riches qui gaspillent des centaines de millions chaque année chez les Saoudiens n'ont pas des proches et des voisins sans mariage et sans foyer ? Pour clôturer, nous dirons que beaucoup d'humains ont raté les vraies priorités et qu'il est temps pour rattraper le train des réformes. Le moment est venu pour nous de bien choisir ce qui est essentiel. Nous avons besoin d'un climat de paix et de réconciliation entre tous les occupants de la cité Terre. Les solutions sont là et c'est à nous d'aller les trouver. Le recours à la force devrait venir après l'épuisement de toutes les tentatives pacifiques. Les pays du nord sont appelés à venir en aide à ceux du sud qui sont démunis, pauvres et défavorisés. La solidarité se vit et ne se décrète pas. Notre souhait est de voir les humains pencher sur des projets rentables et profitables à toutes ces âmes qui n'ont ni toit, ni quoi manger. Nous n'avons plus le droit à l'erreur, il faut que nous sachions choisir ce qui est utile pour nous avant qu'il ne soit trop tard et que le mal s'installe pour de bon.

* Proviseur