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« Ici, c'est Guantanamo», lance un Kurde de la ville syrienne de
Kobané, derrière la double clôture de barbelés qui le retient, comme des
centaines d'autres migrants, dans un des camps hongrois de Röszke, près de la
frontière serbe. "Même les animaux sont mieux traités que nous, ici c'est
Guantanamo", martèle ce réfugié, Mustafa, en référence à la prison
militaire américaine installée à Cuba, très décriée pour ses conditions de
détention. Pour preuve il montre son pied blessé entouré d'un sac plastique
bleu, faute dit-il "d'aide médicale". D'autres migrants pointent leur
"plat du jour" composé d'un petit pain rond, d'une petite boîte de
pâté au poulet et d'une petite bouteille d'eau. "Ce n'est même pas assez
de nourriture pour un enfant", explique Mustafa, 38 ans, qui dit avoir fui
la guerre en Syrie. "Je ne sais pas combien de temps nous allons pouvoir
tenir dans ces conditions." Sous un ciel froid et pluvieux, des policiers
hongrois transportent ces sachets de nourriture dans une brouette pour les
distribuer aux quelque 400 migrants logés dans une cinquantaine de tentes kaki.
Dans le camp voisin, des rations ont été jetées aux migrants comme à des
animaux, comme l'a montré une vidéo tournée en cachette par une volontaire
autrichienne. A l'extérieur du camp placé sous forte surveillance policière,
des bus remplis d'autres migrants aux visages exténués attendent de pouvoir
pénétrer dans le périmètre ceint de barbelés de 4 mètres de hauteur.
BRACELETS A CODES-BARRES Des policiers aux visages fermés ont été positionnés aux extrémités du avec des bergers allemands. Aucune organisation internationale n'est visible. Un bus rentre dans le camp, interdit aux médias, des femmes et des enfants enveloppés de couvertures et de grands sacs en plastique sortent du véhicule. Agglutinés aux fenêtres des autres bus, des enfants de migrants font des signes aux journalistes et prononcent de tristes "bye, bye". A leur entrée dans le camp, tous doivent se soumettre à un enregistrement. Des policiers hongrois leur mettent alors un bracelet rose à code-barre au poignet, mentionnant la date de leur entrée dans le camp et leur nom. Ils sont ensuite répartis dans les blocs de tentes, ouvertes à tous les vents malgré le vent frisquet. D'autres migrants comme Mustafa, arrivés il y a quelques jours déjà, se collent aux barbelés pour dénoncer leurs conditions de vie. Dans ce lieu boueux, entouré de champs à perte de vue, Pakistanais, Afghans, Syriens et Irakiens partagent le même sort. Arborant leurs bracelets, certains demandent des cigarettes ou de la nourriture. Mais aussitôt, un policier intervient pour interdire tout don aux migrants. "Nous avons besoin de couvertures, il fait trop froid dans les tentes", dit Mohamad, un Afghan couvert de plusieurs couches de vêtements. Originaire de Kunduz, il dit "avoir fui les Talibans" pour "sauver sa vie". Et assure avoir "faim". "Mon frère a travaillé pour les forces allemandes en Afghanistan, il vit en Allemagne et je veux le rejoindre mais ils (les Hongrois) nous ont bloqués ici", se désole-t-il. Un migrant irakien, Yassan qui a quitté "les attentats quasi-quotidiens à Bagdad" avec sa jeune femme de 17 ans, enceinte de 6 mois, laisse exploser sa colère. "La nourriture n'est pas bonne, comment ma femme et notre bébé peuvent-ils survivre avec si peu de nourriture ?", s'exclame-t-il. "Cet endroit n'est pas bien, ce n'est même pas pour les animaux qui eux sont dehors alors que nous sommes retenus ici. Il fait trop froid et ma femme n'a même pas pu voir un gynécologue. Personne ne nous écoute", dit-il. Son épouse fond en larmes à ses côtés, tenant son ventre. Elle assure ne pas pouvoir se laver car "il n y a pas d'endroit pour cela" dans le camp. "Ma mère me manque. Je ne peux même pas lui téléphoner car ils m'interdisent de recharger mon téléphone", confie-t-elle. "Cet endroit est une cage, un zoo", ajoute son mari. "On ne veut pas rester ici mais aller en Belgique." Tongs au pied dans la boue froide, une Syrienne affirme être sans nouvelles de son mari hospitalisé dans un hôpital hongrois pour des problèmes cardiaques. "Je ne sais rien sur lui depuis quatre jours" dit-elle. Des enfants scandent "freedom, freedom" devant des policiers impassibles. Certains rient quand leurs chiens aboient au passage de journalistes. |
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