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L'Algérie a peur
de son avenir. Tous les états généraux sont convoqués pour faire prendre
conscience du défi qui se pointe. L'imminente donne est certes escarpée, mais
son franchissement n'est pas impossible. Le problème est toujours
comportemental. D'esprit de gestion.
Les frais sont faciles à être engagés, les ressources sont difficiles à se collecter. Osons faire cette transposition où l'aisance de la facilité surplombe la difficulté de l'œuvre. La culture financière a aussi ses rimes, ses césures et ses vers. L'acte de rendre l'Etat débiteur est à la portée d'un bon de commande, l'acte de le rendre créancier ne s'opère que par le fisc. Ou se trouve la part dynamique du gestionnaire ? Ou est celle de l'initiative locale ? Le développement étant une équation complexe est devenu chez nous une simple opération arithmétique. Quand un budget se consomme, l'on croit y avoir fait une prouesse. Quand des taux avancés sont avancés comme critères de bonne gouvernance, l'on croit y avoir atteint une finalité. Alors que les règles les plus strictes en matière de management de projet exigent, outre la concrétisation rationnelle d'objectifs prédéfinis mais également par effet de conséquence, la création d'une plus-value. La chose est tout autre. Tout se réalise par des enveloppes laissant ainsi un vide sidéral autour du profil du chef, du directeur ou du gouverneur du coin. Cette enveloppe, ces crédits décentralisés et inscrits ainsi sur une nomenclature figée, inepte et standardisée pour tous, n'auront nul mérite en termes de performance. En dehors des actes de gestion de l'action du service public, tous les programmes sectoriels sont assis sur des masses financières puisées dans la cagnotte nationale. Celle-ci n'est alimentée dans sa quasi-totalité que par la rente des hydrocarbures et, à un degré moindre, par la ressource fiscale. Quel est l'exploit réalisé dans la construction de pôles urbains, d'infrastructures socio-éducatives ou autres vernissages plaisantins sur de l'argent affecté d'Alger ? Le développement ou l'investissement ne peut continuer à se supporter sur la seule dépense publique, avait affirmé Bedoui, corroboré en cela et en termes plus crus par son Premier ministre. Sinon rien n'aurait fait une différence entre les uns et les autres. Dans de telles situations la problématique du développement se complique davantage et n'arrive point à finir les attentes populaires. Les exemples sont édifiants. Il n'existe aucun secteur où la vision dans les diverses échéances ne soit sujette à un consensus entre le pouvoir central et l'autorité locale. L'ordre prend son trône sur la proposition et se force à s'exécuter sans dissection. A la place d'une étude pérenne et globalisée propulsée dans une projection d'infini, dans la direction des villes et des affaires générales publiques, s'installent des humeurs et des affinités. Chaque responsable qui remplace un autre, fait remplacer par le sien le projet d'avenir lancé par l'autre. Chacun croit, par voie de constat des lieux que l'autre a tort et qu'il doit redresser ces torts. La valse ainsi continue pour ne rien laisser voir une chose complètement se finir. En l'absence « d'une politique du compter-sur-soi» à concevoir après un brainstorming avec les acteurs locaux d'entre élus et sphères civiles, la gestion locale se perpétuera dans l'intuitu-personae. Ceci ne sera plus de mise, eu égard à la controverse économique pleine d'embûches qui guette les finances publiques nationales. Cette approche managériale est maintenant impérative. Presque décrétée, par nature. Agissant dans le ratio et la réalité, dans la concertation, dans l'analyse et la prospective, dans la participation citoyenne ; cet instrument conceptuel, surtout impersonnel, sans sentiment ni amicalité aura à dresser une orthographie stable, durable pour chaque contrée en relevant les prépondérances, les impératifs et les pertinences. Le fatidique et l'imprévu étant des parents alliés à la force majeure seront traités à l'unité. Chaque région aura à résoudre ses déficits selon ses propres compétences. Une démarche pareille n'est faite que pour stimuler l'esprit de responsabilité et l'âme compétitive. Le plus averti des observateurs distinguera d'énormes écarts dans la progression des opérations dites de développement. Si l'on inscrit une école là, elle le sera ailleurs à l'identique. Ceci fonctionne par type, classe et genre. Tout projet est libellé sous un indicatif unique et exclusif. Il suffit de sortir de ce « tableau » de projets, toute initiative, idée ou entrain local est vouée par rigueur centraliste à l'échec et à la non-réalisation. La planification persévère à scruter l'horizon de la croissance physique de certaines agglomérations ; à se confiner dans une centralisation étouffante, frôlant quelque part l'orthodoxie bolchevique. Qu'aurait à créer une dépense injectée sur fonds publics dans le pavoisement de structures ou le remplissage d'espaces fonciers par des milliers de tonnes de béton ? L'on aurait plus à gagner si l'on stimulait surtout les communes à fructifier leurs biens et gérer librement dans une autonomie fonctionnelle leur capacité de renforcement des ressources financières. La commune, véritable cheville de tout développement s'est longuement confinée dans un réceptacle de fiscalité involontaire de sa part. Elles ne vivent, ces communes, pour les plus nanties, que des subsides engrangés par l'application de l'impôt qui, dans l'absolu, n'est pas toujours totalement recouvré. L'amélioration de son assiette fiscale se devait d'être une autre plate-forme d'enrichissement et de renflouement de la caisse municipale. C'est pourquoi l'amélioration des recettes budgétaires devra se traduire par un accroissement des investissements, un accès libre à l'esprit d'entreprendre plutôt que d'encourager la commune à dépenser dans le fonctionnement ordinaire. Toutes les communes ont plus de 70% de la manne financière dans la masse salariale. Ou se trouve donc la part d'un investissement créateur de richesses ? La rencontre récente gouvernement/walis s'est penchée avec la prudence voulue sur ces « gabegies » tel que défini par Sellal. Il était de toute franchise pour étaler les préoccupations mais encore les issues encore offertes pour échapper un tant soit peu aux effets pervers de la récession et assurer un bond vers la vraie prospérité économique. « L'investissement reste le meilleur moyen de booster notre économie qui, en fait, n'est basée que sur le commerce », disait-il. Ainsi le rôle économique de la commune n'est plus souligné. C'est un point vital, de survie. Elle est censée, voire contrainte d'agir en amont de toute attraction d'investissement. Le portefeuille patrimonial qu'elle détient en immobilier nu ou bâti, s'il s'accomplissait pour sa gestion dans une flexibilité juridique, aurait en toute responsabilité l'ambition de pouvoir faire produire des projets en nette plus-value. Une commune qui se voit extraire de son tissu urbain des îlots pour y faire du social ne peut afficher d'être compétitive. Une commune qui se voit supplanter, sur son territoire, par des organismes de gestion des zones industrielles desquelles elle ne tire que de la tracasserie liée à l'environnement et à l'écologie, ne sera qu'un appendice toujours déficitaire et en permanente quête de mendicité publique. La commune est devenue un grand service social destiné à satisfaire les pires besoins. Elle ne peut accéder à un statut de pourvoyeur de richesse malgré ses fortunes virtuelles. Le pire c'est que ces programmes pompeusement intitulés PCD -plan de développement communal- sont le plus souvent squattés au profit de lifting d'un chef-lieu de wilaya en éternelle transformation et ravalement de trottoirs, de façades, d'entrées, de sorties. Le développement ne se greffe de la sorte que dans un plan en papier. Le cycle infernal dans lequel pivote le foncier entre Domaines/Agriculture/ Forêt /Aniref/PME/PMI/ exclut d'emblée la commune. Ses propres biens sont le bien de tout le monde. Elle ne peut de ce fait avoir tous les éléments constitutifs de la propriété privée, en usus, fructus et abusus. Dépossédée crescendo depuis la révolution agraire, elle ne put, la pauvre, à l'instar de ceux qui ont été indemnisés, se réapproprier ses terres. Nationalisées, ces terres communales seront versées au domaine public au moment où les autres furent reversées à leurs propriétaires primaires. C'est là, la première injustice commise à l'égard de cette cellule de base. La seconde serait cette obligation de contrôle d'opportunité inutile des délibérations qui suffoque la libre entreprise et obstrue l'accès à toute résolution, pourtant souveraine, populaire et républicaine. Le tout nouveau ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales semble décidé à lever tous ses obstacles et ne cesse de clamer que « la commune doit être au cœur de toute l'organisation ». Si les grandes villes s'ouvrent béatement aux grands investissements, les petites sont par contre réduites à des entités de calvaire et de dénuement. L'essentiel est que toutes semblent s'égaler. Il n'y a pas de traits distinctifs séparant les unes des autres. Le plan national est généralisé pour l'ensemble. Seul le classement ou le type de projet émis d'Alger, tient lieu de critère d'implantation. Là une question taraude l'esprit : en quoi toutes les wilayas se valent-elles ? N'y a-t-il pas des spécificités inhérentes tant à la jeunesse, l'ancienneté, l'historicité urbanistique, l'aptitude à l'ouverture, la potentialité locale, le génie ancestral, à chacune d'elles ? L'égalité territoriale, nouveau concept manager des villes, est devenue maintenant ce que fut l'équilibre régional dans les années révolues. Partant de ce constat, il n'est plus nécessaire donc de faire de l'évaluation sur des comptes financiers de suivi de projets mais sur le marketing territorial et initiation des projets attractifs d'investissement hors dépenses publiques. Une autonomie managériale, de compétitivité est à mettre en place par un dispositif d'évaluation des performances. Les termes de ces contrats doivent porter, pour chaque responsable local, la réalisation d'objectifs spécifiques, mesurables, accessibles, réalisables et temporels arrêtés au préalable de concert avec une commission poly-sectorielle. Bedoui semble vouloir inscrire ses walis dans la tangente de qui réalise le plus de richesse que de bâtir des murs et des enceintes. Plus d'emplois équivaudrait à plus de bonheur social. L'Etat doit garder son rôle régalien d'aménageur, de régulateur et non s'invertir dans l'intervention productive. Un Etat qui produit encore des clous et des vis, des couteaux et des briques n'a pas une raison pour survivre longtemps aux crises cycliques et pertinentes. Même agissant sous de formes statutaires commerciales à peine déguisées, il reste le détenteur le plus fortuné dans le monde industriel et mercantile national. L'on ne peut faire une économie libre et libérale par un socialisme clandestin et non identifié. L'entreprise est un acte marchand qui prend des risques. L'Etat ne risque pas, il assure la diffusion du progrès dans un schéma organique d'égalité et de justice. Si l'on parle à longueur de séminaires de cet te panacée de « bonne gouvernance », que l'on fasse autant par acte et détermination pour commencer dans une « gouvernance administrative de la commune ». Réhabiliter l'administration locale faciliterait la tâche à son personnel élu. On a toujours tendance à blâmer un maire pour une mauvaise gestion ou une non-gestion de la ville, sans pour autant s'en référer à sa logistique qui, par définition, reste indépendante de sa volonté. En fait, l'assemblée populaire hérite d'une administration que sa précédente ne pouvait choisir. Le secrétaire général, patron juridique, fonctionnaire nommée par décret présidentiel -pour les chefs-lieux- devrait suppléer le maire en sa qualité d'ordonnateur. Le plus souvent, philosophie politique exige, le maire n'est pas censé provenir d'un institut spécialisé dans l'exécution budgétaire ou les couacs de la finance publique. Il est là par principe pour gérer un programme politique par les moyens de l'administration. Il le fait par le consensus des délibérations. On a vu des maires mettre la tête dedans, pour signer une cinquantaine de gros parapheurs jour ! Ceci va des ordres de versement, des fiches de salaires, des baux, des concessions, des titres, des permis, des certificats, des arrêtés, des actes et tout autre document anodin. La panoplie est dense et truffée de lois, règlements et textes subséquents. L'urbanisme, la santé, le social, le parc, la voirie, la salubrité, l'expulsion, le pavoisement, l'émeute, le protocole, la fanfare et le folklore sont tous dévolus à Monsieur le Pauvre Maire. Même si délégation de pouvoir y est, les adjoints ou vice-présidents sont tout aussi submergés, qui par ces actes, qui par l'idée de retrait de confiance. « En valorisant l'élu l'on valorise le service public », remarque Bedoui comme profession de foi. Ce qui semble faire beaucoup peur, n'est pas l'insuffisance d'argent, mais le manque de réaction. La collectivité locale doit se ressaisir et sortir un peu de la torpeur qui la fait somnoler. A ce titre, l'Etat doit à son tour sortir un peu de sa réserve et des frilosités qu'il développe à l'égard des communes. Bedoui compte les étoffer de plus d'attributions, de plus d'actes responsables. La rigueur n'est pas le seuil du développement ; elle le soutient, le nourrit. L'austérité ne ramène pas la croissance, elle la conforte, l'aguerrit. L'ensemble reste convaincu qu'en face des potentialités, le défi est à portée de main. Pourvu qu'il y ait du cran, de la foi et de la passion supplémentaire. |
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