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Réplique du tremblement de terre de la crise de subprimes de 2008,
l'effondrement boursier chinois va, de nouveau, affecter la planète financière.
Pour la préparation de la rentrée 2015, pour une fois, ça allait mieux : au début du mois d'août, les gouvernements européens se réjouissaient même. Certes, la croissance était poussive, voire inexistante, le chômage partout présent mais la crise grecque, feuilleton de l'été, s'était, enfin, terminée (et les Grecs sérieusement tancés, ah mais !), la hausse du dollar rendait l'euro plus compétitif, favorisant, ainsi, les exportations, les prix des matières premières étaient en chute accélérée et les taux d'intérêts flirtaient avec le zéro absolu. Michel Garibal évoque même « les hausses du pouvoir d'achat qui en résultent pour les populations et qui se chiffrent en milliards pour la France dès cette année ». Du coup, « les organismes internationaux revoient à la hausse leurs prévisions de croissance qui pourrait atteindre 1,1% dans l'Hexagone en 2015 et 1,7% l'an prochain, des chiffres que les plus optimistes n'osaient pas envisager, il y a, seulement, quelques mois ». Bref, l'espoir revenait et les partis politiques au pouvoir se frottaient les mains : on allait, enfin, avoir une rentrée pas trop menacée par des chiffres catastrophiques et des électeurs désespérés, dégoûtés, en colère? Et puis? Pataras ! Voilà que partout sur la planète, les bourses s'affolent, les cours chutent. C'est le « lundi noir » du 24 août ! Lundi noir Lundi, les bourses chinoises s'effondrent en premier. Lundi, la première fortune de Chine, le chef d'entreprise Wang Jianlin, a perdu 3,6 milliards de dollars (3,2 milliards d'euros) en une seule journée. Le président et fondateur du groupe Dalian Wanda, spécialisé dans l'immobilier et le divertissement, a, ainsi, vu, en un jour, fondre plus de 10 % de sa fortune. Il est vrai qu'il avait fait son énorme pactole, en quelques courtes années. Eh, oui, il y a beaucoup, beaucoup de milliardaires dans ce pays toujours, officiellement, « communiste »? Coup de tonnerre dans la Chine « rouge » mais c'est toute la planète boursière internationale qui prend l'eau?C'est, en effet, la Chine qui donne le signal de la panique. Le 24 août, la bourse de Shanghai, déjà, rudement, secouée depuis plusieurs semaines, comme celle de Hong Kong ou de Shenzhen, dévisse brusquement : elle chute de 8,49 %, soit sa plus forte chute depuis huit ans. Toutes les bourses d'Asie décrochent de concert, ce lundi 24 août, suivies par la dégringolade de tous les marchés mondiaux, minés par des inquiétudes persistantes sur la santé de l'économie chinoise et la conjoncture mondiale. À Paris, le CAC 40 a perdu 7 %, effaçant tous ses gains de l'année. À Londres, le Footsie a dévissé de près de 5 %, et le Dax, l'indice phare de la bourse de Francfort, de près de 6 %. À l'ouverture, hier, la bourse américaine était, elle aussi, dans le rouge. Le Dow Jones, l'indice boursier américain, a perdu plus de 1.000 points, avant de remonter légèrement. C'était sa chute la plus brutale depuis l'époque de la faillite de Lehmann Brother, en 2008 ! « Lehmann Brother », le simple mot fait encore trembler les chaumières très, très fortunées. La plupart des places financières avaient, pourtant, fait mine de croire que l'on était sorti des conséquences dramatiques de la plus grande crise de l'économie moderne, depuis 1929. Les affaires reprenaient, les bénéfices explosaient à nouveau, avec leur cortège inévitable de spéculations et de manipulations des cours. Certes, la croissance des pays occidentaux était très faible, voire atone mais le boom économique était solide, dans les pays producteurs de matière premières et dans les grands pays émergents. Certes, dans ces marchés nouveaux, on notait bien certains signes inquiétants mais pas de quoi ébranler la conviction absolue chez les analystes financiers pour les vertus du marché mondialisé, de la libre-entreprise délocalisée et surtout des bénéfices records? Et voilà qu'une forte réplique du tremblement de terre de 2008 intervient, faisant resurgir le spectre de la « grosse cata ». Certains analystes pour se rassurer, jugent que la nouvelle crise est surtout régionale, évoquant des mouvements de panique semblables à ceux de la crise financière asiatique, de la fin des années 1990, avec des ordres massifs de vente sur les actifs les plus vulnérables. Le problème c'est que la Chine pèse, aujourd'hui, infiniment plus sur l'économie mondiale, qu'à l'époque. La Chine, en quelques années, est devenue une puissance industrielle hégémonique. Elle détient 85 % des parts de marchés pour le textile, les tracteurs, les montres et les jouets. Elle détient 55 % des parts de marchés pour les appareils photographiques et les ordinateurs portables et 30 % des parts de marchés pour les téléviseurs et les machines à laver (30 %). La Chine est, maintenant, la seconde économie mondiale. Elle est confrontée, aujourd'hui, à son premier ralentissement économique, depuis 25 ans, alors qu'elle représente 11% du commerce mondial et 18% du PIB mondial contre 20% pour les États-Unis. Plus largement, la crise boursière chinoise vient souligner les difficultés actuelles des économies des grands pays « émergents » : le Brésil, la Russie, l'Inde (qui résiste encore un peu mieux) ou encore l'Afrique du Sud - sont confrontés à une fuite très importante de leurs capitaux : en 13 mois, ils ont vu partir plus de 1.000 milliards de dollars. C'est 2 fois plus que pour la période 2008-2009, au début de la crise. Paradoxalement, ces pays émergents, lors de cette crise financière ouverte par le scandale des « subprimes » et autres fantaisies spéculatives, s'étaient bien mieux tirés d'affaire en 2008 / 2010, que les grands pays occidentaux. Mais le fantôme de la crise de 2008 ressurgit, attisé par les mêmes démons. La Chine s'est, elle aussi, laissé engorger dans une énorme spéculation, notamment dans l'immobilier : «En Chine, une grande partie des investissements servent à bâtir des immeubles vides, des autoroutes et des aéroports vides, des usines inutiles », déclarait à Libération, l'économiste américain Michael Pettis. Pour tenter de corriger ces excès et poursuivre, vaille que vaille, sa croissance, le pays a fait tourner « la planche à billets » et s'est énormément endetté, ces six dernières années : selon un rapport de McKinsey, paru en début d'année, la dette chinoise totale (privée et publique) a atteint les 29.000 milliards de dollars au mois de juin 2014, soit 283% de son produit intérieur brut (PIB). En comparaison, les Etats-Unis, proclamés depuis plusieurs décennies, rois du crédit, ont vu la leur atteindre 269% de leur PIB. «Le principal problème est que le rythme d'accroissement de la dette est, désormais, plus rapide que celui de la croissance nominale, explique Fabrizio Quirighetti, l'économiste en chef de la Banque Syz. Concrètement, cela signifie que la Chine s'endette, aujourd'hui, plus vite qu'elle ne s'enrichit». Faux remèdes et tensions sociales Les conséquences de cette situation peuvent être désastreuses pour le régime. La récession a, en effet, entraîné une baisse de plus d'un tiers de la valeur de la Bourse, où les 200 millions de membres de la classe moyenne ont investi la moitié de leur épargne, mise en réserve pour financer les frais de santé et d'éducation familiaux, ainsi que leurs retraites, que l'Etat ne couvre pas, écrit Jacques Attali dans l'Express, de plus, si la croissance continue de ralentir, c'est l'exode rural qui va s'essouffler, réduisant la demande de logements et menant l'immobilier à l'effondrement, ce qui détruira l'autre moitié de l'épargne de la classe moyenne. Et rien n'est plus dangereux, pour tout régime, que de ruiner sa classe moyenne, ossature de tout ordre social ». La dévaluation, faite à la va-vite à la mi-août, et la manipulation du taux de change ne suffiront pas à enrayer cette chute, « au contraire même, elle peut l'aggraver en mettant la Chine en situation de dépendre du bon-vouloir des spéculateurs internationaux, et en incitant d'autres pays à agir sur leur taux de change pour rétablir leur compétitivité ». L'épargne des ménages risque, donc, d'être mise à mal et la récente et réelle augmentation du niveau de vie des Chinois, d'être stoppée, voire sévèrement rognée. Avec les tensions sociales que cela pourrait entraîner. Le gouvernement chinois ne donne pas l'impression d'avoir su maîtriser la rapide détérioration de son économie nationale. De nombreuses catégories ouvrières, paysannes, les nouvelles couches urbaines risquent de faire les frais de la politique de rigueur qui se profile. Mais le président Xi Jinping bénéficie d'un relais sûr à travers le Parti communiste chinois et d'un appareil d'Etat, particulièrement, autoritaire. Il peut s'adresser à des classes moyennes inquiètes en leur faisant valoir que le PCC reste l'unique porte de sortie, « c'est nous ou le chaos ». Mais le PCC qui compte, officiellement 87,8 millions d'adhérents, est loin d'être homogène: il a de très discrets mais très vifs débats comme en atteste la disparition, ces derniers mois, de très hauts dirigeants opposants de Xi Jinping. Leurs partisans seront tentés de prendre leur revanche alors que le président chinois semble, pour le moins, surpris et affaibli par le soudain effondrement de l'économie chinoise. La catastrophe de Tianjin De même, comme toute formation autoritaire, le PCC vit grâce à ses clientèles, souvent très fortunées mais dont leurs économies et investissements ont pris un sérieux coup de bambou. La corruption, enfin, mine l'appareil d'Etat et celui-ci a laissé, depuis de nombreuses années, d'importants dossiers sensibles en jachère comme l'autosuffisance alimentaire (14% seulement de terres arables), les questions urbaines, environnementales ou climatiques. Le pouvoir politique chinois manque, décidément, de chance. A la veille du krach boursier, il a dû affronter une grosse catastrophe chimique dans l'un des principaux ports chinois, Tianjin. Deux semaines après l'explosion spectaculaire, le bilan humain continue de s'alourdir. Désormais, selon le dernier bilan rendu public, l'embrasement des entrepôts de produits hautement toxiques, stockés en toute illégalité de Ruihai Logistics, à l'origine du drame, a tué 135 personnes. Un bilan qui est loin d'être clos. « La catastrophe de Tianjin n'est pas aussi originale qu'elle paraît au public occidental. L'histoire chuchotée de la République populaire de Chine en a abrité bien d'autres, notamment dans les bassins charbonniers et en aval des papeteries », note le sinologue Jean-Luc Domenach, mais cette grande ville est l'une des plus ouvertes du pays : les étrangers y sont donc très présents, ce qui empêche de cacher ce qui s'y passe. « de plus, la zone de Tianjin est, probablement, le chantier le plus énorme de la Chine et même du monde actuel, car elle est appelée à devenir, avec son extraordinaire zone portuaire, le centre d'une conurbation de? 100 à 150 millions d'habitants ! ». Bref, malgré les innombrables manipulations d'informations, le gouvernement chinois a eu le plus grand mal à cacher les causes réelles de cette catastrophe écologique : l'incompétence et la corruption : « Il se peut, donc, que cet accident industriel acquiert une dimension, dangereusement, politique », conclut le chercheur. Autocritique Pariant, à la suite de l'accord Groupe des Cinq / Iran, sur une certaine normalisation des échanges internationaux, et sur une meilleure entente entre les principaux producteurs pétroliers (notamment l'Iran et les pays du Golfe), le ?Chroniqueur de Paris' avait, imprudemment, écrit le mois dernier : « Autre conséquence imaginable, une remontée progressive des cours du pétrole qui notamment serait bien accueillie par l'économie algérienne ». L'hypothèse était déjà un peu optimiste, le mois dernier, le pari devient aujourd'hui carrément hors normes, dans le tremblement de terre qui secoue actuellement la planète financière? |
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