
A moins de 20 kilomètres plus au sud du
chef-lieu de la commune de Brezina, au village de Sid Hadj Dine, haut lieu de
rencontres des pèlerins et disciples des descendants de Sid Cheikh, l'on a pu
constater de visu les dures conditions de vie des populations de ce hameau,
cerné par un chapelet de petites agglomérations (Lajayej) et profondément
enclavé dans une cuvette prise en étau entre deux grands oueds, donnant tout
droit sur le grand Sud et l'erg saharien.
Avec son oasis, autrefois havre de paix et
lieu de méditation, cette petite bourgade semble recroquevillée sur elle-même,
donnant la dure impression d'être dans une lointaine planète, à plusieurs
années lumière du progrès et de la modernité ; et seule sa célèbre zaouia
semble lui donner un air de vie éphémère. Le tronçon routier de la RN 107,
reliant le chef-lieu de la commune de Brezina à Metlili, long de 350
kilomètres, est sans conteste la voie la plus impraticable du réseau routier de
la wilaya et pour cause, l'état déplorable de la chaussée sur plusieurs
dizaines de kilomètres ferait baisser les bras à toute personne qui oserait
s'aventurer sur cette voie considérée comme la plus meurtrière de la wilaya en
raison de l'état de dégradation avancé dans lequel elle se trouve. Sitôt
réceptionnés, de nombreux ouvrages réalisés sur cet axe routier, ces toutes
dernières années, se sont écroulés ou emportés par les crues des cours d'eau en
période hivernale. Tel est le triste constat, et le cas le plus éloquent est
notamment le pont qui enjambe le célèbre oued Seggar, long de plus de huit
cents mètres et aussi large que le canal de Suez. Grande fut notre surprise et
notre étonnement face à l'état de l'ouvrage d'art, à moitié affaissé dans sa partie
sud sur plusieurs centaines de mètres. Les rares automobilistes sont contraints
de le contourner quelles que soient les conditions météorologiques. La
quasi-totalité de cet ouvrage d'art n'a pas pu résister à la puissance
infernale des crues de cet oued qui a emporté l'ensemble des voûtes et bases en
béton armé du pont.
Des dizaines de milliards de centimes
englouties entre deux crues et emportées par les eaux, voire même jetées
par-dessus les fenêtres, au profit exclusif de l'entreprise détentrice du
marché, contraignant les habitants de Sid Hadj Dine à de longs et périlleux
parcours, de plus de cinq kilomètres à pied pour se rendre au point de jonction
des deux voies au lieudit Garat Lahbar. Les élus locaux communaux, de l'APW
ainsi que ceux issus des deux chambres hautes, issus d'ailleurs de Brezina, ne
se sont guère inquiétés, un tant soit peu, du triste sort réservé à leurs
administrés de Sid hadj Dine. Le calvaire de ces habitants dure depuis plus de
cinq années consécutives, soit juste un mois après la date de réception et
d'exploitation de cet ouvrage d'art qui s'est écroulé tel un château de sable
peu après le passage des premières gouttelettes d'eau sous celui-ci. Certes,
l'oued Seggar est réputé pour être l'un des cours d'eau les plus redoutés du
Grand Sud mais pas jusqu'à emporter un ouvrage d'art digne des douze travaux
d'hercule, sauf si les matériaux de construction utilisés ne répondaient pas
aux normes requises et l'entreprise réalisatrice de ce matché n'a pas
scrupuleusement respecté les règles du jeu et l'on se demande quelle est la
part de responsabilité aussi bien du bureau d'étude chargé de la conception du
projet ainsi que celle chargée du contrôle de la construction ( CTC ). A
l'heure actuelle, seuls les habitants du hameau, ainsi que ceux résidant dans
sa périphérie demeurent totalement coupés du reste du pays et font les frais de
malfaçons décriées par la population locale tout au début du lancement des
travaux de cet ouvrage. Ni route ni moyens de transport de voyageurs, sans aucune
structure ou antenne administrative de l'état civil, le village meurt à petit
feu et la population locale continue à survivre grâce aux produits maraîchers
locaux gagnés sur quelques parcelles de terres fertiles. L'hospitalité de ces
braves gens du village est plus qu'exemplaire et légendaire à la fois ;
d'ailleurs ils n'hésitent pas un seul instant à offrir aux passagers et aux
pèlerins le verre de lait de chamelle et les dattes locales, accompagnés d'une
galette de semoule. Ne dit-on pas, selon un vieil adage africain, qu'un oued
même à sec ne perd jamais son nom ; tel est le cas de celui de Seggar qui ne
cesse de faire parler de lui en assurant la survie de milliers d'éleveurs lors
des périodes de transhumances et ceci, depuis la nuit des temps.