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Portes ouvertes sur la Libye

par Moncef Wafi

La Libye donne son feu vert aux Arabes pour bombarder son territoire. Une décision extrême qui démontre du degré de l'impuissance des Libyens à chasser les hommes de Daech de Syrte. Elle a lancé un véritable SOS à la Ligue arabe pour lui venir, militairement, en aide. Si en théorie la Libye reste un pays souverain, sur le terrain des opérations, il n'en est rien, partagé entre deux gouvernements, l'un désarmé et démissionnaire, mais reconnu par les instances internationales, l'autre dirigé par les islamistes de Fadjr Libya, fort en troupes armés, en marge de la légitimité institutionnelle. Au milieu Daech.

C'est aujourd'hui que la Ligue va se prononcer sur la demande libyenne et tout porte à croire que les bombes arabes vont bientôt s'écraser aux frontières algériennes. Ce SOS est l'opportunité recherchée par l'Egypte pour se venger des troupes d'El Baghdadi qui lui font la guerre au Sinaï. Une occasion aussi pour un prélude à une intervention terrestre qui pourrait conditionner la décision de la Ligue arabe.

Rappelons que Le Caire, et après ses frappes aériennes en février dernier contre les positions de Daech à Derna, l'une des deux villes, avec Syrte, contrôlées par les chemises noires en Libye, avait appelé à une intervention terrestre conjuguée surtout à l'annonce italienne d'envoyer un contingent de 5.000 hommes sur le sol libyen. L'intervention militaire au sol a été refusée par Alger, mais aussi la Tunisie malgré les velléités de Paris de l'y conduire.

Londres, par la voix de son secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères et du Commonwealth, Philip Hammond, avait aussi réaffirmé qu'une intervention militaire en Libye ne peut être «la solution idoine», plaidant pour une «solution politique».

Quelle que soit la décision de la Ligue, aujourd'hui, aux mains des sous-traitants américains, l'Algérie risque un retour de boomerang à ses frontières Est. Si le SOS des Libyens n'est pas entendu, ça sera l'escalade de l'horreur et l'aveu de faiblesse, si besoin en est, du gouvernement de Al Thani. Si par contre sa demande est prise en charge par les Arabes, les Egyptiens en tête de pont, il est fort à parier que les frappes aériennes ne seront que le début d'une guerre totale dans la région. Un scénario qui verrait l'armée égyptienne envahir la Libye et s'y installer durablement avec le soutien financier du Qatar et de l'Arabie Saoudite et la logistique de l'Otan.

Le OK de la Ligue arabe pourrait aussi forcer la main au Conseil de sécurité de l'ONU pour adouber une intervention militaire étrangère en Libye dans un prochain projet de résolution qui sera présenté par les pays arabes sans pour autant assister à la levée de l'embargo sur les armes qui vise toujours Tripoli. Alger qui reste convaincue de la justesse d'une solution politique verrait ainsi tous ses efforts diplomatiques partir en fumée.