Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Et si on reformait les pelotons d'exécution

par Moncef Wafi

Le débat est vieux, aussi usé que les sandales du juif errant, mais tellement d'actualité qu'il serait préjudiciable de ne pas le relancer. Doit-on réhabiliter l'application de la peine de mort ? Même si la législation la prévoit, la peine de mort est suspendue en Algérie depuis 1993, alors même que des crimes passibles auparavant du peloton d'exécution ont été dépénalisés. Pourquoi en parler maintenant ?

Devant l'ampleur prise par le crime organisé, les kidnappings et meurtres d'enfants et les crimes économiques, nombre de voix s'élèvent pour que soit mis fin à ce sentiment d'impunité que ressentent les criminels. Interpellé, en 2014, par un député sur les motifs de la non-application de la peine de mort en Algérie, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Louh, avait répondu que la question est sociétale et nécessite un débat dépassionné, «ouvert et objectif». Le ministre, qui avait souligné la sensibilité du dossier, a précisé que la question revêt des considérations politique, sociale et morale. Pourtant aucune invitation au débat n'a été lancée et le peuple algérien aurait pu être saisi par référendum pour se prononcer sur un sujet qui certes divise profondément au sein des différents courants intellectuels, mais a le mérite de renforcer une justice crainte.

Si le dossier est convoqué à chaque fait divers sordide qui touche plus particulièrement les enfants, il n'en demeure pas moins qu'on en est encore au stade de la réflexion. Si, officiellement, on juge nécessaire d'appliquer les peines maximales contre les responsables d'enlèvement, d'agression sexuelle ou d'homicide sur des enfants ou encore on évoque la révision du code pénal dans sa partie relative aux peines appliquées aux auteurs des crimes toujours contre les enfants, force est de reconnaître qu'il existe d'autres crimes qui doivent être punis par des exécutions. Si concernant les meurtres d'enfants le débat est toléré, il ne faut pas oublier les crimes économiques, passibles sous Boumediene du peloton d'exécution.

De la peine de mort à des peines de prison allégées par le jeu des remises, le délit économique a explosé, gangrenant toutes les administrations. Corruption, détournement, l'employé sait pertinemment que les milliards volés serviront grandement à le dédommager de ses années de prison et à démarrer une nouvelle vie avec l'argent des contribuables. Si l'Algérie subit la pression de l'Europe des droits de l'homme sur la question de la peine capitale, elle doit se prononcer sur le sujet quitte à fâcher. S'interroger sur une éventuelle levée du moratoire contre la peine de mort pour ce genre de crimes serait la meilleure chose qui pourrait arriver à l'Algérie.