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Selon le Dr Lamiri : Un plan stratégique pour sauver l'Algérie

par Yazid Alilat

La baisse des recettes d'hydrocarbures fait peur. Le dernier Conseil des ministres dont une partie était consacrée à la loi de finances complémentaire 2015 (LFC), qui a constaté une baisse de moitié des recettes pétrolières pour 2015, a pourtant maintenu les principaux engagements de l'Etat: poursuite des subventions des produits de première nécessité, les carburants, les projets structurants, le tout dans un contexte macro-économique stressé par la baisse continue des cours sur les marchés pétroliers et une hausse ahurissante des importations à presque 60 milliards de dollars. En Algérie, experts, économistes et Think-Tank multiplient les messages d'alerte au gouvernement, d'autant que la situation sur les marchés pétroliers empire. En fin de semaine les cours de pétrole continuaient de baisser dans un marché sans grande direction, en l'absence de réaction des pays producteurs, en particulier l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). En fin de semaine, les cours du pétrole cotaient sur les marchés asiatiques 45,17 dollars, bien en dessous du seuil psychologique des 60-50 dollars, alors que le Brent (brut de référence de la mer du Nord) était à 49,70 dollars pour livraison en septembre. Pour les pays producteurs, et autant pour l'Algérie, la crise, sinon un contrechoc pétrolier commence à se dessiner, alors que l'OPEP, dont le rôle régulateur du marché a été toujours vanté, ne semble pas pour le moment aller vers une réaction rapide. Le plafond de production de l'OPEP est toujours maintenu à 30 MBJ sur un marché pas très demandeur et saturé, et aucune réunion urgente de l'organisation n'est programmée dans les prochaines semaines pour revoir la situation sur le marché avant la réunion ordinaire de novembre prochain. L'Algérie, qui a mis en place une drastique LFC2015, a vu ses fondamentaux économiques dangereusement déséquilibrés depuis début 2015 avec une chute vertigineuse des cours. Entre janvier et juin 2015, l'Algérie a vu ses recettes pétrolières divisées en deux, accompagnées par une hausse du déficit commercial et une baisse de ses réserves de change. Un tableau qui inquiète, même si, officiellement, des mesures urgentes ont été prises par le gouvernement Sellal pour traverser sans encombre cette difficile période. Car les chiffres font peur, sinon méritent une réaction à la mesure de la menace, qui guette l'économie algérienne.

Ainsi, le niveau de prix de calcul du baril de pétrole a été revu à la baisse, il est passé de 100 dollars dans la LF2015 à 60 dollars dans la LFC2015 en ce qui concerne les prix sur le marché et à 27 dollars pour la confection de cette LFC2015. Dans le même temps, les prévisions de recettes d'exportation chutent de 66 md de dollars à fin 2014 à 33,8 md de dollars à fin 2015, alors que les réserves de change devraient baisser à 151,5 milliards de dollars, soit 26 mois d'importations.

Et, si aucune mesure d'amélioration des recettes et de rationalisation des dépenses publiques n'est prise en 2015, le solde du Fonds de régulation des recettes (FRR), qui était de 4.408,5 milliards de dinars à fin 2014, chutera à 2700 milliards de dinars à la fin de l'année, selon les prévisions de la LFC-2015.

La balance commerciale a de son côté enregistré un déficit de 4,32 milliards de dollars durant les quatre premiers mois de 2015, contre un excédent de 3,4 milliards de dollars à la même période de 2014.

UN PLAN STRATEGIQUE POUR 2040

Suffisant pour nourrir les craintes des experts et économistes algériens, dont certains ont appelé à la mise en place urgente d'un plan stratégique à l'orée 2040 pour réadapter et réajuster les grands indicateurs économiques et sociaux pour éviter, comme certains l'ont nommé, «l'iceberg». Le docteur Abdelhak Lamiri, économiste et expert à, dans une déclaration au Quotidien d'Oran, expliqué que «nous venons de subir un contrechoc pétrolier aussi dangereux que celui de la fin des années quatre-vingt. Nos ressources extérieures vont être divisées par deux alors que la croissance démographique s'accélère». Dès lors, «le fonds de régulation (des recettes, Ndlr) et les réserves (de change, Ndlr) ne peuvent nous prémunir que trois à quatre ans maximum». Il s'interroge si «les décisions prises par nos stratèges sont suffisantes pour nous prémunir des problèmes économiques et sociaux futurs ?» Pour le Dr Lamiri «jusqu'à présent on a privilégié des ripostes tactiques : améliorer la fiscalité, différer les projets d'infrastructures non urgents, pousser vers plus de diversification économique. Beaucoup de bonnes décisions sont prises. Cependant, elles demeurent nettement insuffisantes pour booster l'économie vers l'émergence et la rupture avec la dépendance énergétique». En fait, et devant l'urgence de la situation, avec une baisse permanente des cours pétroliers, il estime que l'Algérie «a besoin de mesures structurelles fortes : un plan stratégique Algérie 2040». Il énumère une série de mesures aptes, selon lui, à relancer la machine économique algérienne, à construire une économie moins dépendante des hydrocarbures. Il faut, explique t-il, «une réorganisation de l'Etat, booster au niveau mondial nos qualifications humaines et nos pratiques managériales, une décentralisation poussée qui aboutit aux plans de développement communaux et régionaux, créer les 1.500.000 entreprises qui nous manquent (nous n'avons que 780 000), booster l'économie du savoir en se dotant d'une industrie de l'expertise capable de hisser la productivité de l'économie nationale (agriculture, industrie, services) au niveau mondial». Et puis, «nous avons une fenêtre d'opportunités», relève-t-il par ailleurs, avant d'affirmer que «nous avons de quoi financer ce plan d'émergence sans heurts sociaux». Pur autant, il estime que «pour le moment, les mesures prises ont surtout provoqué un pessimisme généralisé au lieu de distiller la confiance en soi et de mobiliser les énergies et l'intelligence de tous les Algériens pour gagner la bataille de la mondialisation». Dans son dernier livre «La décennie de la dernière chance: Emergence ou déchéance de l'économie algérienne?», Lamiri relève que «nous nous situons à la croisée des chemins la plus dangereuse que nous ayons eu à connaitre depuis cinquante ans d'indépendance. Nous faisons face aux risques géostratégiques : les turbulences à nos frontières est et sud, les printemps arabes avec leurs lots d'incertitudes et les scénarios élaborés pour nous ailleurs nous mettent en position d'attente dangereuse. Nous sommes d'autant plus vulnérables que nous n'avons pas su construire une économie florissante et un projet de société qui aurait fait la fierté de la vaste majorité de la population''.