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Un rappel à l'ordre et des interrogations

par Abdelkrim Zerzouri

Une tempête dans un verre d'eau ou une manœuvre dont l'objectif reste encore voilé ? Certaines chaînes de télévision privées sont placées sous les feux de la rampe en ce mois sacré de Ramadhan après l'admonestation du ministre de la Communication, qui a sommé les responsables de ces chaînes TV à prendre, sans délai, «des dispositions rigoureuses» pour expurger les grilles des programmes des expressions de violence et autres scènes contraires aux traditions et valeurs de la société «sous peine de retrait de l'autorisation». Un scénario qui semble orchestré mais certainement pas pour faire peur aux directeurs des chaînes TV en question, sinon on leur aurait collé à la peau et à l'âme cette peur en agissant autrement, en coupant la manne publicitaire par exemple. Là, on aurait fait mal, et on aurait été écouté attentivement.

Le retrait de l'autorisation, c'est quoi ? Quelle autorisation et dans quel cadre juridique évoluent ces chaînes nationales nées à l'étranger ? Faudrait-il l'avouer, ces chaînes nationales nées à l'étranger rendent bien des services aux autorités et aux spectateurs algériens, qui ne sont plus contraints de se brancher sur des chaînes satellitaires qui diffusent du venin pur et dur, au côté desquelles nos chaînes paraîtront des amateurs, des novices lorsqu'il s'agit de promouvoir le mensonge et les discours haineux et violents. Quoi alors ? Qu'est-ce qui fait bouger le gouvernement, par la voix du ministre de la Communication, dans cette direction du rappel à l'ordre adressé à des chaînes de télévision qui ne sont pas vraiment hors de tout contrôle ?

Le ministère de la Communication qui a spécifié, dans son communiqué, les cinq chaînes de télévision accréditées (Ennahar TV, Echorouk TV, Dzaïr TV, El Djzaïria et Hoggar TV) les appelle à prendre «sans délai» des dispositions rigoureuses «afin d'expurger» l'ensemble des grilles de leurs programmes télévisés « des scènes contraires à nos traditions ancestrales et à nos valeurs religieuses qui bannissent la violence sous toutes ses formes et sacralisent la famille algérienne encline à la paix et à la sérénité». Qu'est-ce qui aurait empêché le ministre de rencontrer les directeurs des chaînes en question autour d'une table et discuter ou débattre avec eux des orientations et de la stratégie de communication audiovisuelle ? En un mot, leur dire d'éviter de faire l'apologie du terrorisme, en accordant l'antenne à ceux qui usent de langages violents, qui font l'apologie du terrorisme, et ils sont nombreux, avec des styles variés. De suspendre ces caméras de la terreur qui ne cachent rien des scènes de violence qu'elles offrent en spectacle aux familles algériennes.

Tout cela, on aurait pu le faire autour d'une tasse de thé. On tente de focaliser l'opinion sur cette mesure énergique du gouvernement qui veut sauvegarder la morale ou le moral. Un coup médiatique relayé par le Figaro qui titre «Le gouvernement algérien menace de fermer des chaînes de télévision banalisant la violence». Rien à ajouter à ce propos. Sauf que les rappels à l'ordre concernent les cinq chaînes de télévision nationales nées à l'étranger, mais les critiques sont exclusivement concentrées sur Echorouk TV, notamment dans le contexte de l'émission «caméras cachées» où l'on simule des prises d'otages en mode d'emploi «Daech». Comme par hasard, des robes noires épaulées par l'union nationale des barreaux ont attaqué ces derniers jours Echorouk TV à cause d'une émission où les avocats sont traités de «courtiers de la défense». Une calomnie impardonnable selon les avocats. C'est peut-être là qu'on va tomber sur le quiproquo, le véritable. Le cadre juridique flou dans lequel évoluent ces chaînes de télévision bien algériennes mais nées à l'étranger, et détenues par des sociétés de droit étranger.