C'était la bousculade, hier matin, devant le siège de la daïra de
Constantine. Une vingtaine de protestataires, en colère après avoir constaté
qu'ils n'étaient pas parmi les bénéficiaires de logements sociaux convoqués au
troisième tirage (tenu dimanche dernier), tentaient de prendre d'assaut la
daïra, et les agents de maintien de l'ordre ont trouvé beaucoup de mal à les
repousser et les contraindre de s'éloigner de la porte d'entrée en leur
promettant de les faire entrer voir le secrétaire général de la daïra par
groupes de quatre. « Je suis capable de m'immoler vif pour faire parvenir la
souffrance des gens comme moi aux responsables », hurlait un citoyen d'une
cinquantaine d'années habitant le quartier Benchergui situé à la lisière de la
ville de Constantine. Et de poursuivre, le visage tout rouge de colère, « j'ai
une attestation de pré affectation, mon cas est classé ??rouge'' donc je suis
prioritaire, mais je n'ai pas reçu de convocation pour autant. Pourquoi aller
vers les noms qui commencent par le H et le K sans finir avec les B ? ». « Je
viens de divorcer, ma femme n'a pas pu continuer de vivre dans une seule
chambre avec nos quatre enfants devenus adultes maintenant ». Et un autre de
renchérir « c'est encore plus révoltant quand on apprend que des célibataires
ont pu avoir des appartements ainsi que des gens qui vivent dans un étage
indépendant chez leurs parents, ou que des convocations parviennent aisément à
des personnes qui n'ont pas fait comme nous le parcours du combattant pour
avoir cette fameuse attestation de pré-affectation ». Une dame du quartier
Mellah, en pleurs, essayait d'essuyer ses larmes avec le pan de son foulard en
nous racontant son cas : « je vis avec mes quatre enfants dans une cabane
jouxtant la maison de mon beau-père, ma fille aînée a 18 ans, mon cas est
classé rouge et mon nom commence par un B et on ne m'a pas convoquée ». Et une
autre du quartier Guemas d'intervenir « mon mari est au chômage, comment se
fait-t-il que des salariés qui touchent plus de 50 000 dinars aient bénéficié
d'un logement alors que nous non, on n'a pas respecté le plafond imposé au
salaire ». Toutefois, d'autres témoignages recueillis sur place contredisent
carrément les précédents; on apprendra que le ??zéro protestation'' a été quand
même, il faut le souligner, au niveau de certains autres quartiers tels que le
quartier Bosquet. Mme Khadija, une habituée des lieux à tel point que les
agents l'appellent par son prénom, a insisté en vraie militante pour le droit
au logement social, pour passer ce message « j'ai fermé à plusieurs reprises la
route, je connais tous les demandeurs de logement social, je tiens à souligner
que certains visages ne sont apparus que récemment et j'aimerai aussi parler
des gens qui sont restés les bras croisés durant des années et qui viennent
maintenant protester, toutes les demandes classées rouge ont été finalement
satisfaites, il ne reste qu'une SDF au Bosquet et on aimerait que la daïra
prenne aussi en charge son cas ». Mme Dalila, une femme au foyer qui s'est
chargée de cette lourde tache d'être à la tête du comité de son quartier Ziadia
a affiché son total satisfecit de l'opération du tirage au sort bien que,
elle-même, ne soit pas parmi les convoqués « s'il y avait une quelconque
complicité entre la commission d'enquête et les présidents de comités de
quartiers, je serais la première à avoir cet appartement, c'est difficile de le
faire croire aux gens, mais ceux qui ont bénéficié des logements le méritaient
vraiment ».