L'afflux
saisonnier de touristes que connaît Maghnia à chaque approche et durant le mois
sacré de Ramadhan pour les plus prudents, et qui devient au fil des ans plus
étouffant, importune le citoyen malgré les retombées économiques que cela
engendre à la région. La ruée vers les épices se fait plus envahissante cette
année. C'est par dizaines de bus et centaines de véhicules particuliers que des
touristes commerciaux arrivent quotidiennement de tous les coins du pays pour
s'approvisionner en épices. Selon l'un des commerçants du fameux marché
couvert, c'est là une tradition qui a pris source dans les années 80 où étaient
proposées des épices de qualité, importées illégalement du Maroc. Actuellement,
malgré que celles-ci ne proviennent plus de l'autre rive mais sont moulues
localement, la tradition demeure et l'afflux que l'effet boule de neige a créé,
devient une contrainte pour les locaux à l'approche et même durant le Ramadhan.
A travers la diversité des wilayas d'origine des véhicules que la ville
n'arrive pas à contenir, le label «épices de Maghnia» semble, sans publicité
aucune, avoir fait le tour d'Algérie d'où l'arrivée massive d'une grande foule
depuis voilà 3 semaines déjà. Les centaines, voire les milliers de visiteurs
quotidiens durant les week-ends, convergent vers le principal pôle d'épices
qu'est le marché couvert où il faut jouer des coudes pour se frayer un passage
et avoir beaucoup de patience pour se faire servir sa commande d'épices et
autres fruits secs. Tout est raflé au passage aussi bien les épices que les
fruits secs, les différentes substances qui se présentent sous forme de cubes
et bien d'autres ingrédients. Les lieux de restauration sont également pris
d'assaut. L'effervescence a connu son comble durant cette dernière semaine. Des
quintaux d'épices sont écoulés quotidiennement, ce qui dénote que l'occasion
était attendue et pour laquelle, afin de ne pas rater l'opportunité annuelle
d'améliorer le chiffre d'affaires, les commerçants ont apparemment prévu le
stock suffisant. Les étals achalandés par des dizaines de sortes d'épices sont
parés par de petits monticules d'épices aux mille couleurs, des chefs-d'œuvre à
base de safran, poivre noir, cumin, carvi, curcuma, piment rouge?, une
symphonie de couleurs et de senteurs. Maghnia devient ainsi, à l'approche et
durant Ramadhan, un haut lieu de substances aromatiques que les ménagères, à
travers toutes les régions du pays, en sont devenues passionnées pour
assaisonner ou relever leurs plats. Le nom de «ras el hanout» qui est même
associé à la ville de Maghnia sur Wikipédia, dénote de cette notoriété laquelle
malheureusement a ses revers à l'origine de désagréments aussi bien pour les
visiteurs que pour les locaux. La quasi- inexistence de toilettes publiques (un
seul lieu crasseux pour une ville de 200.000 âmes) est à l'origine de biens
d'embarras, notamment pour les femmes qui se voient ainsi contraintes, pour
l'urgence de la situation, de mettre de côté leur pudeur et de faire la chaîne
à la porte de ce « lieu » avec la gent masculine ou pour les plus audacieuses,
de demander la grâce des cafetiers ou restaurateurs pour faire usage du « petit
coin », quand il existe. Par ailleurs, en plus de la hausse des prix des
produits que cette ruée cause pour les Maghnaouis et comme rien n'a été prévu
pour l'accueil de tout ce déferlement, celle-ci engendre au quotidien une
circulation automobile indescriptible. Devant le manque d'aires de
stationnement, les véhicules et bus passent des heures à sillonner les rues à
la recherche d'une place de stationnement, ce qui complique davantage la
circulation déjà dense au point où les agents de la voie publique, dépassés,
n'arrivent plus à maîtriser la situation et faire respecter les règles de la
circulation et sont même, par moment, contraints à s'effacer devant cette
anarchie? Comme à l'accoutumée, la situation connaîtra un relatif répit au
début de Ramadhan avant que cela reprenne de plus beau.
Malheureusement,
cette lamentable situation n'est pas près de s'améliorer avec la fin de
Ramadhan, car d'autres visiteurs, d'un autre genre, emboîteront le pas à ceux «
des épices ». Il s'agit des vacanciers que les plages de Marsat Ben M'hidi
drainent chaque saison par millions (8 millions de visiteurs l'année écoulée).
Accueillants et également dociles, les Maghnaouis vivront en silence le
cauchemar jusqu'à la prochaine rentrée sociale, comme chaque année?