C'est de la façon la plus inattendue qui soit que le général
de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense et chef
d'état-major de l'ANP, a fait savoir qu'il cautionne la consécration du controversé
Amar Saadani comme secrétaire général du parti du Front de libération
nationale. En lui envoyant en qualité une lettre de félicitations dont les
termes ne laissent pas place à l'équivoque sur le soutien qu'il lui accorde. Ce
genre de correspondance n'est pas dans les traditions du Tagarin et il est
clair que Gaïd Salah y a eu recours pour signifier clairement que le plébiscite
de Saadani a toute son approbation. Voilà qui doit mettre fin aux supputations
ayant voulu accréditer que la prise de contrôle du FLN par Saadani aurait été
opérée sans le consentement de l'institution militaire. Les félicitations que
lui a adressées le vice-ministre de la Défense et chef d'état-major de l'ANP ne
sont pas que personnelles. Elles engagent incontestablement l'institution qu'il
dirige. Il n'y a que ceux qui cultivent encore l'illusion que Gaïd Salah
n'exprime pas la position de l'armée pour persister à penser que celle-ci a une
toute autre appréciation de l'intronisation de Amar Saadani à la tête de la
principale formation politique du pays. La mainmise sur le FLN de Saadani et
ses partisans n'est qu'un acte du scénario dont l'exécution va aboutir à une
succession telle que voulue par Bouteflika et le camp présidentiel et auquel
l'armée, sous contrôle de Gaïd Salah, a sans aucun doute accordé son blanc
seing. Que l'on cesse par conséquent de nous rabâcher la fiction qu'il y aurait
mésentente entre les deux institutions aux pouvoirs déterminants sur la
question de la succession et à qui elle va revenir. En adressant une lettre de
félicitations à Amar Saadani, le « patron » de l'armée, de toute évidence, a
voulu que son contenu mette terme aux spéculations sur l'éventualité que
l'armée n'aurait pas été insensible aux appels réitérés de l'opposition et de
personnalités nationales lui suggérant d'empêcher que la succession, devenue
inévitable à plus ou moins brève échéance, ne soit affaire que du seul clan des
proches de Bouteflika. Ce n'est pas la première fois qu'au nom de l'institution
militaire le chef d'état-major marque sa distance à l'endroit de ce que ces
milieux veulent que l'armée entreprenne pour éviter au pays une succession «
arrangée » qui compliquerait et aggraverait la crise nationale dans laquelle il
se débat. Il est désormais clair que les opposants à cette succession par
avance « arrangée » ne doivent compter que sur eux-mêmes pour tenter d'y faire
barrage. Le pouvoir, dont l'armée est irrévocablement partie prenante, a
neutralisé en son sein ceux qui ont eu la velléité de faire échec à son
scénario et il est déterminé à l'exécuter par un passage en force. C'est ce
qu'il a commencé de faire en s'assujettissant plus radicalement que jamais les
relais politiques, administratifs et sociétaux qui vont être mis à contribution
dans l'exécution du scénario. Il n'y a que d'indécrottables naïfs politiques
pour croire encore qu'il leur est possible d'enfoncer un coin entre les forces
constitutives du camp présidentiel et à rallier certaines d'entre elles à leur
préconisation d'une succession basée sur un consensus national quant à la façon
dont elle doit intervenir.