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Affaire Khalifa Bank : Les opérations de change illégales signalées à la BA et au ministère des Finances

par Tahar Mansour

En entendant hier mardi, au cours du vingt-cinquième jour du procès en appel de l'affaire Khalifa Bank, M. Ali Touati, DG adjoint de la Banque d'Algérie, le président du tribunal criminel, M. Antar Menouar, a eu droit à des précisions importantes de la part du responsable de l'institution qui avait pour mission principale de surveiller, de contrôler et d'encadrer les activités bancaires. Ce contrôle devait, à priori, éviter les dérapages et les trop grosses pertes financières. Ainsi, M. Ali Touati qui a occupé le poste de directeur du change à la Banque d'Algérie entre 1990 et 2001, a été appelé à la barre par le juge en qualité de témoin. Il rappela que la BA est composée de quatre directions, parmi elles celles dont il avait la charge. Il précisa que la Banque d'Algérie exécutait deux genres de contrôles : l'un sur place et l'autre par le biais des commissions, alors que le contrôle du commerce extérieur était fait selon l'activité propre de chaque banque. Concernant Khalifa Bank, M. Touati déclare qu'il a envoyé des rapports à Kéramane (ex Gouverneur de la Banque d'Algérie) et à l'inspection générale car cette banque avait débuté ses activités de commerce extérieur sans demander d'autorisation pour les opérations de change. Le témoin précise qu'il a exécuté sa mission conformément à l'instruction n°87 qui l'oblige de faire part à ses supérieurs de tous les dépassements de la législation qu'il peut constater et : « Khalifa Bank activait dans le commerce extérieur sans autorisation », a-t-il tenu à préciser.

Poursuivant son témoignage, le témoin affirme qu'il a reçu Khalifa Abdelmoumène et que ce dernier lui a demandé l'autorisation d'ouvrir une succursale à Paris, ce qui l'a poussé à avoir des doutes le concernant. M. Touati rappelle que plusieurs correspondances ont été envoyées à Khalifa Bank mais sans que la Banque d'Algérie ne reçoive aucune réponse. D'ailleurs, et après qu'il ait reçu Khalifa Abdelmoumène, le témoin a donné des ordres et des instructions afin que des contrôles plus poussés soient effectués à Khalifa Bank et que cette banque soit suivie de manière particulière. Quand le juge arrive à la décision de gel du commerce extérieur pour Khalifa Bank, M. Touati déclare que ce n'est pas lui qui a décidé de ce gel, bien qu'il affirme qu'il n'est pas normal de laisser quelqu'un dans le cas de Khalifa Bank jouer avec l'argent de l'Algérie. Il précisa que la décision de gel était provisoire et que c'est le directeur général du change qui avait pris cette décision et que la commission bancaire avait entériné cette mesure. D'ailleurs, rappelle-t-il, Khalifa Bank n'a introduit aucun appel concernant le gel du commerce extérieur. Toujours concernant le commerce extérieur, le témoin annonça que Khalifa Bank a utilisé le système Swift pour le transfert de devises et que ce système demeure technique. En passant ensuite à la désignation de l'administrateur, M. Touati déclare que cette désignation est intervenue parce que les responsables de Khalifa Bank n'ont pas corrigé les dysfonctionnements constatés par les inspecteurs bien qu'ils en aient été avisés. Il ajouta que la mission de l'administrateur était avant tout de tenter de remédier à la situation. Poursuivant ses éclaircissements, le témoin affirme que les irrégularités constatées dans la gestion de Khalifa Bank étaient vraiment inattendues et étonnantes, comme par exemple le fait qu'il n'y avait pas de budget et l'argent n'était pas porté dans les comptes appropriés. Il rappela que les deux commissaires aux comptes auraient dû prendre les mesures nécessaires quand ils ont constaté les irrégularités parce qu'ils sont tenus d'informer le parquet général et la banque d'Algérie quand ils font de pareils constats. M. Touati, en réponse à une question du tribunal, confirma qu'il a refusé de recevoir Khalifa Abdelmoumène car il ne précisait pas le motif de sa visite sur sa demande. Il réitéra en déclarant que le gel du commerce extérieur a été décidé car plusieurs irrégularités avaient été constatées. Il l'avait pourtant reçu une fois mais il a refusé par la suite car Khalifa Abdelmoumène ne ramenait pas les documents nécessaires avec lui, ceci au moment où sa banque faisait sortir du territoire national de grandes sommes en devises. Après la pause de midi, le président du tribunal criminel, M. Antar Menouar, appela M. Abdelhamid Serar, président de l'ESSétif, pour l'entendre en qualité de témoin. Ce dernier reconnut qu'un accord portant sur la somme de 4 millions de dinars avait été signé par son équipe avec Khalifa Bank qui versait les salaires des joueurs dans les comptes qui ont été ouverts en leurs noms. M. Serar affirma que c'était la première fois qu'il voyait une banque verser des salaires à des joueurs d'une équipe de football. Un autre président de club de football, M. Mohand-Chérif Hannachi, président de la JSK a ensuite été appelé par le président pour donner son témoignage. M. Hannachi déclara que c'est Rafik Abdelmoumène Khalifa qui l'a contacté et qu'il l'a rencontré dans son bureau à Hydra où ils ont signé une convention de prise en charge du club de Kabylie. Le témoin précise que c'est Khalifa qui lui a fait cette proposition. Il affirma aussi qu'il présentait chaque mois les factures relatives à la gestion du club et la banque se chargeait de les régler. M. Hannachi reconnut que la JSK a reçu 26 voitures de la part de Khalifa Bank qui versait aussi les salaires des joueurs.

Il confirma aussi que la JSK se portait très bien avec l'aide de Khalifa Bank, tout en rappelant qu'il n'y a pas de club qui n'a pas reçu de dons de la part de cette banque.        Aujourd'hui mercredi, c'est l'audition du liquidateur M. Moncef Badsi qui est très attendue tant il aura à dire sur la situation réelle de la banque.