Le débat sur la
pauvreté revient encore cette année avec les mêmes lancinantes interrogations,
les mêmes déceptions et les mêmes dénonciations d'un système social et
politique «qui ne fait pas grand-chose pour améliorer le vécu des démunis».
C'est le constat, alarmant, établi par la Ligue algérienne pour la défense des
droits de l'homme (LADDH) à la veille du mois sacré du ramadan, un mois où les actions
de générosité de l'Etat et des bienfaiteurs en général étalent toute leur
expression. C'est, aussi, pour les politiques, le moment de se pencher sur ces
victimes d'un système d'exploitation qui n'accorde pas trop d'attention aux
moyens à mettre en œuvre tout au long de l'année pour réduire cette pauvreté
dans «un pays de plus en plus riche, et sa population de plus en plus pauvre!».
«Ramadan est là, et il a ramené avec lui un terrible constat: il y a plus de
1.628.000 familles pauvres en Algérie. C'est, en effet, le nombre d'inscrits
prévus pour bénéficier du couffin du ramadan lequel sera distribué en faveur
des nécessiteux. Ce chiffre est encore plus effrayant, car il ne représente que
le nombre des familles inscrites, cela fait plus de 24 % des Algériens qui
vivent en dessous du seuil de pauvreté», note un communiqué de la LADDH
transmis hier à notre rédaction. Tout en affirmant que «l'éradication de
l'extrême pauvreté en Algérie n'est pas seulement un devoir moral mais aussi
une obligation légale, à travers les lois existantes sur les droits de
l'homme». Ainsi, la LADDH tire la sonnette d'alarme, puisant dans la définition
classique des droits élémentaires de tout être humain et qui considère «la
pauvreté comme une violation des droits fondamentaux et de la dignité humaine,
aucun autre phénomène social ne semble porter aussi profondément atteinte aux
droits de l'homme que la pauvreté. Le dénuement sape ou réduit à néant les
droits économiques et sociaux, dont le droit à la santé, le droit à la nourriture,
à une eau potable et à un logement suffisant, et le droit à l'éducation. Il en
va de même pour les droits civils et politiques, dont le droit à un procès
équitable, celui de participer à la vie politique et le droit à la sécurité de
la personne». Et, bien évidemment, le couffin de ramadan est remis de
circonstance sur le tapis, égratigné et désigné, lui, comme un geste humiliant
envers les démunis. «On recommence. Chaque année, les couffins du ramadan
alimentent la polémique et ne semblent pas être maîtrisés du tout à cause de la
mauvaise gestion de ce dossier par les pouvoirs publics», soulignent à ce
propos les termes du communiqué, ajoutant qu'«il a fallu l'arrivée du ramadan
pour que le ministère de la Solidarité reconnaisse l'existence de 1,6 million
de familles dans le besoin, comme l'année passé en 2014». Non sans mentionner
sur ce registre que La LADDH, elle, a recensé au ramadan 2014 «pas moins de
1.628.000 démunis, répartis en quatre catégories, dont 807.057 bénéficiaires de
l'allocation forfaitaire de solidarité (AFS), 506.265 bénéficiaires du
dispositif d'activités d'insertion sociale (DAIS), 223.620 bénéficiaires de
l'allocation pour personnes handicapées à 100% et 91.065 démunis non assurés.
La LADDH estime encore dans ce contexte que c'est à l'Etat qu'incombe «le
devoir d'assister les personnes dans le besoin tout au long de l'année, et que
«s'il ne le fait pas, il se rend coupable de non-assistance à personne en
danger». Passant, donc, aux critiques acerbes contre la politique adoptée sur
le registre social, le communiqué de la LADDH met le doigt sur les carences qui
caractérisent la prise en charge des démunis par les pouvoirs publics. «Des
personnes qui toute l'année doivent se démener pour nourrir, scolariser et
soigner leurs enfants, seules face à leur destin, elles sont abandonnées par un
Etat qui, soucieux de son image de marque, préfère leur tourner le dos plutôt
que de mettre en place une véritable politique d'aide», peut-on lire dans le
communiqué. Pour la LADDH, il faut changer le système d'aide, le couffin du
ramadan en l'occurrence, consenti aux pauvres au mois de ramadan car,
souligne-t-on, «les personnes habilitées à tirer profit de cette opération de
solidarité continueront de faire des affaires qui s'avèrent très juteuses. Le
mode de sélection des fournisseurs des produits de première nécessité est loin
d'être transparent. Qui a le droit d'y prendre part ? Existe-t-il des critères
préalablement définis ?». Tout en rappelant aux mémoires les émeutes qui ont
émaillé sa distribution à travers plusieurs régions du pays, et autres
détournements qui ont traînés devant les tribunaux des P/APC et des élus
locaux. «Des dizaines de citoyens en colère ont investi les rues des communes
pour dénoncer la distribution de ces couffins qu'ils ont qualifiée d'injuste.
Ces citoyens ont affirmé que les véritables nécessiteux n'ont pas bénéficié du
fameux couffin», relève la LADDH dans son communiqué. Elle demande dans ce
sillage «la suppression du couffin de ramadan et son remplacement par un chèque
de pas moins de 20.000 dinars», afin de «préserver la dignité des personnes
nécessiteuses».