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Jeudi dernier, sur les côtes des Philippines et de l'Indonésie, des
bateaux fantômes, bondés de désespérés, attendaient quelques secours : peu ont
pu arriver sur terre, les autres ont été repoussés vers le large. Ce sont des
Rohingya, des musulmans chassés de Birmanie.
A l'autre bout de l'horizon, les mêmes visages émaciés, corps squelettiques en haillons, regards désespérés, apeurés. Zombies surgissant des brouillards marins ; vaisseaux fantomatiques survivant d'un naufrage apercevant enfin, au loin, la terre ferme. Avant même d'être débarqués, leurs «sauveteurs» découvrent qu'ils sont musulmans : des «Rohingya» ! Une ethnie et une croyance qui intriguent, dans ces vastes pays d'Asie du sud-est, à majorité bouddhiste, réputée pour sa tolérance, sa philosophie pacifiste et son respect religieux de toutes les créatures y compris végétales et minérales. Les Rohingya, eux ne soulèvent, donc, aucune compassion, aucun sentiment de miséricorde, aucune solidarité : ils sont musulmans et cela suffit pour s'en méfier, s'en éloigner, les éloigner, les abandonner à l'océan, au naufrage, à la fin. Jeudi dernier quelques rescapés ont fini sur les plages de Banda Aceh, en Indonésie. Les habitants de Banda Aceh sont en majorité musulmans et le nom complet de leur ville est «Nanggroë Aceh Darussalam», ce qui veut dire « Pays de la Cité de la paix». Les rescapés Rohingya ont été abandonnés à leur sort et les services d'ordre ont fermé les yeux. Un moindre mal à défaut d'être parqués dans des centres de transit. Au large, les autres vaisseaux fantômes, au nombre de quatre avec quelques milliers de désespérés dont des femmes et des enfants, ont été déroutés vers le large. Personne ne sait, à cette heure-ci, ce qu'ils sont devenus. Ils sont au large de l'océan, loin des yeux. La Malaisie, les Philippines, les autres îles indonésiennes surveillent leurs côtes : vont-ils arriver chez nous ? Que faire de ces malheureux ? Peut-être comme l'Australie : les rejeter à la mer, les installer sur des îles du «Diable» désertes et loin de toute civilisation. Peut-être même aller dans les eaux maritimes de la Birmanie, pays d'où ils fuient, pour couler au départ les rafiots des contrebandiers et passeurs : comme semblent le préconiser les Européens, en Méditerranée, pour les «fuyards» des guerres et misères. Mais la Birmanie n'est pas la Libye : c'est un Etat, riche, avec une armée qui tient le pays et a même un prix Nobel de la paix : Aung San Suu Kyi. Elle connaît le poids de l'injustice, la souffrance de la misère et le prix de la liberté. L'Europe et le reste du monde l'ont défendue, soutenue durant les vingt ans de son exil, son emprisonnement et sa résidence surveillée. On lui attribua le prix Nobel de la Liberté et elle fût libérée. Elle jura qu'elle ne se taira plus jamais devant la moindre atteinte à la liberté et la dignité humaine. Elle est députée, depuis 2012, année où elle a reçu le prestigieux prix. On ne l'entend plus depuis. Elle s'est réconciliée avec le pouvoir militaire de son pays et envisage de se présenter aux élections générales (législatives et présidentielles) qui auront lieu, avant la fin de cette année 2015. Les Rohingya vivent, depuis 2012, date de la «victoire» de Aung San Suu Kyi» des attaques, des violences, des marginalisations, des interdictions de culte (l'Islam)), des meurtres collectifs sans que la «voix» de l'égérie de la liberté ne se manifeste. Sans que les bouddhistes, réputés pour leur légendaire empathie envers toutes les créatures de ce monde, ne manifestent, ne marchent, ne dénoncent comme ils l'ont fait pour Aung San Suu Kyi. Pire, ils mènent une campagne de haine et de violence contre leurs compatriotes, les Rohingya, parce qu'ils sont musulmans. C'est terrible, tant le bouddhisme est contaminé, à son tour, par la peur du musulman, aussi misérable soit-il dans sa condition sociale. Quelle menace peut bien faire peser les Rohingya, peuple minoritaire, pauvre, illettré sur un pays dirigé d'une main de fer par une puissante armée, disposant de ressources financières (pétrole) gigantesques ? Pourquoi le plus grand pays musulman, le voisin indonésien, manifeste-il si peu de solidarité, de compassion pour ces quelques milliers de naufragés au bord de la survie ? Pourquoi, dans un élan de générosité et de solidarité le monde entier s'est précipité à Banda Aceh, lors du tsunami de décembre 2004 pour la sauver du naufrage ? Les habitant de Banda Aceh ont-ils oublié la mobilisation du reste du monde lorsqu'ils subirent la colère de l'océan ? Les guerres, misères et violence de toutes sortes qui frappent les pays les plus fragiles en ce début de millénaire poussent des populations entières à des exodes de survie, traversant les frontières terrestres, les mers et océans : la grande migration humaine a commencé. L'Onu avait décrété, en 2004, la décennie de la «Migration». En 2014, le bilan est inquiétant : ceux, toujours plus nombreux, qui fuient les guerres et la misère périssent en mer. Que sera le bilan de 2015 ? Ce n'est pas l'échec du seul plan onusien. C'est l'échec de l'Humanité. |
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