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Quand l'Occident joue à vouloir isoler la Russie

par Kharroubi Habib

Les chefs d'Etat occidentaux qui ont décliné l'invitation de leur homologue russe Vladimir Poutine à assister à ses côtés à Moscou à la célébration du 70ème anniversaire de la victoire des alliés sur l'Allemagne nazie ont cru peut-être que leur geste allait avoir une incidence sur sa popularité au sein du peuple russe. Leur absence a effectivement impacté l'opinion russe mais pas dans le sens voulu par eux.

Les Russes l'ont ressenti non pas comme une humiliation infligée à leur président, mais comme un manque de reconnaissance et de considération pour le rôle héroïque et les immenses sacrifices qui ont été ceux de leur pays durant la Deuxième Guerre mondiale. Même les moins tendres d'entre ces Russes à l'égard de Vladimir Poutine n'ont pu qu'être révoltés par le mélange des genres qu'ils ont vu dans l'attitude des Occidentaux, à savoir s'aviser de « punir » le président russe pour son comportement à leur égard sur des dossiers de politique internationale en tentant de rabaisser la grandeur par laquelle il a voulu que son pays commémore le 70ème anniversaire d'une victoire dont son peuple et son armée en furent des artisans déterminants.

Les chefs d'Etat occidentaux n'étaient pas présents à Moscou aux cérémonies commémoratives. Il n'y a pas lieu pour autant d'y voir la confirmation que la Russie de Poutine est dans l'isolement international à moins de considérer que la seule communauté internationale qui compte est celle constituée par les Etats occidentaux.

Ce que n'ont pas manqué de nous donner à entendre les médias occidentaux qui nous ont ressassé en boucle la litanie du prétendu isolement international de la Russie. Les Occidentaux exceptés, la plupart des autres pays de la planète ont tenu à être présents aux côtés du peuple russe, en signe de gratitude pour son héroïque contribution à la défaite du nazisme.

Les absents, loin d'avoir écorné la popularité dont Poutine jouit au sein du peuple russe, l'ont au contraire renforcée en s'aventurant à toucher celui-ci dans son patriotisme. Pour les Russes, c'est ce qu'a voulu atteindre justement le geste occidental en cherchant à humilier l'homme d'Etat qui a redoré le prestige international de la Russie et ravivé l'esprit patriotique de son peuple. La bourde occidentale est révélatrice du mépris dans lequel ils tiennent les opinions publiques des autres nations. Ils ne voient les peuples de ces nations que comme des magmas sans conscience et intelligence à qui ils peuvent dicter ce qu'ils doivent voir en bien ou en mal selon ce que l'Occident décide en cela.

Il est incontestable que Poutine a quelque peu éveillé les consciences en Russie mais ailleurs aussi sur cette vision du monde méprisante et agressive qu'ont les Occidentaux et sur laquelle ils ont basé leurs relations avec les autres peuples et Etats. C'est ce qui ne lui est pas pardonné et explique l'acharnement qu'ils mettent à le déprécier ou à le diaboliser, faute de ne pouvoir lui infliger le sort des Saddam Hussein, Kadhafi et autres chefs d'Etat qui ont eu la velléité de contester la vision occidentale et esquissé de la résistance à son encontre. La grandiose démonstration de la force militaire russe faite à Moscou à l'occasion de la commémoration du 70ème anniversaire de la chute du Reich nazi a été pour les Occidentaux le rappel que la Russie a le moyen de faire pièce à la tentative à laquelle ils s'essaient grossièrement pour empêcher son retour en force sur la scène des relations internationales.