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Reporté le 25 mars dernier, le procès de l'autoroute Est-Ouest,
impliquant plusieurs entreprises étrangères, a repris hier au tribunal criminel
d'Alger et ce, en présence de tous les avocats de la défense.
Sur les 16 personnes impliquées dans cette affaire, une (1) est en fuite et quatre sont en détention. Les sept entreprises étrangères Citic-CRCC (Chine), Cojaal (Japon), SM Inc (Canada), Isolux Corsan (Espagne), Pizarotti (Italie), Garanventas (Suisse) et Coba (Portugal), doivent répondre de plusieurs délits liés à la corruption. En sus des 12 avocats Algériens, des avocats étrangers de Chani Medjdoub, Me William Bourdon et Philippe Penning, étaient également présents à ce procès très médiatisé. Sur les 17 témoins appelés, 9 sont absents. Parmi eux cinq témoins dont la justice n'a trouvé aucune trace. Un des témoins est par ailleurs décédé. La stratégie des avocats est désormais connue depuis hier. Elle consiste désormais à battre en brèche les procédures liées à l'arrestation, l'interrogatoire et l'emprisonnement du principal accusé dans cette affaire, Chani Medjdoub. Premier à lancer la charge, Me Amine Sidhoum qui a affirmé que son client (Chani Medjdoub) a été «kidnappé» par le DRS, avant d'être relayé par un autre avocat qui demande tout simplement l'extinction de la procédure judiciaire contre son client. «Nous voulons l'application de la loi et donc celle de la convention internationale des droits civiques et politiques ratifiées par l'Algérie en 1989» a plaidé Me Belarif qui accuse le DRS d'agir en dehors des instances judiciaires. «C'est une violation des procédures pénales» soutient l'avocat qui affirme que selon les conventions internationales des droits de l'Homme et selon la loi, une enquête devait être ouverte, dès la présentation de Chani Medjdoub devant le procureur de la République, pour torture dans les locaux du DRS. Son client, ajoute-t-il, était dans un état lamentable. Il avait subi toute sorte de violence dans les locaux du DRS et avait même été empêché de dormir et de prendre une douche. Les avocats de Chani ont mis en exergue, tout au long de leur plaidoirie, la «violation des procédures pénales» en rappelant qu'il n'existait aucun mandat d'arrêt contre leur client quand il a été interpelé à l'aéroport. Me Belarif enfonce encore le clou en affirmant qu'aucun document ne prouve que le Procureur de la république n'était informé d'un mandat de dépôt ni d'une prolongation de la grade à vue et ce, entre le 28 septembre et le 06 octobre 2009 et que la femme de Chani avait prévenu la police du Luxembourg de sa disparition le 16 septembre. Après une courte suspension d'audience, les avocats étrangers de Chani entrent en scène. Me Bourdon demande au président du tribunal de prononcer la «nullité» des aveux extorqués sous la torture parce qu'ils vont conditionner, selon lui, le cheminement du reste du procès. «Vous avez les éléments pour prendre la bonne décision du point de vue du droit. Je n'ai jamais vu de ma vie un dossier de justice qui documente ainsi des faits de torture», tonne Me Bourdon qui s'interroge si «la procédure peut être respectable et régulière si elle est précédée de trois semaines de torture ?» Me Bourdon, qui rappelle que la justice et les juges doivent être comme un bouclier contre l'arbitraire, et des gardiens de la dignité des citoyens, menace et affirme qu'un juge luxembourgeois a envoyé une commission rogatoire pour entendre les officiers du DRS pour les faits de torture sur Mejdoub, son client. Me Bourdon affirme que son client a été séquestré durant 20 jours où il a été privé de ses droits les plus élémentaires. Il n'a été présenté au tribunal de Sidi M'hamed qu'au bout de trois semaines. Cela a eu lieu à minuit et il n'a été entendu par le juge d'instruction qu'à 3 h du matin. «C'est bien d'évoquer la raison d'Etat mais que faire quand l'Etat perd sa raison ?», lance-t-il encore au président de la cour qui avait fait appel auparavant à un interprète en langue arabe. Il faut savoir que les avocats ont menacé à plusieurs reprises de se retirer de la salle d'audience. Le président du tribunal dira qu'un tel retrait n'est pas seulement un abandon de la défense de ses clients mais constitue également un affront pour le tribunal. Mais Chani Medjdoub, a déclaré qu'il ne voulait pas le report du procès. «Je peux me défendre tout seul. Je n'ai pas besoin de ces avocats qui ne servent à rien», a-t-il dit, les larmes aux yeux après avoir raconté les conditions de son arrestation. «En 34 ans dans le secteur de la justice, je n'ai jamais vu une défense formuler des requêtes et se retirer avant même qu'on lui réponde», souligne le juge avant d'entendre Me Bourayou intervenir pour réclamer que chacun parle uniquement au nom de son client Pour Me Abbaside avocat de l'accusé Khelladi, l'affaire de l'autoroute part dans tous les sens et ceux qui veulent le report aujourd'hui veulent aussi la mener sur un nouveau terrain: celui des droits de l'Homme, note l'avocat qui évoque une volonté de dévier le procès. Alors qu'on s'attendait à des révélations fracassantes sur ce scandale de l'autoroute Est-Ouest, on a assisté plutôt à un procès intenté au DRS par certains avocats. Il faut souligner que sans l'enquête du service judiciaire du DRS-service gelé sur décision du président de la République depuis plus d'une année- l'affaire n'aurait jamais éclaté ni ne serait connue de l'opinion aujourd'hui et encore moins transmise à la justice. En fait, hier, on a parlé de tout sauf de l'essentiel, à savoir le scandale en lui- même, une affaire de malversation et de corruption qui a coûté à l'Algérie des centaines de millions, voire plusieurs milliards de dollars, alors que cette autoroute n'est pas encore terminée. Pis que ça, certains tronçons, aussi bien à l'ouest qu'à l'est du pays, sont en train de connaître des réfections» qui coûtent au Trésor public quelques millions de dollars de plus, ce qui constitue légitimement un autre scandale sous d'autres cieux. |
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