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Haut lieu du marché parallèle des devises à Alger : Square Port-Saïd «perd le change»

par Yazid Alilat

Une atmosphère de fin de règne suintait, hier, des venelles jouxtant le square Port-Saïd d'Alger, donnant sur le port et de la rue Abane Ramdane, lieux privilégiés des revendeurs illégaux de devises.           En petits groupes, de deux à quatre, voire cinq personnes, conversaient à voix basse, mais avec une certaine colère et beaucoup de dépit, devant les magasins et les gargotes de la rue de la Liberté, au lendemain d'une descente policière qui avait visé les cambistes du marché parallèle de devises du square Port-Saïd. Sur place, ceux qui ont échappé aux mailles du filet ne sont pas très loquaces. «Je ne sais pas combien l'euro est aujourd'hui coté», répond un gars à l'allure bien connue de cette place forte de change parallèle à Alger. «Aujourd'hui, je ne pense pas qu'il y ait une vente ou des achats de devises. Les gars sont trop prudents. Ils ont peur», nous répond-il, rassuré quant à nos intentions. «Revenez plus tard, lorsque cela va se calmer», nous a-t-il lancé, avant de disparaître entre les arcades de la rue Abane Ramdane en direction de la rue Ali Boumendjel (ex-rue d'Isly). Un peu plus loin, près du tribunal d'Alger, un cambiste nous accoste: «Ouech, Ammi, tu as vu ce qui s'est passé hier ?» Fataliste, il lâche: «J'ai perdu au moins 1,2 million de dinars hier». «C'est la vie. Maintenant, je n'ai que 100 dinars en poche», ajoute-t-il. Selon des cambistes du square Port-Saïd, l'opération policière de dimanche a ramassé le gros lot, certains parlant de sommes variant entre 1 million et plusieurs dizaines de millions de dinars par individu appréhendé. La descente policière de la brigade de répression des fraudes et des infractions contre la législation des changes a été sanctionnée par l'arrestation de plusieurs cambistes illégaux et leur argent saisi. Des PV auraient été établis avant qu'ils ne soient ensuite relâchés, a-t-on appris auprès de certains d'entre eux.

Aucune information officielle n'a filtré de source proche de la sûreté de wilaya d'Alger sur cette opération et ses tenants et aboutissants. En «off», on indique seulement que l'opération est entourée de la plus grande discrétion. Mais, c'est tout. Dans les cafés du square Port-Saïd, pourtant, on s'interroge sur les raisons de cette opération. «Non ici, il n'y a pas de faux euros, de fausse monnaie.

C'est clean», affirme un cambiste, sous le couvert de l'anonymat, comme pour démentir certaines rumeurs selon lesquelles la descente policière aurait visé un trafic de fausse monnaie. Hier, dans certaines places fortes du change parallèle des devises, c'était la prudence.

A Oued Kniss, dans la commune de Belouizdad, un autre haut lieu du marché parallèle de l'or et de devises, le ton était à la prudence. Souvent très agressifs, allant même jusqu'à apostropher les passants pour leur vendre ou acheter des devises ou de l'or, à quelques mètres seulement de policiers chargés de réguler la circulation sur cet axe urbain, ils étaient très discrets hier lundi. «Combien fait l'euro ? Non, je ne sais pas, peut-être 14 ?», nous répond sur un air naïf un gros gaillard, adossé au mur du Crédit municipal (Mont de Piété) d'El Annassers, le second avec celui de la rue Larbi Ben M'hidi de la Banque de développement local (BDL).

C'était à peu près le même son de cloche à la rue de la Liberté, au square Port-Saïd et la rue Abane Ramdane : « Non, je ne sais pas combien fait aujourd'hui l'euro ».

REVENEZ APRES !

Ailleurs, dans les autres places fortes du change parallèle à Alger, la prudence était de mise.

La situation sur le marché parallèle des devises laisse perplexe. En octobre 2012, l'ex-ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia, avait étonné plus d'un en déclarant que «les citoyens y trouvent leur compte», dans ce marché parallèle des devises, alors que tous les observateurs s'attendaient à ce que la Banque d'Algérie ouvre «les vannes» en légalisant définitivement les bureaux de change. Pas d'accord alors avec Daho Ould Kablia, Mahi Khelil, président de la Commission des finances et du budget de l'Assemblée avait répliqué le 22 octobre de la même année en estimant que «tout ce qui n'est pas légal doit être interdit». «Un arsenal juridique existe pour lutter contre le blanchiment d'argent.         Aux services concernés d'appliquer ces textes», a-t-il encore relevé. Le lendemain, 23 octobre 2012, le ministre des Finances, Karim Djoudi, sort de sa réserve et lance que «le gouvernement va combattre le marché informel de la devise. La loi ne permet pas l'existence d'un marché parallèle de la devise». Devant le Sénat, il précise: «Dans l'économie, il existe un marché officiel. Il n'y a pas de place pour le marché noir». Mais les choses en sont restées là. Jusqu'à l'opération de dimanche.

MESURES POUR AUGMENTER L'ALLOCATION TOURISTIQUE

M. Abderrahmane Benkhalfa, expert financier et ancien SG de l'Association des banques et établissements financiers (ABEF), estime que le marché des changes doit être plus souple, avec un plus de soutien au dinar. Dans une déclaration au Quotidien d'Oran sur cette opération policière qui a visé le marché parallèle des devises du square Port-Saïd d'Alger, il a relevé d'abord qu'«on ne peut commenter une action d'une autorité publique, car du point de vue légal, l'opération est normale, car les transactions de devises sont interdites». «Mais le phénomène du marché parallèle des changes doit être traité par des moyens économiques», a-t-il nuancé, relevant qu'il «faut, dans le cadre de la lutte contre le marché parallèle des devises, assécher la demande sur le marché en prenant des mesures administratives en faveur des petits demandeurs», notamment «élever l'allocation touristique, permettre aux étudiants d'avoir des bourses conséquentes, et aux malades d'aller faire des soins à l'étranger». «Le second moyen de lutte contre ce marché parallèle est le rétablissement de la confiance du citoyen et des détenteurs de capitaux dans la monnaie nationale», a-t-il encore souligné, car, selon lui, «il faut redonner confiance dans le dinar, car il existe de grosses sommes d'argent qui ne sont pas canalisées vers l'investissement, et donc la monnaie nationale perd sa valeur».        «Il y a des gens qui ont d'importants patrimoines en dinars», laisse-t-il tomber, avant de soutenir qu'il «faut redonner sa compétitivité au dinar, le rendre plus compétitif sur le marché des changes». Enfin, «il faut récupérer les rentrées de devises autres que celles des recettes d'hydrocarbures en permettant l'ouverture de bureaux de change chargés de la collecte des devises qui entrent sur le territoire national à travers d'autres canaux, notamment les touristes, la diaspora, etc.»