Dans le monde dit « arabe », c'est le ciel qui trace les
frontières de la Terre et transforme les nations en nuages éphémères. C'est le
nouveau siècle et les pays du coin sont des tracés sur le sable, entre une
caravane avec un hymen et un drapeau, une prière ou un colon. Le ciel s'y joue
et tue l'homme qui passe ou s'y attarde. Cela se passe ainsi quand on ne sépare
pas religion et Etat, péché et délit. « Séparer l'Etat de la religion sauve l'Etat
bien sûr, mais sauve surtout la religion », me dit l'ami dans les rues de
Bruxelles, hier soir. Etrange qu'on n'y pense pas chez nous, pour les plus
généreux d'esprit. Les religieux sincères devraient être en effet les premiers
à défendre la laïcité : cela permet de garder la foi loin du Parti, de
maintenir la religion dans la pureté du cœur et le champ du choix. Préservée de
la politique, une religion est préservée des ambitieux, des calculateurs, des
violents, des corrompus et des manipulateurs qui y viennent par cupidité et
haine et non pour chercher la voie du sens. Ceux qui y viendraient prier ou
guider, le feront par choix, amour, compassion, quête spirituelle, désir de
trouver du sens. On verra alors s'éloigner ces mauvais vivants qui, au nom de la
religion, tuent la foi et l'homme et le passant et la femme et le rire et le
monde.
Sauf que le mot a mauvaise presse, sali par ceux-là mêmes
qui disent que la laïcité est un crime contre Dieu et un complot de l'Occident.
Cela se comprend : l'assassin défend son masque. S'il vous dit que séparer la
religion et la politique est un péché, c'est parce qu'il fait de la politique
au nom de la religion. Cela ne l'arrange pas de perdre son masque. Il fait
commerce, il ne se soucie pas de faire d'une croyance son mulet ou sa
chaussure. Séparer la religion du politique, c'est séparer la carrière de la
croyance. C'est aussi mettre à nu l'ambition de l'homme qui veut prendre le
pouvoir au nom du pouvoir de Dieu. Il vous dira qu'il veut ce que Dieu veut,
que l'islam est la solution et qu'on doit appliquer la loi de Dieu. Sauf qu'il
ne s'agit pas de cela. Il ne s'agit pas de guider les cœurs vers le ciel mais
les gens vers la soumission. Séparer l'Etat de la religion sauve la religion de
ceux qui la salissent et la manipulent. Cela permet de voir venir les meilleurs
cœurs vers une foi. Cela permettrait de libérer une religion de sa prise
d'otage par la violence. C'est alors que l'on parlera de l'homme, de l'amour
d'un Dieu, de sens, de vision, de conviction, de partage, de don, de sacrifice.
Au lieu de parler de fatwas, interdits, tabous, haram/hallal, haine, complot,
sexe, femme, nudité. Sourire sera la première lettre de l'alphabet. Séparer le
politique du religieux, c'est unir l'homme au désir d'un Dieu. La carte du monde
serait alors tracée par les pèlerins, pas par les tueurs et les morts. Et
jamais ce monde dit « arabe » ne connaîtra la paix tant qu'il confondra verset
et épée, religion et politique, califat et calculs.